SAINT-MAUR.

À mon ami Albert Delorme.


Septembre 1870.



Là, c’était le bon temps : on espérait encore.
Te souvient-il, ami, quand se levait l’aurore,
Du réveil en sursaut, et du son argentin
Du clairon, appelant au travail du matin ?
Comme la paille alors nous semblait chaude et molle !
Quel bon lit c’était là ! Je crois, sur ma parole,
Que nous nous en plaignions en nous couchant le soir.

Ingrats ! que ferait-on aujourd’hui pour l’avoir !
Puis, nous étions encor des soldats de parade,
Des enfants ; notre camp servait de promenade
Aux futurs bataillons des Parisiens oisifs.
Et Joinville ! Et la Marne aux détours fugitifs,
Aux flots capricieux où se miraient les branches !
Et les canots, glissant avec leurs voiles blanches !
Et le pont, dont l’écho répétait mille fois,
Faiblissant par degrés, le murmure des voix !
Où donc s’est-il enfui, ce temps si près sans doute.
Et qui semble si loin ? Par quelle triste route,
Par quels moments affreux avons-nous donc passé,
Pour que le souvenir en soit presque effacé ?