Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/A

A

Aaron. Grand Prêtre des Hébreux, digne frere de Moyſe, & le parfait modele de nos Prêtres modernes. Il fit adorer, & adora lui-même, le veau d’or, en quoi il eſt aſſez bien imité par ſes Succeſſeurs dans le Sacerdoce ; le peuple d’Iſraël fut puni de la ſotiſe de ſon Prêtre, qui ne fut point châtié lui-même, à cauſe des immunités du Clergé. Aaron pour avoir manqué de foi fut exclus de la terre promiſe, & c’eſt pour l’imiter que nos Prêtres ne croyent point toujours aux belles choſes qu’ils nous diſent. Malgré ces bagatelles Dieu, qui connoît tout ce que vaut un grand Prêtre, s’intéreſſoit ſi fort à lui, qu’il a compté juſqu’aux grelots qu’il devoit porter à ſa jaquette ; cela doit nous faire ſentir que rien de ce qui touche les Prêtres n’eſt indifférent à Dieu.

Abbayes. Aziles ſacrés contre la corruption du ſiecle, qui dans des tems de foi vive, furent fondés & dotés par de ſaints brigands, & deſtinés à recevoir un certain nombre de citoyens ou de citoyennes très-utiles, qui ſe conſacrent à chanter, à manger, à dormir, le tout pour que leurs concitoyens travaillent avec ſuccès.

Abbé. C’eſt un Pere ſpirituel qui jouit des revenus temporels attachés à une Abbaye, à condition de dire ſon bréviaire, de tourmenter ſes moines & de plaider contre eux. Tous les Abbés de ce monde ne jouiſſent point d’une Abbaye, quoiqu’ils en ayent bonne envie ; pluſieurs ne jouiſſent que du droit d’aller vêtus de noir, de porter un rabat, & de colporter des Nouvelles.

Abnégation. Vertu Chrétienne qui eſt l’effet d’une grace ſurnaturelle ; elle conſiſte à ſe haïr ſoi-même, à déteſter le plaiſir, à craindre comme la peſte tout ce qui nous eſt agréable ; ce qui devient très-facile pour peu qu’on ait une doſe de grace efficace ou ſuffiſante pour entrer en démence.

Abraham. C’eſt le père des croyans. Il mentit, il fut cocu, il ſe rogna le prépuce & montra tant de foi que, ſi un ange n’y eût mis la main, il coupoit la jugulaire à ſon fils, que le bon Dieu, pour badiner, lui avoit dit d’immoler : en conſéquence Dieu fit une alliance éternelle avec lui & ſa poſtérité, mais le fils de Dieu a depuis anéanti ce traité, pour de bonnes raiſons que ſon Papa n’avoit point preſſenties.

Abſolution. C’eſt la rémiſſion des péchés que l’on a commis contre Dieu : les Prêtres de l’Egliſe Romaine l’accordent aux pécheurs, en vertu d’un blanc-ſeing de la Divinité : invention très-commode pour mettre bien à l’aiſe des fripons timorés, qui pourroient bien conſerver des remors ſi l’Egliſe n’avoit point l’attention de les raſſurer.

Abſtinences. Pratiques très-ſaintes ordonnées par l’Egliſe ; elles conſiſtent à ſe priver des bienfaits de la Providence, qui n’a créé les bonnes choſes que pour que ſes cheres créatures n’en fiſſent aucun uſage ; l’on voit qu’en ordonnant des abſtinences la Religion remédie ſagement à la trop grande bonté de Dieu.

Abſurdités. Il ne peut y en avoir dans la Religion ; elle eſt l’ouvrage du Verbe ou de la raiſon divine, qui, comme on ſait, n’a rien de commun avec la raiſon humaine. C’eſt faute de foi que les incrédules croyent trouver des abſurdités dans le Chriſtianiſme ; or, manquer de foi, eſt, ſans doute, le comble de

l’abſurdité. Pour faire diſparoître du Chriſtianiſme toutes les abſurdités il ne faut qu’y être habitué dès l’enfance & ne les jamais examiner. Plus une choſe eſt abſurde aux yeux de la raiſon humaine plus elle eſt convenable à la raiſon divine ou à la Religion.

Abus. Il s’en gliſſe par fois dans l’Egliſe, malgré les ſoins vigilans de la Divinité ; on en eſt quitte pour réformer ces abus lorſqu’ils font trop crier. D’ailleurs ce ne ſont que des gens ſans foi qui s’apperçoivent de ces abus, ceux qui en ont aſſez n’en remarquent jamais.

Adam. C’eſt le premier homme. Dieu en fit un grand nigaud, qui pour complaire à ſa femme, eut la bêtiſe de mordre dans une pomme, que ſes deſcendans n’ont point encore pû digérer.

Agneau de Dieu. C’eſt Jéſus-Chriſt. L’Ecriture nous dit de craindre la colere de l’agneau qui, ſuivant l’Apocalypſe, eſt plus méchant qu’un Loup, & plus colere qu’un Dindon. V. Enfer.

Agnus-Dei. Petits gâteaux de cire, bénis par le Pape lui-même, & qui par conſéquent ont reçu de la premiere main la vertu miraculeuſe d’écarter les preſtiges, les enchantemens, les orages. Voilà pourquoi le tonnerre ne tombe jamais dans les pays qui ſont pourvus de cette ſainte marchandiſe.

Aliénation. Les biens Eccléſiaſtiques ne peuvent point s’aliéner ; les Prêtres n’en ſont que les gardiens ; c’eſt Dieu qui en eſt le propriétaire ; mais il eſt toujours mineur & ſous la tutelle de l’Egliſe. Il n’eſt permis aux Prêtres que d’aliéner leur eſprit, ou bien celui des dévotes qui écoutent leurs ſaintes leçons.

Alimens. Rien n’eſt plus important au ſalut que de mettre du choix dans ſes alimens : l’Egliſe Romaine, en bonne mere, s’intéreſſe à la ſanté de ſes enfans, elle leur preſcrit un régime & les met fréquemment à la diète. Voyez jeûne & maigre.

Alliances. Dieu, qui eſt immuable, a fait deux Alliances avec les hommes ; la premiere qu’il avoit juré devoir être éternelle, ne ſubſiſte plus depuis longtems ; la ſeconde durera ſuivant les apparences tant qu’il plaira à Dieu ou à ſes Prêtres, ou à la Cour.

Ame. Subſtance inconnue, qui agit d’une façon inconnue ſur notre corps que nous ne conoiſſons gueres ; nous devons en conclure que l’ame eſt ſpirituelle. Or perſonne n’ignore ce que c’eſt que d’être ſpirituel. L’Ame eſt la partie la plus noble de l’homme, attendu que c’eſt celle que nous connoiſſons le moins. Les animaux n’ont point d’ames, ou n’en ont que de matérielles ; les Prêtres & les Moines ont des ames ſpirituelles, mais quelques-uns d’entre eux ont la malice de ne point les montrer, ce qu’ils font, ſans doute, par pure humilité.

Amour. Paſſion maudite que la nature inſpire à un ſexe pour l’autre, depuis qu’elle s’eſt corrompue. Le Dieu des Chrétiens n’eſt point galant, il n’entend point raillerie ſur le fait de l’amour ; ſans le péché originel les hommes ſe ſeraient multipliés ſans amour, & les femmes ſeroient accouchées par l’oreille.

Amour divin. C’eſt l’attachement ſincère que tout bon Chrétien, ſous peine d’être damné, doit avoir pour un être inconnu, que les Théologiens ont rendu le plus méchant qu’ils ont pu, pour exercer ſa foi. L’amour de Dieu eſt une dette, nous lui devons ſur-tout beaucoup pour nous avoir donné de la Théologie.

Amour propre. Diſpoſition fatale par laquelle l’homme corrompu a la folie de s’aimer lui-même, de vouloir ſe conſerver, de deſirer ſon bien-être. Sans la chûte d’Adam nous aurions eu l’avantage de nous déteſter nous-mêmes, de haïr le plaiſir, de ne point ſonger à notre conſervation propre.

Anachoretes. Hommes très-ſaints, juſtement eſtimés dans l’Egliſe, qui pour être plus parfaits, ſe ſont éloignés du commerce des humains, dans la crainte d’avoir le malheur de leur être bons à quelque choſe.

Anathêmes. Imprécations charitables que les Miniſtres du Dieu de paix lancent contre ceux qui leur déplaiſent, en les dévouant, pour le bien de leurs ames, à des ſupplices éternels, quand ils ne peuvent point faire ſubir à leurs corps des ſupplices temporels.

Anes. Animaux à longues oreilles qui ſont patiens & malins. Ils ſont les vrais modeles des Chrétiens, qui doivent ſe laiſſer bâter & porter la croix comme eux. Jéſus monta un âne, qui ne lui appartenoit point, lorſqu’il fit ſon entrée glorieuſe dans Jéruſalem, action par laquelle il voulût annoncer que ſes Prêtres auroient le droit de monter & de bâter les Chrétiens & les Chrétiennes juſqu’à la conſommation des ſiecles. Cet article eſt de M. Fréron.

Anges. Courriers du Cabinet céleſte, que Dieu dépêche à ſes favoris. Sans les Anges Dieu ſeroit réduit à faire ſes commiſſions lui-même. Chaque Chrétien a l’avantage d’avoir un Ange Gardien, qui l’empêcheroit de faire bien des ſotiſes, ſi cela ne nuiſoit point au libre arbitre ; les Archanges ſont aux Anges ce que nos Archevêques ſont aux Evêques ; la Divinité s’en ſert dans les Ambaſſades importantes.

Annates. Les Souverains Catholiques permettent très-ſagement à un Prêtre étranger de rançonner les Prêtres de leurs Etats ; ſans cela ceux-ci ne pourroient légitimement exercer le droit divin de rançonner leurs concitoyens.

Annonciation. Viſite de cérémonie d’un pur Eſprit lorſqu’il trouſſa ſon compliment à une Vierge de Judée : il en réſulta un marmot auſſi grand que ſon Papa, qui n’a pas laiſſé de faire un certain bruit dans le monde, ſans celui que nous avons lieu d’eſpérer qu’il y pourra faire encore, ſi les hommes ſont toujours auſſi ſages qu’ils l’ont été.

Antilogies. Terme Théologique pour déſigner les contradictions qui ſe trouvent, par fois, dans la parole de Dieu. Ces contradictions ne ſont jamais qu’apparentes, elles ne ſautent jamais qu’aux yeux des aveugles ; ceux qui ſont éclairés par la foi voyent ſur le champ que Dieu ne ſauroit ſe contredire lui-même, à moins que ſes Miniſtres ne lui faſſent changer d’avis.

Antipodes. C’eſt une héréſie que d’y croire. Dieu, qui a fait le monde, a dû ſavoir ce qui en étoit ; or il n’y a point cru lui-même, comme on le voit par ſes Livres.

Antiquité. Elle n’a jamais pu ſe tromper ; l’ancienneté eſt toujours une preuve indubitable de la bonté d’une opinion, d’un uſage, d’une cérémonie, &c. Il eſt très-important de ne rien innover, les vieux ſouliers ſont plus commodes que les neufs, les pieds n’y ſont point gênés. Le Clergé ne doit jamais démordre de ce qu’il a toujours pratiqué. L’Egliſe la plus vieille eſt la moins ſujette à radoter.

Anthropologie. Maniere de s’exprimer des écrivains ſacrés ; elle conſiſte à ſuppoſer des yeux, des mains, des paſſions, des noirceurs, des malices, au pur Eſprit qui gouverne l’univers dans ſa bonté. Dieu a fait les hommes à ſon image, & les Prêtres ont fait Dieu à l’image des Prêtres, voilà pourquoi nous le trouvons ſi charmant.

Apocalypſe. Livre très-reſpectable & très-curieux de l’Ecriture-Sainte, que Newton a commenté. Il contient de ſaints contes inventés par St. Jean, qui ſont un peu moins joyeux que ceux de La Fontaine, mais bien plus propres à faire trotter la cervelle des grands enfans qui les liſent. Pendant trois ſiècles l’Egliſe Grecque, dont étoit l’Apôtre St. Jean, a regardé l’Apocalypſe comme un Livre Apocryphe, mais les Peres latins, qui étoient bien plus au fait, l’ont tenu pour ſacré, ce qui paroît déciſif pour ſa canonicité.

Apôtres. Ce ſont douze gredins fort ignorans, & gueux comme des rats d’Egliſe, qui compoſoient la cour du fils de Dieu ſur la terre, & qu’il chargea du ſoin d’inſtruire tout l’univers. Leurs Succeſſeurs ont fait depuis une fortune aſſez brillante, à l’aide de la Théologie, que leurs devanciers, les Apôtres, n’avoient point étudiée. D’ailleurs le Clergé, comme la Nobleſſe, eſt fait pour acquérir plus de luſtre à meſure qu’il s’éloigne de ſa premiere origine, ou qu’il reſſemble moins à ſes devanciers.

Apparitions. Viſions merveilleuſes qu’ont l’avantage d’avoir ceux ou celles à qui Dieu fait la grace ſpéciale d’avoir le cerveau timbré, des vapeurs hyſtériques, de mauvaiſes digeſtions, & de mentir effrontément.

Appel comme d’abus. Uſage impie & injurieux à l’Egliſe ; il eſt méchamment établi dans quelques pays, où l’on a la témérité d’en appeller à des juges profanes des déciſions des juges ſacrés, qui ſont, comme on ſait, incapables d’abuſer de leur miniſtere ou de mal décider.

Appelans. Ce ſont en France des Janſéniſtes qui ont ſagement appelé de la Bulle Unigenitus au futur Concile général, qui décidera définitivement les diſputes ſur la grace : ſuivant les dernieres nouvelles on eſt ſûr que ce Concile ſe tiendra ſans faute la veille du Jugement dernier.

Arche Sainte. C’eſt la caiſſe du Clergé. Dieu n’entend point raillerie ſur la caſſette de ſa femme ; elle contient, comme on ſait, les biens & les joyaux de la communauté. Les Princes, qui ſont ſouvent aſſez près de leurs pieces, ſans la foi qui les retient, ſeroient quelquefois bien tentés d’y toucher ; néanmoins, en s’y prenant comme il faut, ils pourroient ſans danger tenter l’aventure ; Dieu, qui par fois ſommeille, leur laiſſeroit emporter le coffre-fort ſans mot dire.

Archevêque. Titre inconnu dans les premiers ſiècles de l’Egliſe, mais inventé depuis par l’humilité des Paſteurs, qui, après s’être élevés ſur le dos des profanes, ont cherché à s’élever peu à peu ſur le dos les uns des autres, pour mieux voir ce qui ſe paſſe dans le bercail de Jéſus-Chriſt.

Argent. Il eſt une ſource de crimes dans la Société ; les Prêtres doivent faire tous leurs efforts pour en ſoulager les fideles, afin qu’ils marchent plus leſtement dans la voye du ſalut. Jéſus-Chriſt ne vouloit pas que ſes Apôtres prîſſent de l’argent, mais l’Egliſe a depuis bien changé tout cela ; aujourd’hui ſans argent point de Prêtres. Le tout pour accomplir cet ordre du Lévitique Chap. XXVII. ℣. 18. Supputabit Sacerdos pecuniam. Le prêtre comptera ſon argent.

Armes. Les Clercs ne peuvent point en porter ; mais ils peuvent les mettre en cas de beſoin entre les mains des laïques, pour ſe livrer des combats que le Clergé s’amuſe à voir du mont Pagnot, où il éleve au Ciel ſes mains ſacrées, afin d’implorer ſon ſecours en faveur de ceux qui combattent pour ſes droits divins ou ſes ſaintes fantaiſies.

Aſile (droit d’.) Dans pluſieurs Etats vraiment Chrétiens les Egliſes & les Monaſteres jouiſſent du droit de fournir une retraite ſûre aux voleurs, aux filous, aux aſſaſſins, pour les ſouſtraire à la rigueur des loix : uſage très-avantageux à la Société, & qui doit rendre les Miniſtres de l’Egliſe très-chers à tous les vauriens.

Aſſaſſinat. Cas prévôtal pour les laïques, mais privilégié pour les Clercs ; ceux-ci, dans quelques contrées, jouiſſent du droit de voler & d’aſſaſſiner, ſans pouvoir être repris par la juſtice ordinaire. D’ailleurs on ſait que l’Egliſe jouit de droit divin du droit d’aſſaſſiner les hérétiques, les tyrans & les mécréans, ou du moins de celui de les faire aſſaſſiner par les laïques, vû qu’elle abhorre le ſang.

Athées. Noms que les Théologiens donnent aſſez libéralement à quiconque ne penſe pas comme eux ſur la Divinité, ou ne la croit pas telle qu’ils l’ont arrangée dans le creux de leurs infaillibles cerveaux. En général un Athée c’eſt tout homme qui ne croit pas au Dieu des Prêtres. Voyez DIEU.

Attributs divins. Qualités inconcevables qu’à force d’y rêver les Théologiens ont décidé devoir néceſſairement appartenir à un être dont ils n’ont point d’idées. Ces qualités paroiſſent incompatibles à ceux qui manquent de foi, mais elles ſont faciles à concilier quand on n’y réfléchit point. Les attributs négatifs dont la Théologie gratifie la Divinité nous apprennent qu’elle n’eſt rien de tout ce que nous pouvons connoître, ce qui eſt très propre à fixer idées.

Attrition. Terme Théologique qui déſigne le regret qu’un Chrétien a de ſes fautes, en vue des châtimens dont elles peuvent être ſuivies. Ce regret ſuffit pour appaiſer Dieu, ſuivant les Jéſuites, mais il ne ſuffit point ſuivant les Janſéniſtes : Dieu nous apprendra, ſans doute, un jour qui des deux a rencontré.

Avarice. Péché capital dans les Laïques, qui doivent toujours ſe montrer généreux à l’endroit de l’Egliſe ; quant à l’Egliſe, elle ne doit point ſe piquer de généroſité ; ſes biens ſont à ſon mari, qui gronderoit ſi ſa femme faiſoit trop bien les choſes envers des coquins de Laïques, qu’elle ne doit point gâter.

Ave Maria. Compliment élégant & bien trouſſé, que l’Ange Gabriel fit de la part de Dieu le Pere à la Vierge Marie, qu’il alloit obombrer ou couvrir. Cette Vierge depuis ſa mort ou ſon aſſomption, eſt très-flattée toutes les fois qu’on lui rappelle cette gaillarde aventure, qui lui fait beaucoup d’honneur.

Avenir. C’eſt un pays connu des Géographes ſpirituels, où Dieu payera, ſans faute, à leur échéance toutes les Lettres de change que ſes facteurs ou courtiers auront tirées ſur lui : on n’a point appris juſqu’ici qu’il ait laiſſé proteſter les Lettres de ſes gens d’affaires ; elles ſont, comme on ſait, toujours payables à vue.

Avent. Tems de jeûnes, de mortifications & de triſteſſe, pendant lequel les bons Chrétiens ſe déſolent de l’arrivee prochaine de leur libérateur.

Augures. Nos augures modernes doivent bien rire toutes les fois qu’ils ſe rencontrent, ou, quand le verre à la main, ils raiſonnent de la ſotiſe de ceux qui ne ſont point du college des augures.

Aumône. C’eſt toute diſtribution de ſon propre bien ou de celui des autres faite en vue de perpétuer la ſainte oiſiveté des Prêtres, des Moines, des Fainéans, ou de tous ceux qui trouvent qu’il eſt bien plus commode de prier que de travailler.

Auſtérités. Moyens ingénieux que les Chrétiens parfaits ont imaginés pour ſe tourmenter eux-mêmes, afin de faire un grand plaiſir au Dieu de la bonté : il eſt toujours charmé de l’eſprit que ſes chers enfans montrent dans ces ſortes d’inventions ; les auſtérités ont de plus l’avantage de faire ouvrir de grands yeux à ceux qui ſont témoins de ces merveilleuſes folies ; elles paroiſſent très-ſages à tous ceux qui ont la ſimplicité de la foi.

Autels. Ce ſont les Tables de Dieu, qui dégoûté de tous les mets dont on le régaloit autrefois, veut aujourd’hui que ſes Sacrificateurs lui ſervent ſon propre fils, qu’ils mangent enſuite eux-mêmes ou font manger à d’autres, en ſe réſervant, comme de raiſon, la ſauce. A la vue de ce repas friand la colere du Pere éternel eſt déſarmée, il eſt l’ami de cœur de tous ceux qui lui viennent croquer ſon cher fils à ſa barbe.

L’autel dans un ſens figuré eſt toujours oppoſé au trône ; ce qui ſignifie que les Prêtres donnent ſouvent de la tablature aux Souverains. Néanmoins quand l’Egliſe eſt attaquée, il eſt bon de crier que l’on ſappe & le trône & l’autel ; cela rend l’Egliſe intéreſſante, cela fait que le Souverain ſe croit en conſcience obligé d’entrer dans ſa querelle & de s’intéreſſer pour elle, même contre ſes propres intérêts. Quand les Princes ont bien de la foi, il eſt aiſé de leur faire entendre que quand on en veut aux Prêtres, c’eſt à eux-mêmes que l’on en veut.

Auto da Fé. Acte de foi, régal appétiſſant que l’on donne de tems à autres à la Divinité. Il conſiſte à faire cuire en cérémonie des hérétiques ou des Juifs, pour le plus grand bien de leurs ames & pour l’édification des Spectateurs. On ſait que le Pere des miſéricordes eut toujours un goût décidé pour la grillade.

Autorité Eccléſiaſtique. C’eſt la faculté dont jouiſſent les Miniſtres du Seigneur de convaincre de la bonté de leurs déciſions, de l’authenticité de leurs droits, de la ſageſſe de leurs opinions, à l’aide des priſons, des Soldats, des fagots & des Lettres de Cachet.

Azyme (pain.) Il s’eſt élévé jadis une importante diſpute dans l’Egliſe, pour ſavoir ſi Dieu aimoit mieux être changé en pain levé qu’en pain azyme ou ſans levain. Cette grande queſtion, après avoir longtems partagé l’univers, eſt heureuſement décidée ; une portion des Chrétiens fait uſage du pain levé, & l’autre ſe ſert du pain azyme ou ſans levain.