Tanis et Zélide
TANIS ET ZÉLIDE
OU
LES ROIS PASTEURS
TRAGÉDIE
POUR ÊTRE MISE EN MUSIQUE
(1733)
DES ÉDITEURS DE L’EDITION DE KETIL’
Strabon rapporte quo, dans lo fomps/de la plus haute antiquité, il y avait en Égypte des mages si puissants qu’ils dispesaient de la vie des rois, r/est une opinion reçue que ces mages opéraient des prodiges terribles, soit par la connaissance des secrets de la nature et par un art qui a péri avec eux, soit par un commerce avec fles êtres surnaturels.
On sait que les pasteurs étaient abporrés dans le pays oîi ces mages do- minaient, et qu’enfin les pasteurs régnjèrent en Égypte.
(^et établissement des rois pasteur^, les prodiges des mages confondus, leur pouvoir anéanti, et lo commenccfment du culte d’Osiris et d’Isis, sont le fondement de cet ouvrage.
i. Ce sont eux qui, les premiers, oni publié cette pièce, dont il est question dans la lettre de Voltaire à TliicTiot, du fi juillet 1733. Six vers sont sans rimes :
il m’a été impossible de retrouver les vers correspondants. (B.)ZÉLIDE, fille d’un roi de Memphis.
TANIS et CLÉOFIS, bergers.
PANOPE, confidente de Zélide.
OTOÈS, chef des mages de Memphis.
PHANOR, guerrier de Memphis.
MAGES.
ISIS et OSIRIS.
BERGERS, BERGÈRES, PEUPLE.
CHŒURS.
TRAGÉDIE
POUR Ê T R U M I S K : e N M U S I y U B.
ACTE PREMIER
Scène I.
ZÉLIDE, PANOPE.
ZÉLIDE.
Dieux bienfaisants, qu’en ce bois on adore,
Protégez-moi toujours contre mes oppresseurs !
Les mages de Memphis me poursuivent encore ;
Et de simples bergers sont mes seuls défenseurs.
C’est ici que Tanis a repousse la rage
De nos implacables vainqueurs.
Je n’ai d’autres plaisirs, dans mes cruels malheurs,
Que de parler de son courage.
PANOPE.
Oubliez-vous Phanor ?
ZÉLIDE.
A mjon père attaché.
Il a suivi mon sort ; je coniiais sa vaillance.
PANOPE.
Ah ! que vous le voyez avec indifférence !
ZÉLIDE.
Il a fait son devoir ; mon coeur en est touché.
PANJOPE.
Des mages de Memphis il brava la colère.
Depuis que ces tyrans ont détrôné les rois,
Depuis qu’ils ont \vrs(\ le sang de votre père, Il s’éleva contre eux, il défendit vos droits. Il a conduit vos ])as : il vous aime ; il espère Vous mériter par ses exploits.
ZÉLIDE.
Ma 11 » ré tous ses elForts, errante, poursuivie. Je périssais près de ces lieux ;
Lui-même allait tomber sous un joug odieux.
Nous devons à ïanis la liberté, la vie.
Que Tanis est grand là mes yeux !
PAN OPE.
L’estime et la reconnaissance Sont le juste prix des bienfaits ; Mais de simples ])ergers pourront-ils à jamais Des tyrans de Mempliis braver la violence ? Votre trône est tombé ; vous n’avez plus d’amis. Quelle est encor votre espérance ?
ZÉLIDE.
Au seul bras de Tanis je dois ma délivi^ance. J’espère tout du généreux Tanis.
SCÈNE II.
ZÉLIDE, PANOPE ; les bercer s, armés de lances, entrent avec les bergères, qui portent des houlettes et des instruments de musique champêtre.
CHOEUR DES BERGERS.
Demeurez, régnez sur nos rivages ; Connaissez la paix et les beaux jours. La nature a mis dans nos bocages Les vrais biens ignorés dans les cours.
UNE BERGÈRE,
Sans éclat et sans envie, Satisfaits de notre sort. Nous jouissons de la vie ; Nous ne craignons point la mort. L’innocence et le courage. L’amitié, le tendre amour. Sont la gloire et l’avantage De ce fortuné séjour.
(Danses.) ACTE I, SCENE II.
IN" REàCEIi,
On peut noiiy charmer, Jamais nous abattre ; Nous savons ’combattre, iNous savons’aimer,
CHQflUR,
Demeurez, régnez su^- ces rivages ; Connaissez la paix etJ les beaux jours. La nature a mis dan^ nos ])ocages Les vrais biens ignorf’S dans les cours.
ZÉrilDE.
Pasteurs, heureux pasteurs,] aussi doux ([u’invincibles, \ous (jui bravez la mort, vdus ([ui bravez les fers
De nos pontifes inflexibles.
Que j’aime vos riants déserts ! Que ce séjour me plaît ! que Mempliis est sauvage ! Comment avez-vous pu, daiis ce bois enchanté. Près des murs de Memphis, et près de l’esclavage,
Conserver votre liberté ? Comment avez-vous pu vivre toujours sans maître Dans ces paisibles lieux ?
LES BEÈGEKS.
Nous avons conservé les mœjirs de nos ancêtres ; Nous bravons les tyrans, et ^ous aimons nos dieux.
ZÉLibE.
Que de grandeur, ô ciel ! dajis la simple innocence ! Respectables mortels ! ciel heureux ! jours sereins !
LES BEpGERS.
C’est ainsi qu’autrefois vivaient tous les humains,
zélIde, Mais ïanis parmi vous a-t-il quelque puissance ?
LES BERGERS.
Dans notre heureuse égalité, Tanis a sur nos cœurs la douce autorité Que ses vertus et sa vaillance N’ont que trop bien mérité.
47 48 TANIS ET ZELIDE.
SCÈNE 111.
ZÉLIDE, TANIS, le choeur.
TANIS.
Kst-il possible, ô dieux ! Phanor ose entreprendre D’exposer vos heaiix jours à nos fiers ennemis ! Qu’iriez-vous faire, hélas ! aux remparts de Mempliis ?
Quel sort y pouvez-vous attendre ? Nos campagnes, nos bois, et nos cœurs sont à vous.
Faudra-t-il qu’un peuple perfide, Que des ma^^es sanglants, une cour homicide,
L’emportent sur des biens si doux !
ZÉLIDE.
Quoi ! Phanor, après sa défaite. Aux rivages du Nil ose-t-il retourner ? Ah ! s’il me faut quitter cette aimable retraite,
Tanis veut-il m’al)andonner ?
TANIS.
Nous ne ravageons point la terre ; Nous défendons nos champs ([uand ils sont menacés ;
Nous détestons Thorrible guerre ; Mais vous changez nos lois dès que vous paraissez. Au bout de l’univers je suis prêt à vous suivre.
C’était peu de vous secourir ;
C’est pour vous qu’il est doux de vivre. Et c’est en vous vengeant qu’il est doux de mourir.
SCENE IV.
ZÉLIDE, TANIS, PHANOR, lk chœur,
SUITE DE PHANOR. PHANOR.
L’ennemi vient à nous, et pense nous surprendre.
C’est à vous de me seconder ; Tanis, et vous, bergers, allez, allez défendre
Vos passages (ju’il faut garder. ACTE I, SC( : .\H V. 49
TANIS.
Nous n’avons pas besoin de votre ordre sii|)nMn(’ :
Vous nous avez vus dans ces lieux l)(’li\rer la princesse, et vous sauver vous-même ; Kl nous ne connaissons de maître que ses yeux.
PHANOR,
Je commande en son nom.
TAXIS.
Que votre or, ! [ ; ueil contemple Et notre zèle et nos exploits ; Cessez de nous donner des lois, Et recevez de nous l’exemple.
PII AN ou.
Tanis. en d’autres temps votre témérité Tiendrait un différent langage,
TANIS.
En tout temps mon courage Méprise et dompte la licrté.
ZÉLIDE.
Arrêtez : quel transport à mes yeux vous divise ?
Ma fortune vous est soumise : Tout est perdu pour moi si vous n’êtes unis.
TAXIS.
C’est assez, pardonnez : je vole, et j’obéis.
SCENE y.
ZÉLIDE, PIIANOIi.
PHANOK.
Non, je ne puis souffrir l’indigne déférence Dont vous l’honorez à mes yeux : La seule égalité m’offense ; L’injurieuse préférence Est un affront trop odieux.
ZÉLIDE.
11 combat pour vous-même ; est-ce à vous de vous plaindre Vous deviez plus d’égards aux exploits de Tanis. 11 faut ménager, il faut craindre Les grands cœurs qui nous ont servis.
Théâtre. II. * 50 TA NI S ET ZKLIDE.
PHANOU.
Ponrsiiivoz, achevez, inf^Tatc ; Faites loinber sur moi notre coininun malheur ; Kl evez jusqu’à vous un barbare, un pasteur. Oubliez…
ZÉLIDE.
Osez-vous ? . . .
PHANOR.
Oui, je vois (ju’il s’en nalle. Oui. vous encourat ; ez sa t(m(raire ardeur. Votre faiblesse éclate Dans vos yeux et dans votre cœur.
ZÉLIDE.
Pouniuoi soupçonnez-vous que je puisse descendre
Jusqu’à souffrir qu’il vive sous ma loi ? Vos soupçons menaçants suffiraient pour m’apprendre Qu’il n’est pas indigne de moi.
PHANOR.
ciel ! qu’avec raison de ce fatal rivage
Je voulais partir aujourd’hui ! Pouvez-vous à ce point outrager mon courage ?
ZÉLIDE.
Si l’égaler à vous c’est vous faire un outrage, Surpassez son grand cœur en servant mieux que lui.
CHOEUR DES PASTEURS, derrière la scène.
Aux armes ! aux armes ! Marchons, signalons-nous.
PHANOR,
Eh bien ! je vais périr pour vos perfides charmes ; Je vais chercher la mort, et j’en chéris les coups.
Vous seule causez mes alarmes ; Je n’ai i)oint d’ennemis plus funestes que vous.
(l\ sort.) LE CHOEUR.
Aux armes ! aux armes ! Marchons, signalons-nous. ACTE I, SCÈNE VI. 54
SCÈNE VI.
ZÉLIDE.
Alil je mérite sa colère. Je ivosais avouer mes secrets sentiments ; ,]o vois par ses emportonionts Couibicii Tanis a su nie i)lair(’ ; .lo sons coml)ien je l’ai nie à son nouveau danger. Je hnlle de le partager. Que de vertu ! que de vaillance !
Dieux ! pour sa récompense
Est-ce trop que mon cœur ? Faut-il que ma gloire s’ollense
D’une si juste ardeur ?
Non, pour sa récompense
Je lui dois tout mon cœur.
FIN DU PREMIER ACTE. ACTE DEUXIEME.
SCENE I.
LE PRÊTRE D’ISIS, TANIS, CLÉOFIS.
C H OE U R DE BERGERS ET DE BERGERES. LE CHOEUR DES BERGERS.
Victoire ! victoire ! Nos cruels ennemis Sont tombés sous les coups du généreux Tanis.
LE CHOEUR DES BERGÈRES.
Périsse leur mémoire ! Plaisirs, ne soyez plus bannis.
(Ensemble.)
Triomphe ! victoire !
LE PRÊTRE d’iSIS.
Tendre Isis, Osiris, premiers dieux des mortels, Pour(|uoi ne régnez-vous qu’en ces heureux bocages ? Ne punirez-vous point ces implacables mages.
Ces ennemis de vos autels ? Aux portes de Memphis nous bravons leur puissance : Mais est-ce assez pour nous de ne pas succomber ? Quand les verrons-nous tomber
Sous les coups de votre vengeance ?
CHOEUR DES BERGERS.
L’aimable liberté règne dans ces beaux lieux ; Quels autres biens demandez-vous aux dieux ?
CHOEUR DES BERGÈRES.
Doux bergers, si craints dans les alarmes. Ne soyez soumis <|ue par nos charmes.
UNE BERGÈRE.
Que ces fleurs nouvelles Ornent nos pasteurs : C’est aux belles A couronner les vainqueurs.
LE CHOEUR DES BERGÈRES.
Doux bergers, si craints dans les alarmes, Ne soyez soumis que par nos charmes.
(Danses.)
UNE BERGÈRE.
De Vénus oiseaux charmants, Vous n’êtes pas si fidèles. Des plus tendres tourterelles Les transports sont moins touchants. L’aigle impétueux et rapide
Porte au haut des cieux, D’un vol moins intrépide, Le brillant tonnerre des dieux.
LE CHOEUR DES BERGÈRES.
Doux bergers, si craints dans les alarmes, Ne soyez soumis que par nos charmes.
LE PRÊTRE d’iSIS.
Venez, bergers, il en est temps ; Consacrez à nos dieux les nobles monuments De la valeur et de la gloire.
LE CHOELR.
Triomphe ! victoire !
SCENE II.
TAMS, CLÉOl-IS.
CLÉOFIS.
Quoil vous ne suivez point leurs pas ?
TANIS.
Demeure, ne me quitte i)as. ïu connais ma secrète flamme : Connais le trouble afl’reux qui déchire mon àme.
CLÉOFIS.
Redoutez-vous Plianor ?
TAMS.
Dans mes troubles cruels. Tout m’alarme auprès de Zélide. 54 ÏAMS ET ZÈLIDE.
Ami, lo plus fier dos mortels Devient J"amaiit )o plus timide. Je crains ce que j’adore, et tout me fait trembler. Mes yeux sont éblouis : j’hésite, je chancelle : Mon cœur i)arle à ses yeux, ma voix n’ose parler.
Je nourris en secret le feu qui me dévore ;
Et lors(iue le sommeil vient calmer ma douleur,
Les dieux la redoublent encore, Osiris m’apparaît précédé des éclairs.
Dans le sein de la nuit profonde,
Autour de lui la foudre gronde-,
Neptune soulève son onde,
Les noirs abîmes sont ouverts, Qu’ai-je donc fait aux dieux ? quelle menace horrible !
CLÉOFIS,
Osiris vous protège, il a conduit vos pas :
C’est lui qui vous rend invincible ; Il vous avertissait, il ne menaçait pas,
TAMS.
Osiris, tu connais comme on aime, Isis, au céleste séjour, La seule Isis fait ton bonheur suprême. Dieux qui savez aimer, favorisez Tamour !
(Pendant que Tanis fait cette prière aux dieux, Isis et Osiris descendent dans un nuage brillant.)
SCENE III.
ISIS ET OSIRIS, dans le nuage ; TAMS. CLÉOFIS.
ISIS ET osir.is, L’Amour te conduira dans la cité barbare
Où les mages donnent la loi ; Soutiens le sort affreux que l’Amour t’y prépare,
Et vois le trépas sans effroi. ACTE II, SCÈNE V. Sli
TANIS.
De quel trouble nouveau je sens mon âme atteinte !
CLÉOFIS.
De quelle horreur je suis surpris !
TANIS.
Pour braver les dangers, et voir la mort sans crainte.
Mon cœur n’attendait pas l’oracle d’Osiris ;
Mais pour mes tendres feux quel funeste présage !
Quel oracle pour un amant !
dieux ! dont Zélide est l’image,
Peut-on vous déplaire en l’aimant ?
TANIS.
Princesse, dans mes yeux vous lisez mon offense ; Mon crime éclate devant vous. Je crains la céleste vengeance ; Mais je crains plus votre courroux,
ZÉLIDE.
J’ignore à quels desseins votre cœur s’abandonne. Je vois en vous mon défenseur. S’il est un crime au fond de votre cœur. Je sens que le mien vous pardonne.
TANIS.
Un berger vous adore, et vous lui pardonnez !
Ah ! je tremblais à vous le dire :
J’ai bravé les fronts couronnés,
Et leur éclat, et leur empire ; Mon orgueil me trompait ; j’écoutai trop sa voix :
Cet orgueil s’abaisse ; il commence,
Depuis le jour que je vous vois, A sentir qu’entre nous il est trop de distance. ZÉLIDE.
Il iTcii ost point, Tanis ; et s’il en eût été,
L'amour Taurait fait disparaître.
Ce n’est pas des grandeurs où les dieux m’ont fait naître
Que mon cœur est le plus flatté.
TAMS.
L’amant que votre cœur préfère
Devient le premier des humains ;
Vous voir, vous adorer, vous plaire,
Est le plus brillant des destins :
Mais quand vous m’êtes propice,
Le ciel paraît en courroux ;
J’aurais cru que sa justice
Pensait toujours comme vous.
ZÉLIDE.
Mon. je ne puis douter que le ciel ne vous aime.
TANIS.’
Je viens d’entendre ici son oracle suprême : L’Amour doit dans Memphis me punir à vos yeux.
ZÉLIDE.
Vous punir ? vous, Tanis ! quelle horrible injustice !
Ah ! que plutôt Memphis périsse !
Évitons ces murs odieux,
Évitons cette ville impie et meurtrière.
Je reno’nce à iAIemphis, je demeure en ces lieux :
Vos lois seront mes lois, vos dieux seront mes dieux :
Tanis me tiendra lieu de la nature entière :
Je n’y vois plus rien que nous deux.
TANIS ET ZÉLIDE.
Osiris que l’amour engage.
Toujours aimé d’Isis, et toujours amoureux.
Nous serons fidèles, heureux,
Dans cet obscur bocage,
Comme vous l’êtes dans les cieux.
ZÉLIDE, TANIS, l’IIANOR.
PHANOR.
Zélide, inhumaine, cruelle ! ACTK II. SCÈNE M. 57
C’est ainsi ([iio jo suis trahi ! J’avais tout l’ait pour vous : l’amour m’en a ])iiiii : Sous los lois (l’un pastour un vil amour aous ranime ! Ah ! si vous ue craignez, dans vos indignes l’ers, Les reproches de l’univers, Craignez au moins que je me venge.
TANIS.
Vous \ienger ! et de qui ?
ZK LIDE.
Calmez ce vain courroux :
Je ne crains l’univers ni vous.
Je dois avouer que je raimc,
IMvtendez-vous forcer un cœur
Qui ne dépend que de lui-même ? Étes-vous mon tyran plus que mon défenseur ? l’ardonnez à l’Amour, il règne avec caprice ; Il enchaîne à son choix
Les cœurs des hergers et des rois. Un berger tel que lui n’a rien dont je rougisse.
PHANOR.
Ahl je rougis pour vous de votre aveuglement : Mais frémissez du tourment qui m’accable ; Vous avez fait du plus fidèle amant L’ennemi le plus inrplacable. L’asile où l’on trahit ma foi Ne vous défendra pas de ma rage inflexible ; Nous verrons si l’amant dont vous suivez la loi
Paraîtra toujours invincible. Comme il le fut toujours en cond)attant sous moi.
TAMS.
\ ous pouvez l’éprouver, et dès ce moment même ;
Quel plus beau champ pour la valeur ? Il est doux de combattre aux yeux de ce qu’on aime :
Ne différez pas mon bonheur.
PHANOU.
C’en est trop, et mon bras…
ZÉLIDE, l’arrêtant.
Barbare que vous êtes. l*ercez plutôt ce cœur plein de trouble et d’ennui.
TANIS.
Vous daignez arrêter ses fureurs indiscrètes. Moins par crainte pour moi que par pitié pour lui. 58 TANIS ET ZKLIDE.
SCÈNE YII.
ZÉLIDK, TANIS, PlIANOR, cnœuR de bergers.
LES BERGERS.
Suspoiulcz, suspciidez la fureur inlnimaiuc Qui vous trouble à nos yeux : La Discorde et la Haine N’habitent point ces lieux.
ZÉLIDE.
Plianor, connaissez l’injustice D’un amour barbare et jaloux.
PHANOR.
Si vous aimez Tanis, il faut que je périsse : Je suis moins barbare que vous.
SCENE VIII.
ZÉLIDE, TANIS, chœur de bergers.
LE CHOEUR.
Discorde terrible, Fille affreuse du tendre Amour, Respecte ce beau séjour ; Qu’il soit à jamais paisible !
TANIS.
Laissez mon rival furieux Exhaler en vain sa rage : Zélide est mon partage : J’aurai pour moi tous les dieux.
LE choeur.
Discorde terrible, Fille affreuse du tendre Amour, l{especte ce beau séjour ; Qu’il soit à jamais paisible !
FIN DU DEUXIÈME ACTE. ACTE TROISIÈME.
(Le théâtre représente le temple d’Isis et d’Osiris. Les statues de ces dieux sont sur l’autel : elles se donnent la main pour marquer Tunion de ces doux divinités. )
SCENE I.
TANIS.
Temple d’Isis où règne la nature, Beaux lieux sans orneinents, images de nos mœurs. Nous allez couronner une ardeur aussi pure
Que nos offrandes et nos cœurs. Ni l’amour de Plianor, ni l’éclat des grandeurs.
N’ont srduit la belle Zélide.
Zélide est semblable à nos dieux ; Comme eux sa bonté préfère Le cœur le plus sincère : Le reste des mortels est égal à ses yeux.
Moments cbarmants, moments délicieux, Hâtez-vous d’embellir ce beau jour qui m’éclaire ; Hâtez-vous de combler mes vœux. Temple d’Isis où règne la nature. Beaux lieux sans ornements, images de nos mœurs. Vous allez couronner une ardeur aussi pure Que nos offrandes et nos cœurs.
SCENE II.
TANIS, LE CHOEUR DES BERGERS. LE CHOELU.
Jamais l’Amour n’a remporté Une victoire plus brillante. GO TAXIS ET Z ELI DE.
TA M s.
.le (lois allondro ici la heauh’ (jiii iironclianto : Que ces luoiiieiits sont lonts à mon cœur agité !
l.K CHOEUR.
/(■’Ii(l(^ a (l(’Hlai,unc la i>randeur éclatante : /élide est comme nous, elle est simple et constante : Et SCS vertus égalent sa beauté.
GRAND CHOEUR.
.Tamais 1" Vmour n’a remporté I ne victoire ])liis hi’illanle.
UN BERGER.
Dans le prochain bocage orné par ses appas, La pompe de l’hymen, et son bonheur s’apprête ; Nos bergers parent sa tête
Des fleurs qui naissent sous ses pas. Phanor avec les siens a cjuitté nos asiles ;
La Discorde fuit pour jamais. L’Hymen, le tendre Amour, et les Dieux, et la Paix,
Nous assurent des jours tranquilles.
(Danses.)
Dans ce fortuné séjour. Les timbales et les musettes. Les sceptres des rois, les houlettes. Sont unis des mains de l’Amour.
UNE BERGÈRE.
Ihentùt, selon l’usage établi parmi nous,
Les pasteurs consacrés aux dieux de nos ancêtres,
Au son de leurs flûtes champêtres, \ ont amener Zélide à sou heureux époux.
TAMS.
Mens, vole, cher objet ; c’est l’Amour qui t’appelle. Nos chiff"res sont tracés sur de jeunes ormeaux ; Le temps les verra croître, et les rendra plus beaux, Sans pouvoir ajouter à mon amour fidèle. Ces gazons sont plus verts ; une grâce nouvelle
Anime le chant des oiseaux. Viens, vole, cher objet ; c’est l’Amour qui t’appelle. SCÈNE III.
TAXIS, CLÉOFIS, les bergers.
CLKOFIS.
perfidie ! ù criiiio ! ô douloiir (’toi’iiollo !
TWIS ET LL CHOECIi.
Ciel ! quels maux nous aiiiioticoz-vous ?
CLÉOl’IS.
Des soldats de Meiii|)liis, et ton ri\al jaloux… Ceux (|ui n’auraient osé combattre contre nous…
TAXIS,
Kli bien ?
CLÉOFIS.
Ils oui li’ahi notre simple innocence ; Ils feiilèvent Zrlide !
TAXIS.
fureur ! ô vengeance !
LE CHOEUn.
Ils l’enlèvent, ô dieux !
TAXIS.
Courons, amis, punissons cet outrage.
CLÉOEIS.
Sur un vaisseau caché près du rivage
Ils ont fendu les flots impétueux.
Sur la foi des serments nous demeurions tranquilles :
C’est la première fois qu’ils ont été trahis
Dans le sein de ces doux asiles,
Elle invoquait les dieux, elle appelait Tanis :
Nous ne répondions à ses cris
Que par des sanglots inutiles,
TAXIS,
Grands dieux ! voilà les maux que vous m’aviez prédits M Je les verrai ces murs malheureux et coupahles, Ces implacables dieux, ces mages inhumains,
Ces mages affreux dont les mains
Versent le sang des misérables.
1. L’édition de KchI porte promis. C’est d’après un manuscrit que j’ai mis prédits. (B,) 62 TANIS ET ZÉLIDE.
Amis, c’est là qu’il faut uiourir. Ou ne peut vous dompter ; on ose vous trahir. Détruisons cette ville impie. Amis, c’est à votre valeur De punir cette perfidie ; Amis, c’est à votre valeur De servir ma juste fureur.
LE CHOEUR.
> ! ous allons tous chercher la mort ou la vengeance ; Nous marchons sous son étendard.
GLÉOFIS.
Vengeons l’Amour, vengeons l’Innocence ; Mais craignons d’arriver trop tard. Il faut franchir ce mont inaccessi])le, Et -Memphis à nos yeux est un autre univers.
TANIS.
L’Amour ne voit rien d’impossihle ;
Tous les chemins lui sont ouverts :
Il traverse la terre et l’onde ;
Il pénètre au sein des enfers ;
Il franchit les hornes du monde : (Croyez-en les transports de mon cœur outragé ; Memphis me verra mort, ou me verra vengé.
Que vois-je ? quel heureux présage ? —\os dieux tournent sur moi les plus tendres regards.
Dieux, dont la honte m’encourage, Je suis l’Amour et vous : tout m’anime, je pars.
FIN DU TROISIEME ACTE.