Sur la pyramide triangulaire

Sur la Pyramide triangulaire.

Par M. Monge.

THÉORÊME I.
Le centre de gravité d’une pyramide triangulaire est au milieu de la droite qui joint les milieux de deux arêtes opposées quelconques[1].
première démonstration.


Concevons la solidité de la pyramide divisée en une infinité de filets prismatiques dont les bases soient infiniment petites dans leurs deux dimensions, et dont la longueur finie soit parallèle à une arête quelconque de la pyramide ; tous ces filets seront terminés par les deux faces de la pyramide qui se coupent dans l’arête opposée. Cela posé, si par l’arête opposée, et par le milieu de la première, on mène un plan, ce plan coupera tous les filets en deux parties égales, comme il coupe en deux parties égales l’arête qui leur est parallèle ; il passera donc par le centre de gravité de chacun d’eux, et par conséquent par le centre de gravité de leur système, qui est la pyramide elle-même.

Par la même raison, si par la première arête et par le milieu de son opposée, on mène un second plan, ce plan passera aussi par le centre de gravité de la pyramide ; donc le centre de gravité sera dans l’intersection des deux plans ; mais chacun de ces plans passe par les milieux des deux arêtes opposées, donc leur intersection passe par ces deux points ; donc la droite menée par les milieux de deux arêtes opposées contient le centre de gravité de la pyramide, qui se trouve par conséquent à l’intersection commune des trois droites menées par les milieux des arêtes opposées.

Or, on sait que les trois droites menées par les milieux des arêtes opposées, sont les axes du parallélépipède circonscrit, et se coupent réciproquement dans leurs milieux. Donc le centre de gravité de la pyramide est au milieu de la droite qui joint les milieux des deux arêtes opposées quelconques. C. Q. F. D.

Dans cette démonstration, nous avons considéré les trois droites qui joignent les milieux des arêtes opposées ; dans la sui vante nous ne considérerons qu’une seule d’entr’elles.

seconde démonstration.

Après avoir fait passer par une quelconque des arêtes de la pyramide un plan parallèle à l’arête opposée, concevons que ce plan se meuve parallèlement à lui-même jusqu’à ce qu’il vienne passer par l’arête opposée ; ce plan, dans chacune de sus positions successives, coupera la pyramide suivant un parallélogramme, car il coupera les deux faces contiguës à la première arête en deux droites qui seront parallèles à cette arête, et par conséquent parallèles entr’elles, et il coupera les deux autres faces qui sont contiguës à l’arête opposée en deux autres droites qui seront parallèles à cette seconde arête, et par conséquent parallèles entr’elles. De plus, tous les parallélogrammes obtenus de cette manière auront leurs côtés homologues parallèles entr’eux, et leurs angles correspondans égaux ; mais ils ne seront pas semblables, parce que le rapport de leurs cotés contigus ne sera pas le même ; c’est l’un de ces côtés qui devient nul quand le plan passe par une des arêtes, et c’est l’autre qui s’évanouit quand le plan passe par l’arête opposée.

Cela posé, concevons que le plan dans son mouvement ait divisé la solidité de la pyramide en une infinité de tranches parallélogrammiques d’égale épaisseur, puis menons un plan par l’une des deux arêtes et par le milieu de son opposée ; ce plan divisera chaque tranche en deux parties égales, parce qu’il pas sera par les milieux des côtés de cette tranche, parallèles à l’arête opposée ; il passera donc par le centre de gravite de chacune des tranches. Par la même raison, si par la seconde arête et par le milieu de la première on mène un second plan, ce plan coupera toutes les tranches en deux parties égales, et passera par le centre de gravité de chacune d’elles ; donc l’intersection de ces deux plans passera par les centres de gravité de chacune des tranches. Mais chacun de ces deux plans passe par les milieux des deux arêtes opposées ; leur intersection passe donc par ses deux points ; donc la droite menée par les milieux des deux arètes opposées passe par le centre de gravité de chacune des tranches parallèles à ces arêtes.

Actuellement, si parmi toutes les tranches on en considère deux quelconques qui soient à distances égales des deux arêtes opposées, leurs solidités seront égales entr’elles. En effet, ces deux tranches ayant même épaisseur, leurs solidités seront entr’elles comme les aires des parallelogrammes qui leur servent de bases ; et les parallelogrammes ayant leurs angles correspondans égaux, leurs aires seront entr’elles comme les produits de leurs côtés contigus ; ainsi les solidités des deux tranches seront entr’elles comme les produits des côtés contigus de leurs parallelogrammes. Or, ces deux produits sont égaux entr’eux : car en nommant , , les côtés contigus du parallelogramme de la première tranche, et , , les côtés correspondans de la seconde ; si l’on exprime par la longueur de la droite qui joint les milieux des arêtes opposées, et par la partie de celle droite comprise entre chacune de ses extrémités et celle des deux tranches qui en est plus voisine, on aura

on aura donc
ce qui donne

Ainsi deux tranches quelconques prises à égales distances des extrémités (ou du milieu de la droite qui joint les milieux des arêtes opposées, sont égales en solidité ; donc, le centre de gravité du système de ces deux tranches est au milieu de la droite qui passe par leurs centres de gravité particuliers ; donc il est au milieu de la droite qui joint les milieux des deux aréles opposées. Donc le centre de gravité du système de toutes les tranches, c’est-à-dire le centre de gravité de toute la pyramide, est au milieu de cette droite. C. Q. F. D.

Le théorème que nous venons de démontrer fournit la construction la plus simple du centre de gravité de la pyramide triangulaire, et doit être de quelqu’utilité dans les opérations relatives aux déblais et remblais.

C’est aussi ce théorème qui conduit le plus directement à la proposition suivante déjà connue, la distance du centre de gravité d’une pyramide triangulaire à un plan quelconque, est le quart de la somme des distances des sommets des quatre angles au même plan. Réciproquement, cette dernière proposition supposée connue, fournit une démonstration très — simple du théorème.

J’ajouterai ici quelques détails qui trouveroient difficilement place ailleurs.

Si par chacune des six arêtes d’une pyramide triangulaire quelconque, et par le milieu de l’arête opposée, on mène un plan, on aura six plans, qui passeront par le centre commun de gravité de la pyramide, du parallélépipède circonscrit et de la pyramide conjuguée[2]. Chacun de ces plans sera diagonal par rapport au parallélépipède circonscrit, c’est-à-dire passera par deux arêtes parallèles opposées de ce parallélépipède, et ils rempliront la même fonction dans la pyramide conjuguée, c’est-à-dire que chacun d’eux passera par une des arêtes de cette seconde pyramide, et par le milieu de l’arête opposée.

Ces six plans se couperont les uns les autres en sept droites. Parmi ces plans, les trois qui passeront par les arêtes contiguës au sommet d’un même angle de la pyramide ou de la conjuguée, se couperont dans une même droite.

Ainsi, la pyramide étant désignée par les lettres , , , ,
les trois plans qui passeront par les arêtes , , ,
se couperont dans une même droite ;
il en sera de même des plans menés par les arêtes , , ,
de ceux menés par les arêtes , , ,
et de ceux menés par les arêtes , , .

Chacune de ces quatre droites passera :

1°. Par le centre commun de gravité du parallélépipède et des deux pyramides conjuguées ;

2°. Par le sommet d’un des angles d’une des pyramides ;

3°. Par le centre de gravité de la face opposée à cet angle ; 4 °. Par le sommet opposé de la pyramide conjuguée ;

5°. Par le centre de gravité de la face opposée à cet angle, dans la pyramide conjuguée ;

6°. Par les centres de gravité des deux faces du noyau qu’elle traverse. Enfin, chacune d’elles sera une des diagonales du parallélépipède circonscrit.

Ceux des six plans qui seront menés par les arêtes opposées de la pyramide se couperont deux à deux dans trois droites, dont chacune passera :

1 °. Par le centre commun de gravité du parallélépipède, et des deux pyramides inscrites ;

2°. Par les centres de gravité, de deux faces parallèles du parallélépipède, et chacune d’elles sera une des trois diagonales de l’octaèdre, qui est le noyau commun aux deux pyramides conjuguées.


sur la solidité de la pyramide.

Théorême I.

En représentant par , , , les longueurs des trois arêtes d’un parallélépipède, contiguës au sommet d’un même angle, et par , , , les angles que forment entr’elles ces trois arêtes considérées deux à deux, on démontre facilement que la solidité du parallélépipède est exprimée par

Nous savons d’ailleurs que les trois arêtes , , , du parallélépipède sont respectivement égaies aux trois droites qui joignent les milieux des arêtes opposées de la pyramide inscrite, et que les trois angles que forment entr’elles ces trois droites, sont respectivement égaux aux trois angles , , , formés par les arêtes du parallélépipède. Cela donne lieu à la proposition suivante :

Théorême II.

Dans une pyramide triangulaire, si l’on représente par , , , les longueurs des trois droites menées par les milieux des arêtes opposées, et par , , , les angles que forment entr’elles ces trois droites considérées deux à deux, la solidité de la pyramide est exprimée par

où il faut remarquer que les six quantités , , , , , , sont communes aux deux pyramides conjuguées.

De même, en représentant par , , , les trois distances des faces parallèles d’un parallélépipède, et par , , , les angles que font entr’elles les trois faces différentes prises deux à deux ; on démontre facilement que la solidité du parallélépipède est exprimée par

or, les trois distances , , , sont respectivement égales aux trois plus courtes distances des arêtes opposées de la pyramide inscrite, et les angles que forment entr’elles les droites sur les quelles se mesurent les plus courtes distances, sont respective ment égaux aux angles , , , formés par les faces du parallélépipède ; en observant que ces trois droites qui ne se rencontrent pas, ne font point entr’elles d’angles proprement dits, mais qu’il s’agit ici des angles que formeroient trois nouvelles droites menées par un même point, et respectivement parallèles aux trois premières ; on a donc encore la proposition suivante :

Théorême III.

Dans une pyramide triangulaire, si l’on représente par , , , les longueurs des trois plus courtes distances des arêtes opposées, et par , , , les angles que formeroient entre elles trois droites menées par un même point respectivement parallèles à ces trois plus courtes distances, la solidité de la pyramide est exprimée par

où il faut remarquer que les six quantités , , , , , , sont communes aux deux pyramides conjuguées.

  1. Voyez la définition des arêtes opposées, 1er. vol., pag. 440.
  2. Voyez 1er, volume, page 410.