Sur la Mort du poète (Lermontov)

Ajouter un fac-similé pour vérification, — comment faire ?
Ajouter un fac-similé pour vérification, — comment faire ?
Mikhaïl Lermontov Sur la Mort du poète

Traduction de Marina Tsvetaïeva


 
Sous une vile calomnie
Tombé, l’esclave de l’honneur!
Plein de vengeance inassouvie,
Du plomb au sein, la haine au cœur.
Ne put souffrir ce cœur unique
Les viles trames d’ici-bas,
Il se dressa contre la clique.
Seul il vécut – seul il tomba.
Tué! Ni larmes, ni louanges
Ne ressuscitent du tombeau.
Tous vos regrets – plus rien n’y change,
Pour lui le grand débat est clos.
Un noble don vous pourchassâtes –
Unique sous le firmament,
Incendiaires qui soufflâtes
Sans trêve sur le feu dormant.
Tu as vaincu, humaine lie!
Triomphe! Ton succès est beau.
A terre le divin génie,
A terre le divin flambeau!

Son assassin avec aisance
Visa – et le destin fut là.
Le vide cœur bat en cadence
Et l’arme ne bronchera pas.
Qui est-ce? Un maître de l’astuce,
Pas autre chose qu’un fuyard,
Chercheur de titre, par hasard
Il est venu en terre russe.
Est plein d’un souriant dédain
Pour nos statuts et nos coutumes.
Qu’a-t-il compris à sa victime?
A-t-il compris quelle sublime
Merveille détruisait sa main?
.............................................
Et vous, seigneurs à l’âme basse,
De tristes pères tristes rejetons,
Vous dont les bottes insolemment terrassent
Les nobles au grand cœur, les pauvres au grand nom,
Vous, foule de mendiants sur l’escalier du trône,
Serviles assassins et orgueilleux valets,
La loi vous couvre, la rumeur vous prône,
Tout tremble devant vous, tout ploie et tout se tait.



Mikhaïl Lermontov 1837.