Sur la route (Bruant)/L’impôt sur la rente

Sur la Route : chansons et monologuesAristide Bruant (p. 135-138).
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L’IMPÔT SUR LA RENTE


Moi, j’m’appelle l’Petit Julot,
Mon beau-frèr’ s’appelle l’Gros Charles,
On la connaît, on est des marles,
Comme autrefois Mosieur Trublot.
Eh ben, dernièr’ment, nous causions
De c’projet d’loi qui les tourmente
Et tous les deux nous nous disions :
— I’ n’faut pas toucher à la rente


Imposer la rente !… et pourquoi ?
Je m’demande où qu’est l’avantage,
V’là t’i’ qu’ça s’rait d’la belle ouvrage !
Tout l’mond’ gueul’rait après la loi.
Aussi, je l’dis : C’est mon oignon,
La République est pas contente.
Pour avoir encor’ son pognon,
I’ n’faut pas toucher à la rente.

I’s nous cour’ avec leurs projets,
Leurs amend’ments et leurs cédules.
Vrai, j’aurais pas tant de scrupules
Pour équilibrer nos budgets.
Moi, pour avoir des capitaux,
Ej’ commenc’rais par mettre en vente
Tous les couvents… tous les châteaux…
Mais je n’touch’rais pas à la rente.

Il a raison, Mosieur Rouvier,
Il est vraiment pas à la s’cousse,
I’ leur a dit la chose en douce,
Comme un homm’ qui sait son métier.
I’ s’en moque d’l’impôt global,
I’ dit qu’ça lui donn’ la courante
Et qu’pour avoir le capital,
I’ n’faut pas toucher à la rente.

Juillet, 1896.