Suzette
comédie-vaudeville en 2 actes
PERSONNAGES
Pastolin
Édouard Delpré, commis-voyageur.
Wagner
Zéphir
Pierre, domestique de Pastolin.
Un garçon d'auberge
Suzette
Héloïse |}
ACTE PREMIER
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- Le théâtre représente le jardin de la maison du télégraphe. Dans le fond, la grille d'entrée.
Scène première
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- On a observé, dans l'impression, l'ordre des places des personnages, en commençant par la gauche des spectateurs (ce qui est la droite des acteurs). Au lever du rideau, les gardes nationaux, au nombre de cinq, manœuvrent, commandés par Zéphir.
Zéphir, marchant devant eux.
- Droite !... gauche!... droite!... gauche!... Halte!... Front!... À droite... alignement !
Héloïse, entrant, avec des bouquets dans son tablier.
- Voici des bouquets !... voici des bouquets !... pour mettre au bout des fusils... un jour de noce , c'est l'usage.
Zéphir
- C'est-z-avec plaisir, madame veuve Giraudeau. (Commandant.) Reposez... vos armes !
Héloïse, distribuant des bouquets.
- Une drôle d'idée que vous avez là, monsieur Zéphir, de faire manœuvrer votre compagnie dans le jardin, au milieu des fleurs et des légumes... et à la porte de l'habitation !
Zéphir
- C'est pour être plus vite à l'abri en cas d'orage... le temps est à l'eau, et je n'ai pas voulu exposer ces messieurs à l'intempérie de la saison. Écoutez donc, pour être voltigeur dans la garde nationale, on n'est pas forcé de s'enrhumer... (Commandant.) Attention... Portez... armes !
Scène II
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Édouard, dans le fond.
- Permettez... M. Pastolin, s'il vous plaît ?...
Héloïse
- M. Pastolin, inspecteur du télégraphe de Fontenay ?...
Zéphir
- Capitaine de notre compagnie de voltigeurs, et le meilleur homme ! N'est-ce pas, mes amis, que c'est-z-un bon homme que notre capitaine ?
Tous
- Oh ! oui, oui !...
Édouard
- On me l'a dit, en effet... Pourrais-je lui parler ?...
Héloïse
- En ce moment, monsieur, c'est assez difficultueux !... Il est à sa lunette.
Zéphir
- Et quand il est à sa lunette, défense de le déranger. (Commandant.) Arme... bras !
Édouard, les regardant.
- Singulier plaisir qu'ils se donnent ces particuliers-là !
Héloïse
- Est-ce quelque chose qu'on puisse lui dire, monsieur ?
Édouard
- Merci, madame.... ou mademoiselle.... je reviendrai lui parler... je pense que je pourrai dans la journée...
Zéphir
- Eh ! mais... c'est selon... M. Pastolin se marie-t-aujourd'hui à l'église... fin finale...
Édouard
- Ah ! il se marie... peut-être avec mademoiselle ?...
Héloïse
- Non, monsieur... je suis sa cousine.
Zéphir
- Mademoiselle est veuf. (Commandant.) Portez... armes! Reposez... armes !
- Ils laissent tomber leurs fusils.
Édouard, au bruit des fusils.
- Que le diable l'emporte , celui-là !... Pardon, puisque M. Pastolin est occupé en ce moment, je repasserai. J'ai quelques lettres à porter... (Lisant une adresse.) Voyons celle-ci... Mademoiselle Suzette Ferrière... à Fontenay, près Montargis...
Héloïse
- Suzette Ferrière ?... grande rue, n°10... c'est la mariée.
Édouard
- En vérité !... Je n'ai pas de temps à perdre !...
Zéphir
- Le marié-z-est peut-être libre en ce moment-z-ici.
Édouard, le regardant, et riant.
- Permettez, monsieur... est ?...
Zéphir
- Moi,-z-inconnu !...
- Je suis tanneur en ce moment,
- C'est dans les cuirs que je m'exerce ;
- C'est-z-un commerce conséquent...
Édouard
- Vous faites honneur au commerce !...
- Vous auriez, selon vos désirs,
- La fortune... et des plus complètes,
- Si dans le commerce des cuirs
- Vous vendiez tout ceux que vous faites.
- (Il sort, et en courant se jette au milieu des gardes nationaux.) Ah! excusez... je ne voyais pas votre corps d'armée.
- Il sort sur le fond.
Zéphir
- Eh bien !... eh bien !... est-il butor, ce jeune homme, de déranger mes hommes comme ça !...
Héloïse
- Que peut-il vouloir à M. Pastolin ?
Zéphir
- C'est quelque employé du télégraphe... A vos rangs !... (Commandant.) Attention !...
- Pastolin paraît sur l'escalier, à droit de l'acteur, en robe de chambre et en bonnet grec.
Héloïse
- Ah ! voilà le cousin !... Et ce jeune homme !.. Monsieur ?...
- Elle court à la porte.
Zéphir
- Le capitaine !... (Commandant.) Portez... armes !
Scène III
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Pastolin, se découvrant.
- Honneur au courage civil et militaire !...
Tous
- Vive le capitaine !
Zéphir
- Vive notre bon capitaine !
Héloïse, revenant.
- Il est déjà loin.
Pastolin, toujours sur l'escalier.
- Voltigeurs !... c'est avec une satisfaction toujours nouvelle que je me trouve au milieu de vous... Sergent Zéphir ?
Zéphir
- Capitaine !...
Pastolin
- J'approuve et ratifie !... Rien ne pouvait m'être plus agréable, le jour de mon mariage, que d'y voir assister ma compagnie de voltigeurs, la plus belle de Fontenay, Montargis et autres lieux !... C'est ici que se fera le repas de noce... Voltigeurs !... je vous invite tous... à la messe... C'est ma femme, ma charmante Suzette, qui passera la revue après avoir reçu la bénédiction nuptiale.
Héloïse
- Par exemple !...
Pastolin, descendant en scène.
- Sergent Zéphir !... avancez à l'ordre...
Zéphir, commandant.
- Arme... bras !
- Il approche.
Pastolin
- Que la tenue soit plus soignée... un air de fête sur les physionomies du premier rang.
Zéphir
- Capitaine, nous n'avons qu'un rang...
Pastolin
- Je m'entends... et des bouquets en guise de baïonnettes.
Zéphir, lui montrant le bouquet au bout de son fusil.
- Capitaine...
Pastolin
- C'est bien... Il y aura ici deux cruches d'eau sucrée pour les uniformes complets... les bizets ne seront pas reçus à l'église... Votre sabre ?...
Héloïse
- Eh bien !... eh bien !... qu'est-ce qu'il va faire ?
Pastolin, commandant.
- Attention... voltigeurs ! Portez... armes ! Arme... bras ! Par le flanc droit... droite ! Par file à droite, pas accéléré... en avant... marche !... Allez vous promener !...
- Les gardes nationaux font tous les mouvements indiqués et finissent par sortir, suivis par Zéphir qui a repris son sabre.
Chœur
- En avant, le devoir t'appelle,
- Marche au pas, soldat citoyen,
- Sans jamais faillir d'un' semelle :
- D'avancer c'est le vrai moyen !
Héloïse
- Enfin, voilà la force armée sortie !...
Scène IV
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Pastolin
- Et maintenant, laissez-moi tranquille !... que je sois heureux à mon aise !... Hein ?... cousine Héloïse... quel bonheur !... il fait du brouillard... il pleuvra... c'est le ciel qui bénit mon union !
Héloïse
- Qu'est-ce que vous dites là ?
Pastolin
- Sans doute, veuve Giraudeau... du brouillard !... par conséquent, pas de nouvelles télégraphiques à transmettre ! Je suis tout à mon mariage... tout à ma femme... C'est donc aujourd'hui ! je ne me sens pas d'aise... je ne pèse pas cent gros... il me semble que j'en porterais la nouvelle à Paris, aussi vite avec mes jambes que le télégraphe avec ses bras. Mais où donc est ma Suzette ? quand elle n'est pas là, je sens que je ne suis pas au complet... il me manque une moitié de moi-même, et la plus agréable, j'ose le dire.
Héloïse
- Ne vous impatientez pas, elle va venir... elle est à sa toilette.
Pastolin
- Sa toilette ?... Est-ce qu'elle en a besoin ?... est-ce que les anges ont besoin de toilette ?
Héloïse
- Oui, ce serait gentil, si elle arrivait en costume d'ange !... Mais quel feu ! quelle chaleur vous y mettez !... Savez-vous que l'amour vous rajeunit beaucoup !
Pastolin
- Allons donc l'amour ! à mon âge !... ne me faites pas ridicule, ma chère !... comme si, en fait de mariage, j'en étais à mon premier.
Héloïse
- Comment, monsieur, ce serait le second ?
Pastolin
- Non, non, au contraire... c'est le troisième.
Héloïse
- Miséricorde ! le troisième !...
Pastolin
- Certainement !... dans les télégraphes, c'est toujours comme ça... toujours au poste fixe ! Nous ne pouvons pas aller chercher le bonheur dehors, il faut bien qu'il vienne s'installer chez nous.
Héloïse
- Ah ! vous avez toujours été heureux !
Pastolin
- Mais jugez-en... Mon numéro un fut un mariage d'amour... j'étais adolescent... il y a quelques années de cela... ma femme était ravissante... et moi, je n'étais pas mal...
Héloïse
- Il y a quelques années de cela !
Pastolin
- Nous ne nous quittions pas, et, chaque jour, ma Lisa... elle s'appelait Lisa ! ma Lisa avait la douce habitude de me jurer amour, fidélité, constance... Un matin que le télégraphe donnait beaucoup... c'était sous l'Empire, campagne de Russie... je n'étais pas là pour recevoir le dit serment...
Héloïse
- Eh bien ?
Pastolin
- Un autre le recevait à ma place.
Héloïse
- Un autre ?
Pastolin
- Un jeune Vélite !... Et, quelque temps après, la loi du divorce dont nous jouissions dans tout ses avantages, légalisait une séparation de corps et d'âme que Lisa venait d'opérer à l'aide de son jeune Vélite, comme j'avais l'honneur de vous le dire.
Héloïse
- Elle était partie ?...
Pastolin
- Amour, fidélité, constance, voyageaient sur la route du Kremlin.
Héloïse
- Et après cela, vous avez osé vous remarier !
Pastolin
- Tiens ! pourquoi donc pas ?... Moi, j'aime les femmes, j'aime naturellement les femmes... Cette fois, c'était un mariage d'argent.... Célestine... elle s'appelait Célestine... était assez laide au positif, mais très riche an figuré...
Héloïse
- Comment, au figuré ?
Pastolin
- Sans doute... on me livra ma femme ;
- Mais son père, le lendemain,
- Faisait faillite !...
Héloïse Oh ! c'est infâme !
Pastolin
- Hein ? pour moi quelle double chance !
- Du numéro deux... c'est commun !...
- La dot rejoignait hors de France
- La vertu du numéro un.
Héloïse, riant.
- Ah! ah! ah!... pauvre M. Pastolin... un si bon homme!
Pastolin
- Oui, c'est toujours aux bons hommes que ça arrive !
Héloïse
- Espérez, du moins, que votre numéro trois...
Pastolin
- Oh! pour celui-là, je suis tranquille !... je suis riche, et je ne lui demande pas de fortune... ça se trouve bien, elle n'a pas le sou !... Ce qu'il me faut, c'est une femme qui me tienne compagnie, et me fasse oublier ma solitude ; une femme un peu causeuse.... dans votre genre.... je dirai même un peu bavarde, toujours dans votre... dont le babil me délasse de la conversation muette du télégraphe... qui me lise mes journaux le matin, et des romans le soir... Enfin, une langue bien déliée et les premiers éléments de la lecture... c'est tout ce que je désire, et ce n'est pas être trop exigeant.
Héloïse
- Non... à cet égard-là vous ne pouviez pas mieux tomber... Suzette, en bonne justice, doit causer plus qu'une autre pour se rattraper.
Pastolin
- Comment, pour se rattraper ?
Héloïse
- Dam ! savez-vous qu'à l'âge de six ans elle ne parlait pas encore... on la croyait muette... à neuf ans, sa langue embarrassée bégayait à peine quelques mots... et ce n'est qu'à dix qu'elle a parlé comme tout le monde... et encore il y a des jours...
Pastolin
- Vrai! il se pourrait !... mais alors, c'est une femme inventée tout exprès pour mon usage particulier... une femme qui a dix ans de silence forcé à racheter !... Dieu! quel arriéré de paroles !... les belles épargnes !...
Scène V
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Suzette, en dehors.
- C'est bien !... au salon !... j'y vais...
Pastolin
- C'est elle !
Suzette
- Ah ! vous voilà, je vous trouve enfin !
Héloïse
- Qu'as-tu donc ?... tu parais irritée !
Pastolin
- Chère petite !...
Suzette
- J'ai... que je suis furieuse contre mon bon ami... contre toi... contre tout le monde !...
Héloïse
- Ah ! mon Dieu !
Pastolin
- Et pourquoi cette grande colère mam'selle ?... Car vous êtes encore mam'selle... elle jouit de son reste.
Héloïse
- Enfin, pourquoi ?...
Suzette
- Parce qu'on ne s'occupe de rien !... parce qu'on me laisse le soin de toutes les grandes affaires... parce qu'il faut que je veille à tout, que je sois partout... La mariée !... un jour de noce !... mais où en serait-on ici si je n'avais de la tête pour tous les autres !...
Pastolin
- Comme elle va !... comme elle va !... décidément, cette fois, j'ai la main heureuse !...
Suzette
- C'est toi surtout que je blâme, cousine.
Héloïse
- Moi ?
Suzette
- Que mon futur ne s'occupe de rien, cela se conçoit, il est tout entier à son bonheur, il ne peut pas songer à autre chose... moi, c'est différent, j'ai tout ma raison, et je réfléchis pour deux... Mais toi, cousine, tu devrais songer qu'il reste encore les musiciens à choisir, l'orchestre à préparer... pour le bal... Oh ! j'y tiens !... je veux danser... pour m'étourdir !...
Héloïse
- Tu es assez étourdie comme ça !...
Suzette
- Méchante !... et M. le maire avec son écharpe !...
- Il ne sait pas, j'en suis certaine.
- Que la noce est pour ce matin !
- Il faut pourtant qu'on le prévienne ;
- Mais rien ne marche...
Héloïse
- Hein ! quel moulin !
Pastolin
- Des épargnes de ma future
- Qu'est-ce donc qu'il me restera,
- Si, depuis dix ans que ça dure,
- Elle va toujours ce train-là !
Héloïse
- Allons, allons, je vais donner des ordres... Mais, à propos, tu n'as pas vu quelqu'un qui te demandait tout-à-l'heure ?
Suzette
- Non, je n'ai vu personne... Mais va donc, laisse nous... j'ai à causer sérieusement avec monsieur...
Héloïse
- Sérieusement (Riant.) Ah ! ah ! ah !
Elle sort.
Scène VI
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Suzette
- Mon bon ami !...
Pastolin
- Mademoiselle ! nous allons donc causer sérieusement ?
Suzette
- Si vous voulez bien le permettre !...
Pastolin
- Soit... j'écoute sans vous interrompre... je promets même de ne pas rire.
Suzette
- C'est bien... j'y compte... parce que voyez-vous, au point où nous sommes, après la signature du contrat... on ne doit point avoir de secret pour son mari !...
Pastolin, la regardant en souriant.
- Ah ! mon Dieu !
Suzette
- Vous m'avez promis de ne pas rire !...
Pastolin
- C'est juste....
Suzette
- Eh ! bien ! vous saurez donc, monsieur...
Pastolin
- Qu'est-ce que je saurai, madame ?
Suzette
- Que depuis six mois...
Pastolin
- Depuis six mois ?...
Suzette, baissant les yeux.
- J'ai...
Pastolin
- Vous avez ?... allons donc !
Suzette
- J'ai une intrigue... d'amour.
Pastolin, furieux.
- Hein !... comment !... une intrigue d'amour!
Suzette
- Oh ! rappelez-vous votre promesse !...
Pastolin
- Ma promesse !... ma promesse !... Je vous avais promis de ne pas rire, et il me semble, chère amie, que je ne ris pas !... une intrigue !... et avec qui ?...
Suzette
- Avec un jeune homme...
Pastolin
- Eh ! pardieu ! je le pense bien !... et ce jeune homme, quel est-il ?... comment est-il ?...
Suzette
- Ça... je l'ignore.
Pastolin
- Vous l'ignorez !... laissez-moi donc tranquille !...
Suzette
- Je ne lui ai jamais parlé... je ne l'ai jamais vu.
Pastolin
- Ah ! vous ne le connaissez pas ?...
Suzette
- Pas autrement que par ses lettres.
Pastolin
- Des lettres !...
Suzette
- Et il paraît qu'il me connaissait très bien, lui... car il m'écrivait que j'étais jolie et que tout le monde devait m'aimer.
Pastolin
- L'insolent !
Suzette
- Mais non, je ne trouve pas... au contraire.
Pastolin
- Mais ces lettres !... ces lettres !...
Suzette, les lui tendant.
- Je vous les apportais.
Pastolin, calmé.
- Vous me les... ah ! c'est bien !... c'est très bien !... c'est d'une honnête personne ce que vous faites là !...
Suzette
- Mais c'est tout simple... vous avez toujours été si bon pour moi !... pauvre orpheline, je n'avais qu'un ami, qu'un soutien, c'était vous, et depuis, vous m'avez choisie pour votre femme... quoique je n'eusse rien... ça ne s'oublie pas , voyez-vous !... aussi, j'ai voulu y mettre de la franchise , et vous saurez tout avant le mariage... parce qu'après... après... on dit que c'est terrible !...
Pastolin
- Oui, c'est fort désagréable !... et je vous remercie de l'intention, certainement... Mais ce jeune homme, voyons d'abord... il a un nom, que diable !... je suis sûr que c'est quelque mauvais sujet... quelque vaurien... (Lisant la signature d'une lettre.) Oscar... Oscar... Granger. (À part.) Ah ! bah !...
Suzette
- Hein ! quel joli nom !... Oscar !...
Pastolin, à part.
- Le fils de mon vieil ami Granger !...
Suzette
- Et puis je me le figure...
Pastolin
- Je ne vous demande pas comment.
Suzette
- Jeune...
Pastolin
- Qu'est-ce que ça me fait ?...
Suzette
- Blond... avec des yeux noirs...
Pastolin
- Mais encore une fois...
Suzette
- Et puis des moustaches... oh! j'aime tant les moustaches !
Pastolin
- C'est pour me faire remarquer que je n'en ai pas, que vous dites ça !... mais lui, cet intrigant... car je suis sûr que c'est un vil intrigant... comment vous connaissait-il ?
Suzette
- Par sa sœur, une demoiselle très aimable, qui fait des portraits pour de l'argent... et qui fit le mien gratis, au château de la Garenne, où je l'avais vue... Elle me parlait toujours de son frère, comme plus tard elle lui parla de moi, en lui montrant ce portrait qu'elle avait emporté... il paraît que ça lui donna des idées, à ce jeune homme... car un jour il m'écrivit pour sa sœur qui était malade... et des choses bien tendres... comme vous verrez... Au bout de quelque temps... ou plutôt de quelques lettres, il s'est trouvé que nous nous aimions tous deux, de loin... depuis, ça a toujours été en augmentant, et...
Pastolin
- Et ?...
Suzette
- Et voilà.
Pastolin
- Oui, voilà ! voilà !... voilà qui est fort décourageant ! et si vous l'aimez, ce jeune imaginaire... comment avez-vous consenti à m'épouser ?...
Suzette
- C'est justement à cause de cela.
Pastolin
- Hein ?... à cause de quoi ?...
Suzette
- Tenez... je voulait le voir... je le rêvais si beau !... Mais lisez sa réponse... jetez les yeux sur cette lettre... la dixième... cette phrase mystérieuse... « Vous ne me verrez jamais !... jamais je ne me montrerai à vos yeux : j'ai pour cela s des raisons... » Il l'arrêta là !... des points... et la tache d'une larme qui l'a interrompu...
Pastolin
- Allons donc !... c'est un pâté !... Petit drôle !... ils disent tous qu'on ne les verra jamais... qu'ils ne se montreront pas... et un beau jour, ils arrivent pour vous faire...
Suzette
- Quoi donc ?...
Pastolin
- Des sottises...
Suzette
- Oh ! non... il ne viendra jamais puisqu'il me l'a écrit... mais il pense toujours à moi... comme je pense à lui... je lui parle, je cause avec lui, comme s'il était là... comme s'il m'entendait... et ça me fait plaisir.
Pastolin
- Et j'écoute tout ça !... imbécille !... Mais encore une fois, comment, diable, concilier cet amour-làavec vos devoirs d'épouse ?
Suzette
- Oh ! très bien.
Pastolin
- Très bien ?...
Suzette
- Sans doute ! puisqu'il ne viendra pas... puisqu'il ne viendra jamais... voilà pourquoi je suis prête à vous épouser... c'est clair!...
Pastolin
- Et voilà de ces raisonnements de femmes qui vous embarbouillent l'intelligence... ça n'a pas le sens commun, et il n'y a rien à répondre.
Suzette
- Ainsi, mon bon ami, voyez, réfléchissez... vous savez tout maintenant... le reste vous regarde... vous avez ma parole... je ne pense pas à y manquer... de vous dépend mon sort, et, quel qu'il soit, que vous m'épousiez... ou que vous ne m'épousiez pas... je ne vous aimerai pas moins... (lui prenant la main.) comme je ne puis pas vous aimer davantage !... Adieu.
Elle sort vivement.
Scène VII
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Pastolin, seul.
- Je tombe en pétrification !... ça allait si bien !... j'étais heureux, tranquille, confiant, j'avais juste mon numéro... trois... une femme qui parle, parle, parle !... et voilà un amant, une passion, des lettres, tout ce qui constitue cette chose désagréable qu'on appelle... enfin, n'importe !... (Ouvrant une lettre.) C'est vrai que l'autre lui écrit qu'il ne viendra pas, qu'il ne paraîtra jamais à ses yeux... (Avec colère.) Tu mens... vaurien !... tu viendras quand elle sera ma femme... je connais ça... et elle trouvera encore quelque raisonnement... Non, non, non !... c'est fini !... (Appelant.) Pierre !... j'aime mieux rester veuf que de devenir... (Appelant.) Pierre !... Pierre !...
Pierre, accourant.
- Voilà, voilà, not' Monsieur !...
Pastolin
- Eh ! vite !... cours chez M. le maire...
Pierre, courant pour sortir.
- Oui, monsieur.
Pastolin
- Eh !... Pierre !... que lui diras-tu, imbécille?
Pierre
- Dam !... not'Monsieur, tout ce que vous voudrez.
Pastolin
- Eh bien ! dis-lui de renfermer son écharpe et son exhortation paternelle pour une autre occasion... notre mariage est ajourné.
Pierre
- Ah ! bah !... comme ça, Monsieur ne sera pas...
Pastolin
- Hein ?...
Pierre
- Marié, aujourd'hui ?...
Pastolin
- Eh ! va donc !... (Se promenant arec agitation.) Non, non, je ne le serai pas...
Édouard, paraissant dans le fond.
- Monsieur Pastolin ?...
Pierre
- Le voilà lui-même.
Il sort.
Scène VIII
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Édouard, saluant.
- Monsieur...
Pastolin, sans le voir.
- Pauvre Suzette ! ça me coule d'y renoncer !... Je l'aimais... là... un peu... un dernier amour !...
Édouard
- Monsieur...
Pastolin
- Ah ! monsieur... puis-je savoir... (À part.) Qui se serait attendu !... ça me casse bras et jambes !... (Haut.') à qui j'ai l'honneur de parler ?
Édouard
- Monsieur, je viens...
Pastolin
- Pour la noce ?... mais il n'y en a pas.
Édouard
- Hélas !... c'est pour une bien triste nouvelle !
Pastolin
- Bon ! ça ne pouvait pas manquer ! Le proverbe : « Toujours la paire de catastrophes. » Parlez, monsieur, je me croise les bras comme mon télégraphe et j'attends le coup... parlez !...
Édouard
- Je viens de la part d'un de vos bons amis... qui m'envoie...
Pastolin
- Il est mort ?...
Édouard
- Pas tout-à-fait... c'est M. Granger...
Pastolin
- Granger !... Ah ciel !... seriez-vous son fils ?... vous êtes son fils ?... (à part.) son vaurien de fils !... Et il avait écrit: Jamais !...
Édouard
- Son fils ?...
Pastolin, à part.
- J'ai envie de le frapper !...
Édouard
- Non, monsieur, je n'ai pas cet avantage, et je m'en félicite.
Pastolin
- Ah ! vous n'êtes pas... et vous vous félicitez...
Édouard
- Ce n'est pas que M. Granger ne soit un homme fort estimable... et je serais flatté de l'avoir pour père...
Pastolin
- Ah çà ! entendons-nous : vous seriez flatté de l'avoir pour père, et vous vous félicitez de ne pas être son fils... je ne saisis pas...
Édouard
- Monsieur, je m'appelle Édouard Delpré ; je suis commis-voyageur... représentant la maison Levrau et compagnie... voici de mes adresses... et je débite sur ma route...
Pastolin
- Des charades, à ce qu'il parait.
Édouard
- Des articles de soieries... J'arrive de Lyon, et c'est en traitant d'une partie de gros de Naples, que M. Granger, les larmes aux yeux, m'a remis cette lettre pour vous...
Pastolin, le regardant avec inquiétude.
- Les larmes aux yeux !... voyons la charade... (Lisant.) « Mon vieil ami, prenez part à ma a douleur... » (S'interrompant.) Ah! Dieu!... (Lisant.) « Mon fils Oscar n'existe plus !... » (S'arrêtant suffoqué.) Ah! ô ciel !... son fils... Oscar !...
Édouard, tirant son mouchoir.
- Hélas ! monsieur...
Pastolin, très gaiment.
- Il est mort !...
Édouard, étonné.
- Plaît-il ?...
Pastolin
- Il est... Ah ! ah ! comme ça se trouve !... Pauvre jeune homme !... Quel malh... quel bonh... c'est-à-dire... Ah ! il est mort. (Riant.) J'en suis bien fâché !...
Édouard, à part.
- Eh bien ! il y parait !...
Pastolin, lisant.
- « Il s'était engagé dans un régiment envoyé s en Afrique... » (S'interrompant.) Il a bien fait! « Blessé dangereusement à la prise de Mascara, il n'a survécu que quelques heures... » (S'interrompant.) Il a très bien fait !...
Édouard, à part.
- Ah çà ! qu'est-ce qu'il a donc ?
Pastolin, lisant.
- « Je sais toute la part que vous prendrez à cette perte... » (S'interrompant.) Oh ! certainement !... ce cher ami !... Et moi, qui ai décommandé la noce!... (Lisant.) « Oscar a consacré ses derniers moments à m'écrire et à cette lettre il en a joint une pour une jeune personne de votre ville... » (S'interrompant.) C'est Suzette !...
Édouard
- Cette lettre, la voilà... je n'ai pu rencontrer la personne...
Pastolin
- Ah! c'est vous qui la demandiez ?... J'y suis !... Donnez, je m'en charge... (Lisant l'adresse.) C'est ça : Suzette Ferrier !...
Édouard
- Ah ! vous la connaissez !...
Pastolin
- Si je la connais ?... (Avec explosion.) Je l'épouse, mon cher, je l'épouse !... (Tirant son mouchoir.) Ce bon Granger !... comme je prends part à sa douleur !... (Il s'essuie les yeux, et tout-à-coup poussant un cri.) Ah !
Édouard
- Quoi donc ?...
Pastolin
- Et le magistrat que j'ai fait prévenir...
Édouard
- Quel magistrat ?...
Pastolin
- Et... le maire !... l'écharpe... l'exhortation patern... J'y cours à l'instant !...
Édouard
- Il est fou !...
Pastolin
- Ah ! jeune homme... entendons-nous un peu, si c'est possible.
Édouard
- Mais, je ne demande pas mieux.
Pastolin
- Vous n'êtes pas pour long-temps ici ?...
Édouard
- Je pars dans une heure.
Pastolin
- Tant mieux.
Édouard
- Merci !
Pastolin
- Il n'y a pas de quoi... je remettrai cette lettre à Suzette... mais pas à présent... parce que, vous concevez... il y aurait du désespoir... des larmes... des spasmes... ce serait peu flatteur un jour de mariage!... plus tard nous verrons... Et puis, je voudrais lui épargner le moindre chagrin... Cette bonne jeune fille... elle y a mis tant de franchise... je crois que je l'en aime encore davantage !... Ah çà !... nous disons...
Édouard
- Qu'est-ce que nous disons ?
Pastolin
- Vous ne cherchez point à la voir ?...
Édouard
- Je n'y tiens pas du tout.
Pastolin
- Mais, si vous la voyez, pas un mot du contenu de cette lettre.
Édouard
- C'est facile... d'autant mieux que je ne sais pas ce qu'elle contient.
Pastolin
- Et sur-tout ne lui apprenez pas la triste nouvelle...
Édouard
- Soyez tranquille.
Pastolin
- Au contraire, même.... dites-lui qu'il se porte assez bien, mais qu'il ne pense plus à elle... Ça la préparera doucement à la chose.... Poussez au mariage... si c'est possible.
Édouard
- Moi, monsieur...
Pastolin
- C'est adroit... n'est-ce pas, mon cher monsieur... monsieur...?
Édouard
- Édouard Delpré commis-voyageur.... représentant la maison Levrau et compagnie...
Pastolin
- Eh bien, mon cher monsieur Levrau...
Édouard, le reprenant.
- Delpré...
Pastolin
- Je vais envoyer chez le maire... adieu !... Merci encore de l'heureuse nouvelle.
- Ah ! quelle aventure !...
- Jamais un héros
- N'est, je vous assure.
- Mort plus à propos.
- Ce pauvre jeune homme !...
- J'en pleure !...
Édouard
- Je voudrais voir comme
- Pour rire il s'y prend.
Ensemble
- Oh ! quelle aventure !... etc.
Scène IX
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- Eh bien ! voilà un chagrin tout-à-fait commode !... ce monsieur qui rit d'un côté, et qui pleure de l'autre !... quand il aurait payé une rente viagère à ce pauvre Oscar, il ne prendrait pas la chose plus gaiment... Eh mais, je comprends, c'était un rival !... Oui, mais ce pauvre Oscar ! un rival si laid, si disgracieux, qu'il ne pouvait guère se faire aimer que de loin, incognito !... il est vrai que le particulier n'est pas beau, et en revanche il n'est pas jeune !... et, pour peu que la prétendue en apporte autant pour sa part... Du reste, qu'ils s'arrangent... à présent, je n'ai plus rien à faire ici... la diligence va partir pour Paris... et je vais...
Scène X
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Suzette
- C'est bien !... c'est bien !... on sera prête... puisqu'il le faut... j'ai promis d'épouser !
Édouard
- Oh ! la jolie personne !
Suzette
- Mais ce jeune homme qui me cherche, qui me demande... pourquoi ?... à quoi bon ?... un jeune homme !... je n'en connais qu'un... et ce ne peut être... (Apercevant Édouard.) Ah ! un étranger !...
Édouard
- Un voile... de la fleur d'orange... c'est cela.
Suzette
- Comme il me regarde !... C'est étonnant comme le cœur me bat !...
Édouard, s'approchant.
- Mademoiselle Suzette !...
Suzette
- Mon nom !... il sait mon nom !... Si c'était !...
Édouard
- Mademoiselle Suzette... la future de M. Pastolin.
Suzette
- Sa future... permettez...
Édouard
- Ah! vous l'épousez... je le sais...
Suzette, à part.
- Ah ! quels regards !... quel sourire !... (Haut.) Monsieur... des circonstances...
Édouard
- Comment donc, mademoiselle, je vous en fais mon compliment... car je n'ai jamais pensé que d'autres serments dussent empêcher...
Suzette
- Il sait tout... Oh ! plus de doute !... c'est lui !...
Édouard
- Vous étiez libre !...
Suzette
- Oscar !... monsieur Oscar !...
Édouard
- Hein ?... vous dites ?...
Suzette
- Oh ! j'en étais sûre... le cœur ne trompe jamais. Oui, monsieur Oscar, oui, je vous ai reconnu tout de suite.
Édouard, à part.
- Ah ! bah ! elle me prend pour l'autre ! (Haut.) Pardon, mademoiselle... (À part.) Ah ! çà, j'ai promis de ne rien dire, moi !...
Suzette
- Oh ! c'est bien cela... juste comme je me l'étais figuré... oui, des yeux noirs...
Édouard, à part.
- Bien ! ceux d'Oscar étaient gris-perle !...
Suzette
- Et puis la taille mince, élancée... les cheveux blonds !...
Édouard, à part.
- Très bien ! l'autre avait les cheveux garance !...(Haut.) Mademoiselle...
Suzette
- Mais je vous en veux !... oui, monsieur, c'est indigne. Oh ! mon mari avait bien raison ! ces jeunes gens, ils écrivent qu'ils ne reviendront jamais, et un beau jour ils arrivent !...
Édouard
- Cependant, je dois vous dire...
Suzette
- Et c'est quand on s'y attend le moins.... quand on est engagé.... quand il n'est plus temps !...
Édouard
- À qui la faute ?... mais...
Suzette
- Vous ne pouviez peut-être pas venir plus tôt...
Édouard, impatienté.
- Ah ! ma foi !...
Suzette
- Oui... oui, monsieur, plus tôt...
Édouard, à part.
- Eh mais, au fait... ça prend une tournure... (Haut.) Vous ne pouviez peut-être pas attendre !
Suzette
- Des reproches, à moi !... quand c'est vous qui les méritez...
Édouard
- Moi !... (À part.) Allons, Oscar, mon garçon, défends-toi...
Suzette
- Arriver tout exprès pour me rendre malheureuse... pour me faire pleurer... lorsque vos promesses...
Édouard
- Mais il me semble que vous n'avez guère tenu les vôtres... puisque vous en aimez un autre...
Suzette
- Mon, monsieur, non... je ne l'aime pas... je n'aime personne...
Édouard, à part.
- Comme c'est flatteur pour le vieux !
Suzette
- Non, monsieur... personne.
Édouard
- Pourquoi non ?... faites-vous appeler madame Pastolin... (À part.) J'ai promis de pousser au mariage...
Suzette
- Oh ! comme il me dit cela !
Édouard
- Ce n'est pas Oscar qui s'y oppose... soyez tranquille... vous ne le reverrez jamais...
Suzette
- Jamais !
Édouard, à part.
- Elle ne sait pas jusqu'à quel point c'est vrai, par exemple !
Suzette
- Jamais !... Oh ! vous êtes comme moi... vous êtes bien malheureux... Mais si je demandais à M. Pastolin ?
Édouard
- Rien !... ne lui demandez rien !... c'est impossible !... cela amènerait des malheurs !
Suzette Oh ! non... non... plutôt mourir !...
Édouard
- Vous devez l'épouser... vous l'avez juré... et moi je sais ce qu'il me reste à faire... (À part.) Je vais reprendre la diligence.
Suzette
- Monsieur Oscar !...
Édouard
- Adieu, mademoiselle !...
Suzette
- Adieu, monsieur !...
Édouard
- Ma foi ! si le vieux n'est pas content...
Suzette, pleurant, à part.
- Il s'en va !...
Édouard, à part.
- C'est bien dur pourtant de la quitter comme ça !... (Après un silence et se rapprochant.) Et cependant, mademoiselle...
Suzette, effrayée.
- Ah ! (À part.) Il reste !
Édouard
- Je sens là que je vous aime toujours, et pour me consoler...
- Ah ! Suzette, laissez-moi prendre
- Un baiser pour adieu !
Suzette
- Qui !... moi ?...
- Monsieur, je ne puis vous comprendre...
Édouard
- Eh ! mais c'est assez clair, je croi.
Suzette
- Et mon mari ?
Édouard
Je vous l'atteste, - D'un baiser il ne dirait rien !
Suzette
- Mais songez donc que c'est son bien !
Édouard
- Songez donc à ce qui lui reste.
Suzette, refusant.
- Non, monsieur, non !...
Édouard
- Suzette !... comment vous me refusez !... vous voulez donc me pousser au désespoir... vous voulez donc que je meure !...
Suzette, effrayée.
- Monsieur Oscar !...
Pastolin, dans la coulisse.
- Nous voilà !... nous voilà !...
Édouard
- Le mari !...
Suzette
- Monsieur Pastolin !... ma cousine !... ne vous nommez pas... je vous le défends !...
Scène XI
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Héloïse
- Tout est prêt, Suzette... M. le maire nous attend.
Suzette, regardant Édouard.
- M. le maire...
Pastolin, mettant ses gants.
- Me voilà en jabot et en gants blancs... je te confie mon bonheur, Suzette ! tu vois, malgré tes confidences, je n'hésite pas... je marche à l'autel les yeux fermés !...
Suzette
- C'est très bien !... c'est d'un brave homme !... (Regardant Édouard.) Mais si la personne... qui... enfin... s'il venait, l'autre...
Pastolin
- Il n'empêcherait rien... parceque j'ai confiance... (À part.) Il est mort... (Haut.) parceque tu m'as fait une promesse...
Suzette, de même.
- Qu'il faut tenir... tout le monde sera raisonnable ici... tout le monde ! (À part.) Il sourit, mais je suis sûre qu'il étouffe en dedans.
Édouard, à part.
- Pauvre petite !... je suis fâché de repartir sitôt !
Héloïse
- Allons ! allons !... eh ! mais, qu'est ce donc ?... comme tu as l'air émue !... Ah ! le jeune homme de ce matin !...
Suzette, lui serrant la main.
- Chut !...
Pastolin, bas à Édouard.
- Ça s'est bien passé ?... elle ne se doute pas...?
Édouard, de même.
- Elle ne se doute de rien.
Suzette, bas à Héloïse.
- Ô ciel !... ils se parlent bas... il va lui faire une scène... (Vivement.) Messieurs !...
Pastolin
- Adieu, de rechef, je ne vous invite pas à la noce...
Suzette
- Il ne manquerait plus que cela !...
Édouard
- Il me serait impossible d'y assister.
Héloïse
- Alors, puisque rien ne nous retient plus... partons !...
Pastolin, donnant la main à Suzette.
- Ma jolie fiancée !... mon numéro trois !... Dieu ! allons-nous causer !...
Ensemble
Héloïse et Pastolin
- Eh ! vite, on nous attend ;
- Il faut tous à l'instant
- Nous rendre à la mairie.
- L'autre est loin en ce jour ;
- Et, grâce à mon / votre amour,
- Il faut qu'elle l'oublie.
Suzette
- Eh ! vite, on nous attend ;
- Il faut bien à l'instant
- Nous rendre à la mairie.
- Il voit trop mon amour,
- Pour qu'il craigne en ce jour
- Il faut que je l'oublie.
Édouard
- Je repars à l'instant,
- Car voilà maintenant
- Ma mission remplie.
- Je sens là de l'amour ;
- Mais, n'importe, en ce jour
- Il faut que je l'oublie.
Suzette laisse prendre sa main, et regarde toujours Édouard d'un air d'inquiétude.
Édouard, bas, quand elle passe près de lui.
- Adieu !... pour toujours !
Suzette, avec effroi.
- Oh !...
Tous
- Ah bien ?...
Suzette
- Voilà, voilà !...
Ils sortent.
Scène XII
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(incomplète)