Librairie Félix Alcan (p. 187-204).

X


Deux jours après ces circonstances, M. Lassonat rentra un soir, l’air épanoui.

En vain, sa femme le questionna-t-elle, il ne voulut rien dire tout de suite. Il prétexta une grande faim pour que l’on s’assît très vite à table, afin de divulguer son secret au dessert.

Bob souffla dans l’oreille de sa sœur :

— Notre cher paternel a dû traiter une bonne affaire !

— Tant mieux ! répondit Suzette, mais je n’aime pas beaucoup cette appellation de paternel.

— Tu deviens un cours de morale, ma fille. Il n’y a rien de déshonorant dans le mot paternel que je trouve moins niais que « papa ». Il faut te moderniser sans quoi tes enfants ne te supporteront pas.

— Je les enverrai chez leur oncle Bob !

— Entendu ! j’en ferai des esclaves. En attendant je me réjouis pour mon « papère » qui est un bon et chic type.

— Oh ! Bob.

— Papère est très joli ! J’ai inventé ce mot et il tient du bébé et de l’homme. Cela peut se dire à tous les âges, tandis que je ne me vois pas, dans un salon, quand je serai ambassadeur, appeler M. Lassonat, papa ! Tu saisis, ma fille ?

À cet instant, Sidonie vint annoncer que le dîner était servi et Bob répondit :

— Nous y allons, nos cocktails sont terminés.

— Horreur ! s’écria Sidonie.

Et elle courut en hurlant dans la salle à manger pour avertir Madame que les « petits » prenaient des cocktails.

M. et Mme Lassonat se dressèrent comme des ressorts et apostrophèrent Suzette et Bob qui entraient.

— Comment ! malheureux, vous vous intoxiquez !

— C’est scandaleux ! cria Mme Lassonat, vous allez me donner tout de suite ces apéritifs !

Bob répartit tranquillement :

— Je mens de temps en temps pour apprendre à prononcer de nouveaux mots.

M. Lassonat laissa tomber ses bras au long de son corps en murmurant :

— Décidément, il faut s’attendre à tout !

Bientôt tous les quatre furent assis à table et le repas commença, puis s’acheva presque dans le silence.

Suzette et Bob étaient sages, muets, parce qu’ils ne voulaient pas qu’on les expédiât hors de la salle à manger, avant que leur père eût parlé.

Enfin M. Lassonat prononça non sans émotion :

M. Brabane est venu me voir cet après-midi, et il m’a offert des capitaux pour agrandir mon affaire.

— Dieu soit loué ! s’écria Mme Lassonat.

Le cœur de Suzette battait à grands coups, mais elle ne dit rien.

— Ce n’est pas tout, poursuivit son père, il nous a aimablement invités, tous les quatre, à passer un mois ou six semaines, dans leur propriété des Charentes.

— Oh ! quel bonheur ! interrompit Mme Lassonat.

— Chic ! lança Bob.

— Ainsi Bob reverra son ami.

— Et Suzette pourra bavarder avec Marie, reprit Bob.

Il y eut un silence, que M. Lassonat rompit en disant :

— J’ai pensé à ceci : Suzette, nous ayant causé beaucoup d’ennuis, par suite de sa franchise sans ménagement, je crains qu’elle ne récidive et je suis résolu à ne pas l’emmener. Elle ira en compagnie de cousine Bertille, passer un mois à sa maison de campagne.

— J’irai te voir, murmura vivement Bob, et je t’écrirai, ma bonne petite.

Mme Lassonat se montra un moment déconcertée. Mais en réfléchissant, elle estima que son mari avait raison. Cette mésentente avec la famille Brabane avait jeté bien du trouble dans la maison.

Elle ne put cependant approuver tout de suite M. Lassonat et regardait Suzette qui gardait une contenance ferme.

— Tu comprends, poursuivait le père de famille, en s’adressant à sa fille, tu nous as fait du tort, une fois près des Brabane, et je ne tiens pas du tout à ce que nos rapports soient de nouveau brisés.

— Oui, papa, répondit Suzette d’une voix blanche.

— Tu reconnais tes torts ?

— Non, papa, riposta fermement Suzette, je suis contente d’avoir exprimé ma façon de penser, dans l’intérêt de Marie et de Paul.

— Elle est irréductible ! s’écria M. Lassonat, stupéfait pas cette paisible déclaration. Mme Lassonat ne releva pas cette exclamation. Trop heureuse de l’aimable moyen de réconciliation qu’offraient leurs amis, elle détour na la conversation pour lancer :

— J’irai remercier Mme Brabane dès demain.

— Ne te dérange pas, lui conseilla son mari, Mme Brabane doit venir au plus tôt pour confirmer l’invitation qui m’a été faite. En ce moment elle est fort occupée.

Suzette n’était nullement atteinte par ce que son père avait dit. Elle savait qu’elle devait avoir un peu de patience, et que son heure serait glorieuse aussi. Attendre, avec le bel espoir de la justice au cœur, n’est nullement désagréable.

Ce fut donc une heureuse soirée, bien qu’au fond de soi, la maman sentît quelque mélancolie en songeant que Suzette ne serait pas des leurs pour jouir de ces charmantes vacances.

Le lendemain Bob partit pour deux jours avec un groupe d’élèves de son collège et un professeur pour la visite d’un champ de bataille.

Suzette resta donc seule en compagnie de ses parents.

Alors que Mme Lassonat attendait Mme Brabane, ce fut Mme Dravil qui lui rendit visite.

La chère dame avait le visage moins gai que d’habitude et son amie lui en fit la remarque. Elle hésita, puis confia :

— Je me risque à vous parler de mon ennui… vous avez sans doute eu le détail de la réunion que nous avons donnée dernièrement. C’est Suzette qui a deviné la question posée. Or, sa réussite si parfaite a provoqué des contestations. Quelques-unes de ses compagnes l’ont accusée d’avoir usé de ruse, et Huguette l’ayant questionnée, elle ne s’est pas défendue.

Mme Lassonat était atterrée par cette nouvelle. Jamais, elle n’aurait pu s’imaginer que l’attitude de Suzette pût donner lieu à une semblable interprétation. On lui reprochait sa franchise, mais jamais un acte déloyal.

Elle répliqua :

— Vous me voyez toute surprise, ma chère amie, du soupçon qui se porte sur Suzette. En général, elle abuse d’une vérité un peu brutale.

— C’est ce que je me suis dit. Mais, cette fois, elle ne s’est pas justifiée, elle, qui d’ordinaire, proteste, sort la vérité de l’ombre, même quand on ne la désire pas, elle est restée muette devant la pièce brisée, comme devant son succès.

— Quelle étrange aventure ! Elle est au cours, sans quoi, je l’appellerais tout de suite.

— Je suis venue justement à une heure où j’espérais vous trouver seule. Ne m’en veuillez pas… j’estime qu’avec les enfants, il faut ne négliger aucune occasion de redressement.

— Je suis tout à fait de votre avis.

Et en soi, Mme Lassonat, trouvait que les futures vacances de Suzette étaient encore bien belles ! Ce dernier méfait la confondait.

La conversation battit de l’aile. Mme Lassonat avait hâte de se trouver en face de sa fille.

Mme Dravil s’en alla en renouvelant ses protestations de bonne amitié.

Quand Suzette rentra, Mme Lassonat n’attendit pas qu’elle eut enlevé son chapeau.

Elle l’entraîna dans sa chambre, et portes closes, elle lui dit :

Mme Dravil sort d’ici.

Elle s’interrompit, escomptant un tressaillement, une rougeur, une émotion quelconque.

Suzette resta de marbre et demanda, s’apercevant du silence de sa mère :

— Eh ! bien ?

— Tu n’as pas honte ?

— Honte de quoi ?

Mme Dravil est venue m’apprendre que l’on conteste la justice du lot que tu as gagné.

— Ah !

— On insinue que tu t’es glissée dans la salle à manger, que tu as soulevé le dôme de cette pyramide de nougat et que dans ta précipitation, tu l’as même démolie. Résultat : tu n’as eu aucune difficulté à nommer Jeanne d’Arc !

L’indignation de Mme Lassonat montait à mesure qu’elle citait les faits.

Suzette crut devoir la calmer :

— Ne t’affole pas, maman. Mes compagnes ont de l’imagination. Il y a erreur sur la personne je n’ai pas triché.

— On t’accuse !

— La vérité éclatera.

— Quelle tranquille audace.

— Ce n’est pas de l’audace, mais une conscience nette, trancha Suzette.

— Tu es suspectée par tes compagnes, et c’est un déshonneur.

— Sera déshonorée celle qui a commis le péché, mais non moi. Attendons ses remords.

Demi-rassurée, demi-furieuse, mais à coup sûr, très mécontente, Mme Lassonat poursuivit :

— Je ne sais pas comment tu t’y prends, mais à cause de toi, des choses impossibles surviennent sans cesse !

— Oh ! « sans cesse » maman ! Tu crois donc qu’il n’y a que chez nous que des incidents semblables se passent ? Partout où il y a des enfants, c’est la même chose, et puis, dans le monde, c’est encore pareil, c’est la vie.

— Pas de morale, ni de grandes phrases, interrompit Mme Lassonat, mortifiée. Quand je vais raconter cela à ton père, il sera plus décidé que jamais à ne pas te laisser nous accompagner chez les Brabane. Je me leurrais de l’espoir que d’ici là, je pourrais le fléchir. Mais, je n’interviendrai pas, décidément.

— Tu auras raison, maman… rien de si pernicieux pour l’éducation, qu’une punition qu’on lève sans cause.

— Oh !

Fort heureusement pour Suzette, Justine vint s’enquérir pour l’entremets du dîner.

Suzette réintégra sa chambre, où sa mère la laissa seule, absorbée qu’elle fut par les soins de l’intérieur.

La fillette ne s’appesantit pas sur cet incident. Elle se dit qu’elle interviendrait sitôt que Bob serait là pour la soutenir. Il était ennuyeux que Mme Dravil fût venue.

Cependant, elle eût préféré que sa mère ne racontât pas cette circonstance à M. Lassonat.

Mais craignant que ses parents ne la crussent coupable, si elle sollicitait le silence, elle ne demanda rien.

Mme Lassonat, toute bouleversée, ne sachant quel parti prendre pour l’éclaircissement de cette affaire, s’empressa de solliciter le conseil de son mari, dès qu’il rentra.

On allait commencer un interrogatoire serré devant lequel Suzette ne pourrait que rassembler toutes ses forces pour se blanchir quand le timbre de l’entrée résonna.

On entendit une voix haute, des paroles pressées et Mme Dravil se précipita comme une trombe au milieu de la pièce où se tenaient les juges et l’accusée.

— Pardonnez-moi chère amie ! s’écria-t-elle en s’adressant à Mme Lassonat. Ne grondez pas cette gentille Suzette ! Elle n’est pas coupable.

Épuisée, hors d’haleine, la visiteuse s’effondra au fond d’un fauteuil pour se remettre un peu.

— Que dites-vous ? demanda stupéfaite, la mère de Suzette.

— Voici : Mme Avole et sa fille Loulou sortent de chez moi. Cette dernière a tout avoué en sanglotant. Elle a cassé la pièce de nougat en faisant la curieuse, et elle n’a même pas reconnu Jeanne d’Arc ! première punition. De plus, elle a laissé accuser sa compagne sans oser se nommer comme étant la coupable, d’où des remords affreux, et deuxième punition. Enfin, elle n’a pas gagné le gros lot, qu’elle ambitionnait fort… ce qui la punit trois fois ! C’est donc bien Suzette la seule gagnante ce dont je suis fort heureuse, car elle l’a doublement mérité. Aussi, n’ai-je pas perdu de temps pour vous annoncer cet acte de réparation.

— Que je suis soulagée, murmura Mme Lassonat… Suzette, pourtant, m’assurait qu’elle avait agi correctement et qu’elle ne connaissait pas la coupable.

— Je la connaissais ! dit Suzette gravement.

— Tu la connaissais ! s’écria Mme Lassonat.

— Pourquoi ne parlais-tu pas ? demanda M. Lassonat.

— Tu aurais dû te défendre tout de suite ! renchérit Mme Dravil.

— Non, parce que maman m’avait interdit de m’occuper de la vérité ce jour-là, de peur que je ne provoque des scènes. Ce serait certainement arrivé à cause de cette circonstance. J’ai donc tenu ma parole. Je n’ai pas voulu accuser Loulou, car je savais qu’elle se dénoncerait… elle est incapable de se conduire sans loyauté… et je l’avais vue soulever le dôme.

Ébahis autant qu’émus, M. et Mme Lassonat, ainsi que Mme Dravil, écoutaient Suzette dans un silence admiratif.

Puis, Mme Lassonat la serra sur son cœur en murmurant :

— Ma chère et bonne petite fille.

M. Lassonat ne pouvait prononcer un mot.

Il mordait ses lèvres et pensait qu’il lèverait la punition concernant les vacances.

Mme Dravil ajouta :

— Je n’aurais pas voulu attendre une minute pour enlever la trace de ces vilains soupçons. Votre Suzette a une grande âme et ses compagnes auront des degrés d’estime et d’amitié de plus pour elle je te félicite, ma petite chérie.

Suzette aurait voulu rester modeste, mais ses yeux triomphaient.

La visiteuse prit congé.

M. Lassonat prononça :

— Je pense que ce serait juste de ma part de lever l’interdiction que j’ai faite concernant l’invitation des Brabane ?

— Il me le semble papa.

— Tu serais contente de te joindre à nous ?

— Extrêmement.

— Eh ! bien, puisque tu as si bien tenu la promesse que tu as donnée à ta maman, ne peux-tu me promettre aussi, de ne pas brusquer la vérité durant notre séjour chez nos amis ?

— Ce sera long, papa… six semaines.

— Je te donne le temps de la réflexion.

Mme Lassonat contemplait sa fille avec tendresse et elle se demandait comment une enfant avait pu se taire aussi fermement devant des accusations répétées.

— Tu as eu du courage, répétait-elle.

— Mais non, je savais que tout s’éclairerait… et puis, j’attendais le retour de Bob. Il savait par Jacques Dravil que Loulou Avole avait triché, mais ils pouvaient tous croire qu’il y avait deux coupables. Mais Loulou, sincère, a dit que la pièce montée n’était pas cassée quand elle l’a regardée, et moi je ne suis pas restée seule une seconde, après l’arrivée de Loulou. Tout est donc limpide. Bob sera content.

Le lendemain, ce fut une autre surprise.

Mme Brabane vint avec Marie.

Mme Lassonat reconnut à peine cette dernière.

— Comme Marie a embelli ! s’écria-t-elle avec une spontanéité pleine de franchise.

— Vous le trouvez vraiment ? s’inquiéta Mme Brabane, joyeuse.

C’est indéniable.

— Eh ! bien, c’est grâce à Suzette, répliqua Mme Brabane.

— Comment cela ?

— Vous allez le savoir.

Et Mme Brabane, sans respect humain, raconta quelles dispositions, elle avait prises pour remédier à un état de choses que sa mollesse n’avait pas envisagé.

Tirée de sa torpeur, elle avait agi. Elle s’était renseignée. Aidée d’une doctoresse de ses amies, elle avait livré ses enfants aux mains de spécialistes qui travaillaient à corriger leurs imperfections physiques.

Mme Lassonat était stupéfaite.

— Le résultat est merveilleux.

Marie se trouvait toute gênée, malgré sa joie, d’être un nouvel objet de curiosité, mais elle préférait de beaucoup sa situation actuelle à la précédente.

Mme Lassonat, cependant, oublia rapidement ces faits d’une importance relative, quand Mme Brabane la mit au courant de ce qui s’était passé avec les escrocs.

La pauvre mère n’en pouvait croire ses oreilles.

— Seigneur ! est-ce que je ne rêve pas ?

— Mais non, tout est exact.

Suzette qui bavardait avec Marie dans un coin, fut appelée et Mme Lassonat lui dit d’une voix étranglée.

— Pourquoi nous as-tu caché tout cela ?

La fillette répondit avec modestie :

— C’était tellement extraordinaire que vous auriez pu croire que j’inventais. Il valait mieux que M. et Mme Brabane vous apprissent ces choses.

L’heureuse mère ne savait plus que dire. Les événements lui révélaient une Suzette si digne d’éloges qu’elle s’en voulait de l’avoir méconnue.

— Vous jugez si mon mari a été content, poursuivit Mme Brabane, et s’il a admiré le courage de Suzette qui a soutenu la vérité devant ces monstres. Il lui en a coûté à la pauvre petite !

Mme Brabane ne se lassait pas de fournir des détails, de vanter l’énergie, le sang-froid de Suzette.

Mme Lassonat tremblait de peur rétrospective et tenait Suzette serrée contre elle, comme si elle craignait qu’on ne la lui prît encore.

— C’est donc grâce à Suzette que mon mari a repris si vite ses projets d’association avec M. Lassonat. Pensez, chère amie, que cette malheureuse Suzette a dû dévisser une serrure, qu’elle a couru chez Mlle Duboul, et qu’elle est vite venue à la maison, où elle s’est presque évanouie d’inanition.

Mme Lassonat ne savait plus si elle entendait bien ! Elle se souvenait seulement que Suzette n’avait pas protesté quand on avait voulu la priver de vacances, et c’était grâce à elle qu’on les devait !

À son tour, elle informa Mme Brabane de ces détails :

— La pauvre Suzette ! mais c’est une fine diplomate ! elle savait que tout se dénouerait à point. Elle voulait me laisser le plaisir de vous amener Marie et celui de vous raconter tous ces événements pour réparer l’offense qu’elle m’avait faite. J’avais été profondément vexée, mais comment pourrait-on tenir rigueur à Suzette ! Heureusement que Suzette était allée avec

Ma petite fille, ma chère petite fille !
Marie, dans sa chambre, sans quoi son orgueil se fût développé outre mesure.

Mme Lassonat commençait à se remettre de ce qu’elle écoutait et sa joie devenait vive.

Elle pria même Mme Brabane de rester pour dîner, disant qu’on téléphonerait à M. Brabane ainsi qu’à Paul de se joindre à eux.

Ce fut accepté.

Quand M. Lassonat rentra, il trouva une atmosphère de gaîté anormale et Bob qu’il ramenait en fut frappé comme lui. Cependant, il ne s’étonna pas de l’entente qui régnait entre les deux familles, mais il faillit perdre son flegme en apprenant les prouesses de sa sœur.

— Eh ! bien, mon enfant, conseilla-t-il, admiratif, tu devrais t’improviser détective.

Quand à M. Lassonat, il eut beaucoup de peine à croire ce qu’on lui racontait, mais M. Brabane le lui affirma avec tant de force qu’il fut obligé de se rendre à l’évidence.

Il serra alors Suzette dans ses bras en disant :

— Ma petite fille, ma chère petite fille.

Suzette était bien émue de ces manifestations multiples. Elle ne se savait pas une telle héroïne.

Elle avait accompli toutes ces choses, menée par les circonstances et sa bravoure était plutôt une conséquence des événements que de sa volonté.

La soirée fut inoubliable pour le cœur de la jeune vaillante.

Mme Brabane était heureuse aussi du succès de ses enfants.

Quand Suzette et Bob se retrouvèrent seuls, le jeune garçon regarda sa sœur.

— Ma fille, je pioche un problème. Un pauvre type qui se noie dans des mots a dit, paraît-il : « Être ou ne pas être » moi, je dis : mentir ou ne pas mentir ? Oui, la vie est compliquée… quand tu lances un mensonge, tu ne sais jamais ce qui peut pousser dessus, et quand tu jettes une vérité, cela peut devenir un désastre.

— Mais non, les vérités que j’ai soutenues ont porté de bons fruits. Voici Paul et Marie en voie d’être beaux.

— Ne m’en parle pas ! j’ai à peine reconnu mon camarade. Son nez devient remarquable… quant à sa bouche, elle est aussi bien que la mienne.

— N’aie pas peur de te faire des compliments, mon petit Bob.

— Pour ce qui est de Marie, je l’ai prise pour une autre… une cousine qui avait tout de Marie mais en mieux.

— Tu vois donc que je leur ai rendu service !

— Oui, mais quel tintouin avant d’en arriver là ! quelle lutte !

— Je crois que je persisterai dans ma voie, parce que la vérité va toujours en avant et fait son chemin, bon gré, mal gré, tandis que le mensonge est toujours arrêté.

— Autrement dit, il reste en panne et les dépannages sont toujours durs. Enfin, grâce à toi, nous allons passer de bonnes vacances, et les parents ont des figures réjouies. Ils ont pu déposer leur sévérité et cela leur fait du bien. Entre nous, être parents est une fameuse corvée.

— Oui, quelquefois.

— Pour le moment, c’est le beau fixe, mais, plus tard, je te conseille en bon frère, de dorer la vérité, quand tu auras un fiancé.

— Ma foi, non.

— Oh ! quelles scènes, on aura ! « Cher fiancé, vos oreilles sont un peu longues — Quoi chère fiancée, ne vous plaisent-elles pas ? » Alors, ma fille, rupture, pleurs, et tu ne seras jamais mariée, et si tu restes à la maison, quel gâchis de temps en temps.

— Mais Bob il me semble que tu me lances des vérités bien sonores !

— Ma foi, c’est vrai ! Bonsoir, Suzette, dors bien… pour mon compte, je souhaite que demain ressemble à aujourd’hui.

— Bonsoir Bob… bonne nuit ! et malgré tout, en avant, Vérité !