Tao Te King (Stanislas Julien)/Chapitre 37

Traduction par Stanislas Julien.
Imprimerie nationale (p. 135-136).


CHAPITRE XXXVII.



道常無為而無不為。侯王若能守之,萬物將自化。化而欲作,吾將鎮之以無名之樸。無名之樸,夫亦將無欲。不欲以靜,天下將自定。


Le Tao pratique constamment le non-agir (1) et (pourtant) il n’y a rien qu’il ne fasse.

Si les rois et les vassaux peuvent le conserver (2), tous les êtres se convertiront.

Si, une fois convertis, ils veulent encore se mettre en mouvement (3), je les contiendrai à l’aide de l’être simple qui n’a pas de nom (c’est-à-dire par le Tao).

L’être simple qui n’a pas de nom, il ne faut pas même le désirer (4).

L’absence de désirs procure la quiétude (5). Alors l’empire se rectifie de lui-même.


NOTES.


(1) E : Le Tao pratique constamment le non-agir, et cependant il n’y a pas un seul être du monde qui n’ait été produit par le Tao.

Le philosophe Lie-tseu dit : Il est sans connaissance, sans capacité, et cependant il n’y a rien qu’il ne connaisse, rien qu’il ne puisse faire. Cette pensée est la même que celle de Lao-tseu.


(2) A : Si les rois peuvent conserver le Tao, c’est-à-dire (B) l’imiter et (C) pratiquer le non-agir, tous les êtres (A) se convertiront à leur exemple, c’est-à-dire (E) pratiqueront le non-agir.


(3) E : Le mot tso veut dire « se remuer, se mettre en mouvement. » Le mot tchin signifie « maintenir une chose en repos, l’empêcher de remuer. » Longtemps après que le peuple se sera converti, ses affections, ses désirs recommenceront à se remuer au fond de son cœur, et les mœurs s’altéreront. Les uns voudront embellir ce qui est naturel et vrai, les autres voudront compliquer les choses les plus simples, et peu à peu on attachera du prix à de spécieuses apparences. Mais le Saint peut apercevoir de bonne heure ce grave défaut et le prévenir dans ses plus faibles commencements. Alors il le réprime à l’aide de la substance simple qui n’a pas de nom (à l’aide du Tao ; c’est-à-dire qu’en pratiquant le non-agir et en le faisant pratiquer au peuple, il dompte la fougue de ses passions désordonnées). Mais si l’homme était disposé à le désirer (à désirer le Tao), ce serait encore avoir des désirs ; c’est pourquoi il est absolument nécessaire de ne pas le désirer. Alors (c’est-à-dire lorsqu’on ne désire pas même le Tao) , on est parvenu au comble du calme et de la quiétude. Dès que le cœur de l’homme n’a plus aucune espèce de désirs, il se rectifie de lui-même. Cette absence de désirs étant étendue à tout l’empire , l’empire se rectifie de lui-même.


(4) Le mot tsiang (vulgo marque du futur) signifie ici « il faut, il est nécessaire (E : pi ). » Cf. mon édition de Meng-tseu, I, 91, 7 ; et Lao-tseu, chap. xxxii, not. 5.


(5) Suivant F, il faut construire i-pou-yo-tsing 以不欲靜 mot à mot : « par le non-désirer, (on) devient calme. »