Sur la détermination des mobilités des ions gazeux

IONISATION DES GAZ. — Ionisation des gaz. — Sur la détermination des mobilités des ions gazeux.

Note[1] de Mme Éliane Montel, présentée par M. Paul Langevin, Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1939.


Les nombreux travaux effectués jusqu'ici sur les mobilités des ions gazeux n'ont pas permis de décider avec certitude si les ions d'un signe donné possèdent, dans des conditions bien définies de température et de pression, une mobilité unique, ou sont répartis entre plusieurs mobilités formant un ou plusieurs groupes, dans des proportions variables avec ces conditions, la nature et l'état de pureté du gaz.

Les procédés très sensibles dont on dispose aujourd'hui pour l'amplification et l'enregistrement des courants très faibles m'ont permis de reprendre ce problème par une nouvelle méthode dont le principe consiste à enregistrer le courant dû au déplacement, dans un champ électrique, des ions produits pendant un temps très court entre deux électrodes. Pour voir comment cette mesure permet d'atteindre les mobilités, établissons rapidement la formule qui donne l'expression du courant à enregistrer. Considérons, entre deux plateaux A et A' portés aux potentiels V et V', des ions de diverses espèces en nombre n. Soient, à un instant donné, pour les ions d'une même mobilité k, rho la densité en volume des charges au niveau du plan P situé à distance x de A', supposée uniforme dans toute l'étendue de ce plan, et i l'intensité du courant reçu par l'unité de surface du plateau A'. Le même courant traverse au même instant toute surface située entre les plateaux, en particulier le plan P ; il résulte du courant de convection représenté par les ions qui se déplacent par mobilité et par diffusion, et du courant de déplacement.

Il a pour expression


  • (1) i = Somme (n) [(k*h*rho - D*(d(rho)/dx)) + ((K_0)/(4*Pi))*(dh/dt)]


Si d est la distance entre les plateaux, on peut écrire


  • (1') i = (1/d)*Intégrale (0...d) (i*dx) = (1/d)*Somme (n) [(Intégrale (0...d) (k*h*rho - D*(d(rho)/dx))*dx + ((K_0)/(4*Pi))*Intégrale (0...d) (dh/dt)*dx]


Le terme concernant la diffusion donne une intégrale nulle, car les densités sont toutes nulles au niveau des plateaux ; on a donc


  • (2) i = (1/d)* Somme (n) (Intégrale (0...d) k*h*rho*dx) + ((K_0)/(4*Pi*d))*(d(V'-V)/dt)


Si V'— V est constant, il reste seulement


  • (2') i = (1/d)* Somme (n) (Intégrale (0...d) k*h*rho*dx)


k et rho étant toujours de même signe, le produit k*rho est toujours positif et les ions des deux signes ajoutent leurs effets.

Appliquons la formule (2') au cas de l'ionisation uniforme d'un gaz placé dans un champ uniforme et renfermant deux espèces d'ions, l'une positive, l'autre négative, de mobilités respectives (k_1) et (k_2), (rho_0) étant la commune valeur absolue des densités en volume à l'instant initial où cesse l'ionisation. Si la diffusion est négligeable, cette densité reste uniforme et constante dans les deux couches, l'une positive, l'autre négative, qui se meuvent en sens inverses, filtrant au travers l'une de l'autre.

A l'instant t, le bord de la couche positive est à la distance (x_1) = (k_1)*h*t, celui de la couche négative à la distance d — (x_2) = d — (k_2)*h*t du plateau négatif, et l'on a


  • (3) i = (i_1) + (i_2) = (1/d)*Intégrale ((x_1)...d) ((k_1)*h*(rho_0)*dx) + (1/d)*Intégrale (0...(d-(x_2))) ((k_2)*h*(rho_0)*dx) = ((k_1)*h*(rho_0))*(1 - ((k_1)*h*t)/d) + ((k_2)*h*(rho_0))*(1 - ((k_2)*h*t)/d)


(k_1) et (k_2) étant ici comptés en valeur absolue.

Le courant (i_1) s'annule à l'instant (t_1) = d/((k_1)*h), le courant (i_2) à l'instant (t_2) = d/((k_2)*h). Comme, en général, (k_2) > (k_1), on a (t_2) < (t_1). La courbe représentative de la formule (3) est formée de deux portions de droites de pentes différentes dont la première correspond aux effets additionnés des deux sortes d'ions, la deuxième au courant dû aux ions positifs restants.

Il est remarquable que cette courbe de variation du courant instantané a exactement la même allure que celle qu'avait obtenue point par point Monsieur Langevin[2], en inversant le champ entre les plateaux à un instant t variable après la fin de l'ionisation, et en mesurant la charge totale recueillie ultérieurement par l'un des plateaux.

La courbe représentative du courant doit théoriquement présenter autant de coudes qu'il y a de sortes d'ions présents.

Pour enregistrer ce courant, on le fait passer dans une résistance de fuite r reliée d'autre part à la borne d'entrée g d'un amplificateur à lampes, sur laquelle le passage du courant dans la résistance détermine une variation de potentiel v = ri. De celle-ci résulte à la sortie de l'amplificateur un courant proportionnel à i qui est enregistré au moyen d'un oscillographe électromagnétique Dubois et d'un film porté par un tambour tournant actionné par un moteur synchrone.

Le faisceau de rayons X de courte durée qui détermine l'ionisation du gaz dans la chambre d'ionisation B est produit par la décharge d'un condensateur dans un tube à gaz raréfié.

J'étudierai ultérieurement les détails de ce dispositif expérimental, et aussi le processus élémentaire de la production du courant i.

  1. Séance du 27 mars 1939. Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1939, 1er Semestre, t. 208, numéro 15.
  2. Thèse de doctorat, 1902 ; Annales de chimie et de physique, 28, 1903, page 433.