La Compagnie de Publication de "Le Soleil" (p. 181-197).

Rivaux


En 1857, la fièvre de l’émigration aux États-Unis échauffait sérieusement les cerveaux au Canada. Cette fièvre avait eu comme cause déterminante l’exode en grand nombre de Canadiens et surtout de Canadiens-français du côté des placers de la Californie. Il en restait encore beaucoup au pays qui convoitaient les régions aurifères du sud ; et les bénéfices notables réalisés dans les spéculations tentées au sein de la république américaine, exerçaient aussi une attraction très vive sur l’imagination des Canadiens de tout métier, de toute profession.

Ce drainage régulier de la population, surtout de la population canadienne-française, drainage qui, quoique bien moins intense, se continue encore aujourd’hui avec l’espoir de faire fortune, n’a pas été sans exercer un effet sensible sur l’influence française au Canada, état de choses qui peut s’aggraver, si ceux qui ont charge des intérêts nationaux n’interviennent pas, en faisant notre pays plus confortable, mieux équipé, plus intéressant et, par conséquent, plus digne d’envie.

Charles Bertrand fit comme beaucoup d’autres : il émigra. Ouvrier-mécanicien de son métier, garçon fort intelligent et fort habile, comme il n’y avait à Québec aucune école d’arts et métiers, il avait dû se former lui-même au petit bonheur dans plusieurs boutiques.

Haut de stature, bien découplé, plutôt brun que blond, il portait sa barbe toute entière, ce qui donnait à sa physionomie le caractère de l’âge mur, alors qu’il dépassait à peine vingt-quatre ans. Son front large, aux angles adoucis, couronné d’une chevelure épaisse, sa figure éclairée de deux grands yeux noirs, tout, dans sa personne, inspirait de prime abord une confiance absolue. Timide tout de même, s’il n’avait pas la promptitude et l’énergie de décision, il possédait cette ténacité de résolution qui soutient imperturbablement la lutte et finalement triomphe des obstacles.

Charles, qui avait perdu tous les membres de sa famille, ne laissait derrière lui aucun sujet particulier d’affection. Un jour, donc, il se décida à filer sur New-York ; c’était sa première aventure hors du pays. Lorsque d’abord il foula les pavés de Broadway et d’autres rues de la métropole américaine, il demeura un instant ébloui du faste des édifices et des étalages, tout comme le fut un jour cet Iroquois nommé Berger, amené de Québec au Havre en 1650 par un père jésuite.

Quand il se remit de son éblouissement, il se prit à penser qu’il lui importait de ne pas s’attarder à la recherche d’un emploi ; ses ressources étaient limitées, et, dans une ville comme New-York, la monnaie fond aussi vite que la neige au soleil.

Il entra dans un restaurant du Bowery, et, à la colonne des annonces du premier journal qui lui tomba sous la main, il lut : « Engineer wanted. Good salary. Apply to Samuel Hickey Broadway, 208. »

— Voici probablement mon affaire, se dit Charles qui comprenait un peu l’anglais ; pourvu que je n’arrive pas trop tard.

Emportant le journal avec lui, il se mit à arpenter Broadway, et finalement arriva à l’adresse susdite.

Monsieur Samuel Hickey était à son bureau. Frisant la quarantaine, la figure réjouie et satisfaite, il inspirait de suite une certaine cordialité. Cependant, pour un physionomiste, les deux petits yeux gris qui décoraient sa figure bonhomme, toujours en mouvement et ne se fixant nulle part, n’auraient rien dit de bon. Charles n’était pas physionomiste ; cependant le regard un peu mobile de Samuel Hickey ne lui causa pas d’impression favorable. Tout de même, il déclina ses nom et prénom et, après quelques pourparlers, il fut agréé comme ingénieur-mécanicien par le patron de l’usine.

Samuel Hickey était propriétaire d’une grande fabrique de tissus.

Charles Bertrand prit la besogne dès le lendemain matin. Quoiqu’il ne fût pas exactement conducteur de machinerie, il se mit en peu de temps au courant non seulement des travaux, mais aussi du fonctionnement de toute l’usine.

Samuel Hickey employait un grand nombre d’ouvriers des deux sexes. Dans ses allées et venues à travers les ateliers, Charles Bertrand se croisait souvent avec des ouvrières. Celles-ci le désignaient sous le titre de « Young Frenchman ». Quelques-unes essayaient bien d’attirer son attention au passage, mais Charles, tout entier qu’il était à son ouvrage, demeurait indifférent à leur manège, et passait outre en répondant froidement, mais poliment, aux œillades. Il faut dire aussi que la plupart de ces ouvrières, au teint plus ou moins flétri, à la taille déformée, aux allures vulgaires et effrontées, ne pouvaient certes provoquer chez lui le moindre intérêt.

Seule, cependant, l’une d’elles lui avait inspiré une certaine sympathie. D’une taille dépassant la moyenne, le travail ardu et constant auquel il lui fallait se livrer, semblait miner sensiblement une constitution qui paraissait délicate. Son teint pâle et mat, ses joues à peine colorées trahissaient une souffrance physique ; mais deux yeux illuminaient sa figure intelligente et avenante, à laquelle un petit nez délicat et légèrement retroussé, prêtait un charme piquant. Sa chevelure blonde s’enroulait sans prétention au sommet de la tête où une simple broche la fixait.

Bessie Turner, tel était son nom, avait perdu son père et travaillait pour soutenir sa mère malade et une jeune sœur.

Bertrand ne connaissait pas âme qui vive dans New-York, à l’exception du patron, Samuel Hickey. Il ne pouvait certes vivre indéfiniment en ermite ; sa nature généreuse et affectueuse avait tout naturellement besoin d’expansion.

Non seulement il se contenta de répondre poliment, à l’occasion, à Bessie, mais il alla même jusqu’à lui faire des offres de service qu’elle eut le bon esprit de ne pas refuser. De sorte que l’amitié entre le mécanicien et l’ouvrière ne tarda pas à prendre racine.

Bessie raconta à Charles sa position. Son père était aussi mécanicien très habile et gagnait beaucoup d’argent. Il vivait alors avec sa famille dans un joli cottage, élégamment meublé. Un jour, il tomba gravement malade ; le médecin fut appelé et déclara le mal sans remède. Un soir, Bessie, la mère et la petite sœur sanglotaient à genoux des prières auprès d’un cadavre, celui du père.

La mère tomba malade ; les quelques ressources qui leur avaient été laissées, s’épuisèrent. Il fallut donc se mettre en quête d’emploi pour éloigner du logis le spectre de la famine.

— C’est ainsi que je me trouve dans cette maison, ajouta Bessie d’une voix tremblante, et je gagne bien juste de quoi nous empêcher de crever de faim.

Vivement touché de ce récit tout simple, Charles Bertrand ouvrit dès ce moment sa bourse pour venir en aide à la pauvre veuve, à Bessie et à sa jeune sœur. Il éprouvait une extrême jouissance à pouvoir faire des économies de temps à autre et à les glisser dans la main de Bessie, le soir, à la sortie de l’atelier. Il ne s’apercevait pas non plus de la place notable que l’orpheline prenait insensiblement dans sa vie. Il ne se rendait pas compte que lui, si assidu, si consciencieux au travail, concentrait maintenant toute son attention sur un point : finir son travail pour six heures du soir, afin de pouvoir escorter Bessie chez elle ; il s’était même tout naïvement mis en tête qu’il était devenu nécessaire à la jeune fille. C’est bien mélancoliquement qu’il reprenait le chemin de sa pension, lorsque la besogne l’avait retenu plus tard que d’habitude à l’usine, et que, par conséquent, il avait été empêché de reconduire Bessie à domicile.

Bertrand poussa plus loin ses attentions. Il conduisit la jeune fille au théâtre. Jamais un mot de galanterie ou d’affection de sa part ; de son côté, Bessie s’était accoutumée à le regarder comme un bon ami, presqu’un parent.

Il en aurait fallu bien moins pour débrider toutes les langues. On en glosa fort dans toutes les parties de l’usine. Les commérages exécutèrent toute une farandole. On fit litière du caractère de Bessie et de celui de Bertrand. Ce fut au point que Samuel Hickey lui-même s’en trouva assez intrigué.

Il manda le jeune mécanicien à son bureau, lui fit un accueil plutôt amical que sympathique, en le priant de lui dire ce qui en était des racontars des ateliers, racontars qui avaient fini par arriver à ses oreilles.

Charles, un tant soit peu interloqué, expliqua tout ingénument l’incident, dans tous ses détails, mais s’abstint toutefois de donner le nom de la jeune ouvrière.

— Très bien ! mon cher ami, fit Samuel Hickey. J’ai toute confiance en vous et je comprends la situation. Je vous souhaite de mener à bon terme cette liaison absolument fortuite, de mettre le sceau final à votre conquête. Tout m’a l’air de bien marcher. Seulement, vous avez oublié de me confier le nom de votre dulcinée. Serait-ce trop vous demander de me le dire ?

— Non monsieur, répliqua ouvertement Charles. Après le bienveillant accueil dont vous m’avez honoré, je ne saurais vous taire plus longtemps le nom de la jeune fille à votre emploi. Elle s’appelle Bessie Turner.

— Bessie Turner ! articula Samuel Hickey en serrant nerveusement les deux bras de son fauteuil et en dardant sur Charles Bertrand ses deux yeux gris qui reflétèrent l’expression plutôt d’un fauve que d’un être humain.

Il resta un moment silencieux.

Charles comprit de suite qu’il se passait quelque chose d’étrange, de mauvais augure. Si l’humeur du patron avait subi un aussi brusque revirement, c’est qu’il s’était senti profondément atteint personnellement. Il portait donc lui aussi certain intérêt à Bessie. Dans les circonvolutions de son cerveau, il se prit à penser qu’il avait déterminé une jalousie, rencontré en quelque sorte un rival.

N’attendant plus de réponse du patron, il le salua et se retira.

Samuel Hickey avait pris la jeune fille à son service, parce que, dès le premier moment, elle lui avait plu. De cette première impression, il avait successivement passé de la sympathie à l’affection, et de l’affection à la passion. Alors il ne rêva plus que d’une chose : faire de Bessie sa maîtresse. Quand une passion de ce genre s’allume chez un individu de quarante ou cinquante ans, elle devient brasier, brasier intense, envahisseur, feu dévorant se faisant chez un être un aliment de toutes ses facultés.

Samuel Hickey était arrivé au paroxysme d’une passion contenue jusque là, mais qui ne connut plus ni retenue, ni contrôle. Il voulait à tout prix l’objet de sa convoitise, et lorsqu’il avait fait venir Charles à son bureau, il en était à deviser des moyens à prendre pour arriver à son but. La révélation soudaine que Charles venait de lui faire, l’avait d’abord stupéfié ; à la stupéfaction avaient succédé une jalousie et une rage indicibles.

Ce fut alors le signal d’une ère de persécutions raffinées, incessantes, pour Charles et Bessie. Au moindre prétexte, Samuel Hickey essayait de trouver les deux jeunes gens en faute, leur cherchait noise, et allait même jusqu’à confisquer une partie de leurs gages. S’imaginant qu’il gênerait ou ferait manquer leurs rencontres dans l’établissement, il leur assigna des postes tout à fait écartés l’un de l’autre, mais, à la sortie, un soir ou un autre, Charles et Bessie se voyaient, et Charles ne manquait jamais d’escorter celle-ci à son domicile.

Parfois, du haut d’une fenêtre, Hickey, dévoré par la jalousie, les regardait cheminer tous deux. En route, Charles et Bessie se racontaient les misères que le patron leur infligeait. Comme il arrive invariablement en pareils cas, cette persécution ne fit qu’attiser la flamme naissante de leur amour mutuel. Tous deux retrouvaient dans leurs confidences réciproques le courage de supporter une situation qui, autrement, eut été intolérable.

Cependant, un jour, changement subit et complet d’attitude chez le patron. D’implacable persécuteur qu’il s’était montré jusque là, il se fit agneau, devint prodigue d’attentions et de prévenances pour les deux jeunes gens qui purent alors jouir d’une existence relativement satisfaisante. Bessie, ne s’expliquant pas bien cette métamorphose instantanée, en était heureuse et pour Charles et pour elle-même. Quant à Charles, lui, il avait son idée de derrière la tête. Ce revirement d’humeur lui causa plutôt une certaine inquiétude. Il soupçonna anguille sous roche.

— Mais, bah ! se disait-il, après tout, ce qui est pris est pris. Attendons la suite !

Un jour de demi-chomage dans l’usine, Samuel Hickey rencontrant Bessie, lui dit :

— Ah ! c’est vous ! Très bien ! Entrez donc dans mon bureau. J’ai à causer privément avec vous.

Bessie entra dans le bureau et attendit. Le patron reparut bientôt, et fermant la porte derrière lui :

— Vous êtes une bien jolie fille, dit-il à Bessie, en la priant de s’asseoir et, en même temps, essaya de lui dérober un baiser !

Bessie échappa à cette caresse inattendue et fit un mouvement pour se retirer.

— Non, fit Samuel Hickey. S’il vous plaît, restez ici… Vous me paraissez grande amie de Charles Bertrand…

— Grande amie, Monsieur Hickey. En effet, c’est assez vrai. Je vous avouerai que, de tous les employés, c’est le seul qui m’ait jusqu’ici manifesté du respect et de l’intérêt. Connaissant notre état de gêne, il a poussé la générosité jusqu’à nous ouvrir sa bourse. Je serais bien ingrate de ne pas lui tenir compte de tout cela. Que feriez-vous à ma place ?

— Et vous le récompensez, j’en suis sûr, hasarda cyniquement Hickey !

— Monsieur, fit Bessie, qu’entendez-vous par le récompenser ?

— Ah ! ma fille, repartit Hickey, vous êtes trop intelligente pour ne pas comprendre à mi-mot. D’ailleurs, ici, dans la maison et au dehors, on cause beaucoup de votre intimité avec Charles Bertrand.

— Monsieur le patron, interjeta Bessie, rien de plus difficile que d’arrêter la médisance. Même, en ce moment, pourquoi ne m’accuserait-on pas d’avoir un rendez-vous avec vous dans ce bureau ?

Pendant tout ce temps-là, Hickey s’était rapproché de la jeune fille, et, au moment où il essayait de la prendre par la taille, en lui disant :

— Je vous aime, Je vous adore, celle-ci s’était brusquement dégagée, levée et avait entrebâillé la porte.

Hickey se leva aussi et, lui tapant légèrement la joue :

— Ma fille, dit-il, nous nous reverrons.

Bessie disparut et alla reprendre sa besogne.

Le soir, en sortant de l’atelier, elle trouva Charles qui, comme d’habitude, l’attendait. Chemin faisant, elle crut devoir lui conter dans les grandes lignes son aventure.

Charles, les dents convulsivement serrées et les poings crispés, s’arrêta net, comme s’il eut été soudé au sol, stupéfait de l’audace du satyre qui avait tenté de toucher à tout ce qu’il avait de plus précieux au monde. Se rendant sur le champ compte de l’intensité et de la profondeur du sentiment qui l’attachait à Bessie, il se croisa les bras et, sans penser un instant qu’il se trouvait en pleine rue :

— Bessie, dit-il d’une voix émue. Je n’ai jamais pensé que nous puissions être jamais séparés. Vous m’êtes devenue nécessaire comme l’air et la lumière du bon Dieu. Je vous demanderais bien de ne plus retourner à l’atelier, mais je n’ai pas assez d’économies pour vous supporter, vous et votre mère. D’autre part, il vous faut gagner de l’argent pour subvenir au pain quotidien. Je vous aime, Bessie, je vous aime de toute mon âme. Mon rêve est que vous deveniez un jour ma femme. Consentez-vous ?

La jeune fille baissa la tête, mais, l’instant d’après, le regard indéfinissable dont elle l’enveloppa, suffit.

Charles avait compris.

— Très bien ! fit-il, en reprenant sa marche. Si vous constatez que l’un de ces jours je suis disparu, n’en prenez pas le moindre souci. Je serai en quête de la fortune pour nous deux.

À la porte de la maison, l’étreinte de main qu’elle lui donna, scella le pacte.

Charles regagna sa chambrette.

Le lendemain et bien des jours suivants, il retourna à l’atelier et travailla avec plus d’ardeur que jamais. Il thésaurisait. Ce fut tant et si bien, qu’un certain soir, il annonça à Bessie son départ le lendemain pour la Californie.

Ce fut une bien vive douleur pour Bessie. Elle ne put retenir ses larmes, mais ne suscita aucune objection, car elle connaissait le caractère décidé de Charles.

— Bon voyage, murmura-t-elle en sanglotant, et prompt retour !

Le lendemain, Charles quittait le service du patron Hickey et se mettait en route pour la Californie, non sans avoir laissé une somme rondelette entre les mains de Bessie.

En ces temps-là, le service des malles était loin d’être développé comme aujourd’hui ; le réseau des voies ferrées était relativement peu étendu ; on s’en remettait à la diligence qui, fréquemment, était attaquée et pillée par les sauvages et les bandits.

Les mois, douze, dix-huit, mois se succédèrent, et Bessie n’avait pas eu la moindre nouvelle de Charles.

Des gens étaient bien revenus des pays aurifères, mais pas un d’eux n’avait apporté des nouvelles de Charles Bertrand. Naturellement, la pauvre Bessie n’avait pu s’empêcher d’en arriver aux plus décourageantes conjectures. Elle n’avait pas cessé d’aller à l’atelier, mais son humeur avait tourné à la mélancolie. Sa mère était tombée de plus en plus gravement malade, et son temps était partagé entre l’atelier et son miséreux logis.

À l’atelier, elle était constamment en butte à toutes les plus alléchantes tentatives de séduction de la part de Samuel Hickey. Celui-ci se montrait d’autant plus opiniâtre, qu’il rencontrait de la résistance. Sa passion côtoyait pour ainsi dire le délire.

Une après-midi, décidé d’en arriver à ses fins, il fit venir encore une fois la jeune fille à son bureau. Ne pouvant plus brider sa passion insensée, il voulut user de violence. Au moment où épuisée elle se laissait choir sur un fauteuil, on frappa.

Samuel Hickey, très surpris et bien contrarié, alla entrebâiller la porte. Il se trouva en présence d’un grand gaillard dont la présence l’ahurit vivement.

— Que désirez-vous, fit-il ?

— Je désirerais voir Melle Bessie Turner ! On vient de me dire qu’elle était dans ce bureau.

Au moment où Samuel Hickey allait balbutier une réponse quelconque :

— C’est moi, s’écria Bessie, c’est moi, Bessie Turner !

Et d’un bond de gazelle, toute épuisée qu’elle se sentait, elle franchit la porte.

Toisant l’étranger des pieds à la tête, soudain elle fit un saut en arrière.

— Charles, s’écria-t-elle ! Mon Charles !…

En effet, c’était bien Charles en chair et en os, au teint plus brun, à la barbe plus longue.

Inutile de dire la joie que ce fut.

Ou se rendit à la maison maternelle, et, après les premiers échanges d’affection, Charles Bertrand raconta ses aventures et ses tribulations dans le pays de l’or. Il avait écrit plusieurs fois, mais ses lettres n’étaient jamais parvenues à destination.

Un jour, après bien des difficultés, il avait eu la chance de tomber sur un placer assez riche ; après une laborieuse exploitation, il revenait au pays avec un magot assez cossu pour lui permettre de vivre à l’aise le reste de ses jours…


Au No 130, rue F, à New-York, on peut voir un cottage aussi élégant que spacieux, habité par un ménage heureux. Trois enfants sont venus bénir le mariage de Charles Bertrand et de Bessie Turner, un garçon et deux grandes filles.

La vieille mère de Bessie est morte, et la petite sœur fait partie de la famille.


Quant à Samuel Hickey, il avait succombé à une apoplexie foudroyante durant la nuit qui avait suivi l’apparition subite de Charles Bertrand.