Supplément au Traité de la manière d’enseigner et d’étudier les Belles-Lettres

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AVERTISSEMENT
de l’Auteur.


SUr les remontrances & les priéres de plusieurs personnes dont je respecte l’autorité, j’ai composé le petit Traité qui paroit ici, pour l’insérer à la tête du premier Volume de la Maniére d’enseigner & d’étudier les Belles Lettres, &c. lorsqu’on l’imprimera in-4o. Mais comme cette Edition n’est pas encore prête, on a cru que j’en devois prévenir le tems, & faire paroitre dès à présent ce petit Ouvrage en faveur des Enfans & des jeunes Demoiselles pour qui il a été écrit & à qui je souhaite fort qu’il puisse être de quelque utilité. Il est juste d’ailleurs que ceux qui ont les Editions in-12, trouvent dans un supplément tout ce qui pourra être ajouté ou changé dans l’in-4o, soit pour le Traité des Etudes, soit pour l’Histoire ancienne. Je profite avec joie des Remarques que l’on veut bien me communiquer, & j’admire avec une vive reconnoissance le zêle de plusieurs personnes que je n’avois point l’honneur de connoitre, & qui s’intéressent au succès de mon Ouvrage comme s’ils étoient de mes plus anciens amis.

DE LA MANIERE
D’ENSEIGNER
ET D’ETUDIER
LES BELLES LETTRES.
Avant-propos.


AVant que d’entrer dans le détail des différens exercices propres à former la Jeunesse dans les études publiques, ce qui étoit d’abord mon unique but ; j’ai été conseillé d’insérer ici quelques courtes réflexions sur ce que l’on doit faire apprendre aux enfans dans les premiéres années, & même sur les études qui peuvent convenir aux jeunes personnes de l’autre sexe jusqu’a un âge plus avancé. On sent bien que je ne dois traiter que très ment ce double sujet, étranger à mon premier plan, & qui est ici comme un hors d’œuvre. L’habileté des Maîtres, & l’attention des peres & des meres sérieusement occupés de l’éducation de leurs enfans, suppléront aisément à ce qui pourra manquer à ce petit Traité.


CHAPITRE PREMIER.
Des exercices qui conviennent aux Enfans
dans l’âge le plus tendre
.


JE dois avertir dès le commencement, que souvent les avis que je donne ici & dans la suite pour un sexe, sont également utiles à l’autre : il sera aisé d’en faire le discernement & l’application.

§. I.
A quel âge on peut commencer à faire
étudier les enfans
.

Un Auteur bien sensé dont je fais grand usage dans mes Livres, & qui a donné d’excellentes régles sur l’éducation de la Jeunesse, (c’est Quintilien) examine une question fort agitée dès son tems, & qui partageoit les sentimens, savoir à quel âge il faut commencer à faire étudier les enfans. Quelques-uns[1] pensoient qu’on ne devoit point les appliquer à l’étude avant l’âge de sept ans, parce qu’avant ce tems ils n’ont ni l’esprit assez ouvert pour profiter des leçons qu’on leur donneroit, ni le corps assez robuste pour soutenir un travail sérieux.

Quintilien pense d’une maniére différente, & il appuie son sentiment de l’autorité de Chrysippe, célébre philosophe stoïcien, qui avoit traité à fond la matiére de l’éducation. Ce Philosophe donnoit à la vérité trois ans aux nourrices, mais il vouloit que dès lors elles s’appliquassent à former les mœurs des enfans, & à réprimer en eux les premiéres saillies des passions qui commencent déja à se faire sentir dans cet âge tendre, & qui croissent avec eux insensiblement, si l’on n’a soin de les étoufer dans leur naissance. Or,[2] dit Quintilien, si cet âge est susceptible de soins par raport aux mœurs, pourquoi ne le sera-t-il pas aussi par raport à l’étude ? Que peuvent-ils faire de mieux, depuis qu’ils sont en état de parler ? car il faut bien qu’ils fassent quelque chose. Je sai bien (c’est toujours le même Auteur qui parle) que dans tout le tems dont il s’agit ces enfans ne pourront pas autant avancer, qu’ils le feront dans la suite en une seule année. Mais[3] pourquoi mépriser ce petit gain, & ne pas mettre à profit cette avance quelque médiocre qu’elle soit ? Car cette année qu’on aura ainsi gagnée sur l’enfance, accroitra à celles qui suivent, &, somme totale faite, mettra l’enfant en état d’apprendre plus de choses qu’il n’auroit fait sans cela. Il faut donc tâcher de ne pas perdre ces premiéres années, d’autant plus que les commencemens de l’étude ne demandent presque que de la mémoire ; & l’on sait que les enfans n’en manquent pas.

Je trouve encore un autre avantage dans cette pratique, c’est de plier de bonne heure l’eſprit des enfans, de les accoutumer à une ſorte de régle, de les rendre plus dociles & plus ſoumis, & d’empécher une diſſipation auſſi contraire ſouvent à la ſanté du corps, qu’à l’avancement de l’eſprit.

J’en puis ajouter un troiſiéme, qui n’eſt pas moins conſidérable. La Providence a mis dans les enfans une grande curioſité pour tout ce qui eſt nouveau, une facilité merveilleuſe à apprendre une infinité de choſes dont ils entendent parler, un panchant naturel à imiter les grandes perſonnes, & à ſe moûler ſur leurs exemples & ſur leurs diſcours. En différant la culture de ces jeunes eſprits, on renonce à toutes ces heureuſes préparations que la nature leur a données en naiſſant. Et comme la nature ne peut être oiſive, on les oblige à tourner vers le mal ces premiéres diſpoſitions deſtinées à faciliter le bien.

Quintilien n’ignoroit pas qu’on pouvoit lui objecter l’extrême foibleſſe des enfans dans les années dont il s’agit, & le danger qu’il y a d’uſer par des efforts prématurés des organes encore tendres & délicats, qu’une contention un peu forte peut déranger pour toujours. Je[4] n’ai pas, dit-il, si peu de connoissance de la foible complexion des enfans, que je prétende qu’on doive dès lors les presser vivement, & exiger d’eux une forte application. Il veut que ce soit un jeu, & non une étude ; un amusement, & non un travail sérieux. On peut leur raconter des histoires agréables, mais courtes & détachées : leur faire de petites questions qui soient à leur portée, & dont on leur fournisse la réponse par la maniére adroite dont on les interroge : leur laisser le plaisir de croire que c’est de leur propre fonds qu’ils l’ont tirée, afin de leur inspirer le desir d’apprendre : les louer de tems en tems, mais avec sobriété & sagesse, pour leur donner de l’émulation, sans trop enfler leur amour propre : répondre à leurs questions, & toujours avec justesse & selon la vérité : refuser quelquefois de les laisser étudier quand ils le demandent, pour augmenter leur ardeur par cet innocent artifice : n’emploier jamais dans cet âge la contrainte, ni la violence, & encore moins Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/11 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/12 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/13 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/14

On a proposé au public depuis peu une nouvelle maniére d’apprendre aux enfans à lire, qu’on appelle le Bureau Typographique : c’est M. Du Mas qui en est l’auteur. A ce mot de nouveauté il est assez ordinaire & assez naturel qu’on entre en défiance, & qu’on se tienne sur ses gardes : disposition qui me paroit fort sage & fort raisonnable, quand elle nous porte à examiner de bonne foi & sans prévention ce qu’on nous propose de nouveau. Mais il n’y auroit rien de plus opposé à l’équité & à la droite raison, que de rejetter & de condamner une invention précisément parce qu’elle est nouvelle. On doit, au contraire, savoir bon gré à un Auteur, quand même il ne réussiroit pas parfaitement, d’avoir proposé au Public ses vûes & ses pensées : c’est uniquement par ce moien que les arts & les sciences se perfectionnent. Il faut donc, pour juger sainement de la nouvelle Méthode de lire dont il s’agit, l’examiner avec un esprit impartial & libre de tout préjugé.

Le Bureau Typographique est une Table beaucoup plus longue que large, sur laquelle on place une sorte de Tablette, qui a trois ou quatre étages de petites loges, où l’on trouve les différens sons de la langue exprimés par des caractéres simples ou composés sur autant de cartes. Chacune de ces logettes indique par un titre les lettres qui y sont renfermées. L’enfant range sur la table les sons des mots qu’on lui demande, en les tirant de leurs loges, comme fait un Imprimeur en tirant des cafetins les différentes lettres dont il compose ses mots. Et c’est ce qui a fait donner à ce Bureau l’épithéte de Typographique.

Cette maniére d’apprendre à lire, outre plusieurs autres avantages, en a un qui me paroit fort considérable, c’est d’être amusante & agréable, & de n’avoir point l’air d’étude. Rien n’est plus fatiguant ni plus ennuieux dans l’enfance, que la contention de l’esprit, & le repos du corps. Ici l’enfant n’a point l’esprit fatigué : il ne cherche point avec peine dans sa mémoire, parce que la distinction & le titre des loges le frapent sensiblement. Il n’est point contraint à un repos qui l’attriste, en le tenant toujours collé à l’endroit où on le fait lire. Les yeux, les mains, les piés, tout le corps est en action. L’enfant cherche ses lettres, il les tire, il les arrange, il les renverse, il les sépare, & les remet dans leurs loges. Ce mouvement est fort de son goût, & convient extrêmement au caractére vif & remuant de cet âge.

On cite un grand nombre d’enfans de trois & quatre ans, sur qui l’on a fait une heureuse épreuve de cette méthode, & j’en ai été témoin. Ce que je sai encore par moi-même, c’est qu’elle a fort réussi à l’égard d’un enfant de qualité à qui je m’intéresse, en lui ôtant un dégoût horrible qu’il avoit pour toute application & pour toute étude, où il n’alloit presque jamais qu’en pleurant ; au lieu que maintenant le Bureau fait sa joie, & ne lui coute des larmes que quand il s’en voit privé.

Un autre avantage qu’a cette méthode, c’est que le même Maître peut exercer à la fois plusieurs enfans au même Bureau, ce qui peut allumer entr’eux une utile émulation ; & qu’un enfant peut aussi s’y exercer ou y jouer tout seul, sans le secours du Maître.

De quelque méthode que l’on se serve pour apprendre à lire, car elles ont toutes leur utilité, & l’ancienne peut réussir & réussit en effet dans un grand nombre d’enfans quand ils sont bien enseignés, l’on demande s’il faut commencer la lecture par le françois, ou par le latin.

Il me semble qu’il n’y a aucun danger à commencer d’abord par le latin, parce que dans cette langue tout se prononce uniformement, & que le son répond toujours à l’expression des caractéres qui se présentent à la vûe, ce qui facilite beaucoup la lecture : au lieu que dans le françois il y a quantité de lettres qu’on n’exprime point par le son, ou qu’on prononce tantôt d’une façon, tantôt d’une autre. Mais comme la lecture du latin ne présente à l’enfant que des sons vuides de sens, & que l’ennui doit naturellement accompagner un exercice où il ne comprend rien, on ne sauroit trop tôt l’amener au françois, afin que le sens l’aide à lire, & l’habitue à penser.

Je croi pourtant qu’il y a ici une distinction à faire. Des personnes instruites à fond par une longue expérience de tout ce qui regarde les écoles, & que j’ai consultées sur cette matiére, sont persuadées que dans les écoles des pauvres, & dans celles de la campagne, il est nécessaire de commencer par la lecture du françois ; & j’entre fort dans leur sentiment. Car, outre que les enfans apprennent à lire plus volontiers quand ils entendent ce qu’ils lisent ; & que l’on sait par expérience que lorsqu’ils savent lire le françois ils peuvent lire le latin : une raison beaucoup plus forte justifie cet usage. On voit communément, soit à la ville, soit à la campagne, que les peres & les meres retirent leurs enfans des écoles aussitôt qu’ils peuvent en tirer quelques services. De là il arrive souvent, quand on commence par le latin, que les enfans sortent des écoles avant qu’ils fâchent lire en françois, & qu’ils sont privés pour toute leur vie de l’avantage qu’ils tireroient pour leur salut de la lecture des livres de piété.

Quand un enfant commence à lire dans le françois, il faut lui expliquer clairement & succinctement tous les mots qui sont nouveaux pour lui, & ils le sont presque tous dans un âge si tendre, & choisir pour sa lecture ceux qui lui sont les plus familiers, & qui entrent le plus ordinairement dans l’usage. Jour. Nuit. Soleil. Lune. Etoiles. Pain. Eau. Fontaine. Riviére. Habit. Linge. &c. On lui explique tous ces mots, & d’autres semblables, d’une maniére agréable.

Quand ils joint les mots ensemble, on lui donne à lire des phrases courtes, qui renferment quelque histoire, ou quelque chose de curieux. Caïn tua son frere Abel par envie de sa vertu. On explique ce qu’étoient Caïn & Abel ; ce que c’est que l’envie ; pourquoi Caïn portoit envie à son frere. Tous les hommes étant devenus méchans, Dieu les fit périr par le déluge. On marque que le déluge est une grande inondation, qui couvrit d’eau toute la terre. Noé, qui seul étoit juste, se sauva avec sa famille par le moien de l’Arche. On dit que l’Arche étoit un grand vaisseau long & carré, & couvert en forme de coffre. On en montre l’image, telle qu’on la trouve dans le Catéchisme Historique de M. l’Abbé Fleury : car les images plaisent infiniment aux enfans. Dieu, pour éprouver la foi & l’obéissance d’Abraham, lui ordonna de lui immoler son fils Isaac : mais il l’arréta, comme il étoit prêt de l’égorger. On lui montre l’image, & on lui en explique toutes les parties, dont il ne manque pas lui même de demander l’explication. Les petits d’une poule se retirent sous ses ailes, quand ils craignent quelque danger. On explique tous les termes qui sont nouveaux. Le Berger, avec ses chiens, garde son troupeau, & le défend contre les loups. Il seroit à souhaiter qu’on eût beaucoup d’images pareilles, faites exprès pour les enfans, qui les instruiroient en les amusant ; & qu’il y eût aussi des livres composés pour eux, où l’on trouvât en gros caractéres des mots, des phrases, & de petites histoires qui leur convinssent.

Un maître habile & attentif, en expliquant les histoires que j’ai d’abord raportées, glisse un petit mot pour inspirer l’horreur du vice, l’amour de la vertu, l’obéissance que l’on doit aux ordres de Dieu.

Le meilleur avis qu’on puisse donner aux personnes chargées d’apprendre à lire aux enfans, c’est de consulter ceux qui ont étudié cette matiére, & qui ont ajouté à leurs réflexions une longue expérience. Pour moi, si je me trouvois en pareil cas, j’avoue que je serois fort embarrassé, & je ne trouverois point d’autre moien de me tirer de cet embarras, que de prendre conseil de personnes habiles & expérimentées en ce genre.

On a introduit à Paris depuis plusieurs années, dans la plupart des Ecoles des pauvres, une méthode, qui est fort utile aux Ecoliers, & qui épargne beaucoup de peine aux Maîtres. L’Ecole est divisée en plusieurs Classes. J’en prends ici une seulement, savoir celle des enfans qui joignent déja les syllabes ; il faut juger des autres à proportion. Je suppose que le sujet de la lecture est, Dixit Dominus Domino meo, sede à dextris meis. Chaque enfant prononce une syllabe, comme Di : son émule, qui est vis-à-vis de lui, continue la suivante, xit ; & ainsi du reste. Toute la Classe est attentive : car le Maître, sans avertir, passe tout d’un coup du commencement d’un banc au milieu ou à la fin, & il fait continuer sans interruption. Si un écolier manque dans quelque syllabe, le Maître donne sur la table un coup de baguette sans parler, & l’émule est obligé de répéter comme il faut la syllabe qui a été mal prononcée. Si celui-ci manque aussi, le suivant, sur un second coup de baguette, recommence la même syllabe, jusqu’à ce qu’elle ait été prononcée correctement. J’ai vû avec un singulier plaisir il y a plus de trente ans cette méthode pratiquée heureusement à Orléans, où elle a pris naissance par les soins & l’industrie de M. Garot qui présidoit aux Ecoles de cette ville. L’Ecole que je visitai étoit de plus de cent Ecoliers ; & il y régnoit un profond silence. Un Maître chargé d’une nouvelle Ecole ne feroit-il pas sagement de visiter celles qui réussissent le mieux, & de les prendre pour modéles ? J’en dis autant à proportion des personnes que l’on met auprès des enfans pour leur donner les premiéres instructions.

L’écriture doit suivre d’assez près la lecture. M. le Fevre, que j’ai déja cité, ne veut pas qu’à cet âge on se mette fort en peine de la beauté du caractére. Pourvû qu’un enfant ait la main légére, il est content, & n’en demande pas davantage. Il croit même que quand dès lors on peint fort bien, ce qui ne se peut faire que par une application lente & froide, ce n’est pas une bonne marque pour l’esprit. Il aime mieux dans les enfans du feu & de la vivacité qui ne leur permet pas de s’astreindre scrupuleusement à l’exactitude des régles. D’ailleurs, pour les conduire à la perfection de l’écriture, il faut y mettre tous les jours un tems considérable, qui peut être emploié plus utilement. Il suffit donc qu’un jeune homme écrive légérement, & d’une maniére lisible. Lorsqu’il sera arrivé à sa quinziéme ou seiziéme année, il en fera plus en quatre mois pour la beauté de la main, qu’il n’en auroit fait en quatre années consécutives dans un âge moins avancé.

Quintilien, en homme sensé, & qui veut qu’on mette tout à profit dans l’éducation des jeunes gens, recommande fortement aux Maîtres qui apprennent à écrire,[5] de ne leur pas donner à copier des exemples dont les mots soient mis au hazard, & dépourvus de sens, mais qu’ils renferment quelque maxime utile, & qui porte à la vertu. Car, ajoute-t-il, ce qu’on apprend dans ces tendres années se gravant profondément dans la mémoire, nous suit jusqu’à la vieillesse, & influe dans la conduite de la vie. Il me suffit d’avertir que c’est un payen qui parle ainsi.

Quand j’ai dit que la lecture étoit le premier exercice de l’enfance, je n’ai pas prétendu exclure toute instruction avant que l’enfant fût en état de lire. Il y en a qui n’arrivent que lentement à cette petite science, & il n’est pas convenable de perdre tout le tems qui la précéde. On peut le leur faire mettre à profit en leur racontant de vive voix, & leur répétant à beaucoup de reprises, les mêmes choses qu’ils apprendront quelques années après dans les livres quand ils sauront y lire : comme quelques réponses du Catéchisme Historique, quelques vers des Fables de la Fontaine, & d’autres choses pareilles : le tout par forme de divertissement, & sans que jamais on les gronde de les apprendre avec peine, & de les mal réciter.

Je viens maintenant aux études auxquelles il convient de faire passer les enfans, quand ils sont un peu fermes, dans la lecture,

§. III.
Etude du Catéchisme Historique.

Je commence par le Catéchisme Historique de M. l’Abbé Fleury : je parle du premier, qui est fait pour les enfans. On ne peut faire trop de cas ni trop d’usage de cet excellent livre, ni trop admirer le goût exquis de ce pieux & savant Auteur, qui, par esprit de religion, & par charité pour les enfans, s’est appliqué particuliérement à étudier leur génie & leur portée, à se rabaisser jusqu’à leur foiblesse, à prendre leur langage, & pour ainsi dire à bégaier avec eux. Voila donc le premier livre qu’il faut mettre entre les mains des enfans, & qu’il faut leur apprendre, même avant qu’ils sachent lire, comme je l’ai déja marqué.

Les peres de famille, si chacun étoit bien instruit, & soigneux d’instruire ses enfans & ses domestiques, devroient en être les premiers maîtres & les premiers catéchistes. Je lis avec un plaisir singulier ce que M. Fleury raconte d’un de ses amis dans le discours préliminaire de son Catéchisme. « Je connois un homme entr’autres, dit-il, qui est passablement instruit de sa religion, sans avoir jamais appris par cœur les Catéchismes ordinaires, sans avoir eu pendant l’enfance d’autre maître que son pere. Dès l’âge de trois ans, ce bon homme le prenoit sur ses genoux le soir après s’être retiré : lui contoit familiérement, tantôt le sacrifice d’Abraham, tantôt l’histoire de Joseph, ou quelque autre semblable : il les lui faisoit voir en même tems dans un livre de figures, & c’étoit un divertissement dans la famille de répéter ces histoires. A six ou sept ans, quand cet enfant commença à savoir un peu de latin, son pere lui faisoit lire l’Evangile, & les livres les plus faciles de l’Ancien Testament, aiant soin de lui expliquer les difficultés. Il lui est resté, toute sa vie, un grand respect & une grande affection pour l’Ecriture sainte, & pour tout ce qui regarde la religion. » Voila le fruit d’une éducation chrétienne : voila le devoir des peres qui sont instruits, & qui ne sont pas trop occupés par leurs emplois. Telle étoit la pratique des premiers & des plus saints siécles de l’Eglise, où les enfans étoient bien instruits de la religion Chrétienne par le soin des seuls parens, & sans le secours des Catéchismes, n’y aiant pas encore pour lors de Catéchistes publics & d’office pour la jeunesse.

Les meres ne peuvent s’excuser sur leurs grandes occupations : elles ont beaucoup de loisir. Le soin de l’éducation des enfans jusqu’à l’âge dont nous parlons, roule principalement sur elles, & fait partie de ce petit empire domestique que la providence leur a spécialement assigné. Leur douceur naturelle, leurs maniéres insinuantes, si elles savoient y joindre une autorité douce mais ferme, les mettent en état d’instruire avec succès leurs enfans. Je connois plusieurs meres qui ont rempli parfaitement ce devoir, une entre autres qui n’a jamais laissé son enfant seul avec des domestiques, & qui l’a elle-même parfaitement instruit de tout ce qu’un enfant peut savoir jusqu’à l’âge de près de six ans, où elle l’a remis entre les mains d’un Précepteur capable de tenir sa place, & d’entrer dans ses vûes.

J’ai dit que l’éducation des enfans rouloit rouloit principalement sur les meres. Cela est encore plus vrai à la campagne qu’à la ville : parce que pendant que les hommes sont occupés à des travaux pénibles & nécessaires, & ils le sont pendant presque toute l’année, il n’y a que les femmes à qui il puisse rester quelque loisir. C’est ce qui marque l’étroite & l’indispensable obligation où sont les seigneurs de villages d’y établir des Ecoles de filles, & le soin particulier que les Pasteurs doivent donner à cette partie de leur troupeau, qui seule fait toute la ressource & toute l’espérance d’un village. Car ces filles deviendront meres de famille : & si elles ont eu le bonheur d’être bien instruites dans leur jeunesse, elles communiqueront le même avantage à leurs enfans.

Pour revenir au Catéchisme Historique, qui que ce soit qui se charge de l’enseigner aux enfans, doit commencer par leur lire le récit historique qui précéde les demandes ; ou, ce qui seroit beaucoup mieux, le leur faire de vive voix. On pourroit, si cela ne les fatigue point, leur en faire une seconde lecture, pour les mettre plus en état de le comprendre. On ne demande encore jusqu’ici que leurs oreilles, & un peu d’attention, que le Maître peut s’attirer par la maniére gaie & agréable dont il leur lira ou leur fera ce récit. Après cela on passera aux demandes & aux réponses, qu’on répétera chacune plusieurs fois, afin que l’enfant les entende parfaitement. On se contentera d’abord de lui faire apprendre les réponses, soit de vive voix, s’il ne sait pas encore lire ; soit par la lecture qu’il en fera lui-même en particulier. On lui fera ainsi étudier tout de suite la premiére partie du Catéchisme, qui est toute historique, & qui renferme vingt-neuf articles ou leçons. Ce sera là comme une premiére couche que l’on mettra dans l’esprit de l’enfant ; & l’on aura grand soin de lui faire considérer toutes les figures, à quoi il se portera avec joie, & de lui en expliquer toutes les parties. J’ai vû avec admiration une jeune demoiselle de qualité, âgée de quatre ans seulement, & qui ne savoit pas encore lire, à qui l’on avoit appris le Catéchisme Historique tout entier, sur lequel elle répondoit, sans hésiter, dans quelque endroit du livre qu’on la mît.

L’invention des figures est excellente. Les images sont très propres à fraper l’imagination des enfans, & à fixer leur mémoire : c’est proprement l’écriture des ignorans. Il seroit à souhaiter que ces figures fussent faites de bonne main, & par d’habiles graveurs. Elles en plairoient beaucoup plus, attacheroient davantage les yeux, & par là feroient plus d’impression sur les esprits. Mais la dépense rendroit ces livres inaccessibles aux pauvres, & c’est pour eux qu’on doit principalement travailler. Seroit-ce une libéralité indigne d’un Prince, d’un grand seigneur, ou d’un homme extrémement riche, que d’en faire lui-même la dépense, & de gratifier le Public, sans distinction de riches & de pauvres, d’un don qui seroit fort utile à tous, & qui feroit un honneur immortel au Donateur ?

Après qu’on aura parcouru de la sorte le Catéchisme Historique, on le recommencera, en y joignant les demandes, & les lui faisant aussi apprendre par cœur, parce qu’elles sont naturellement jointes aux réponses, & en contiennent souvent le précis.

Enfin, quand l’enfant saura bien les demandes & les réponses, & qu’il y sera très ferme, on lui fera apprendre par cœur le récit Historique qui les précéde. Mais, pour ce qui regarde ce récit, il ne faut point l’assujettir servilement à redire les mêmes mots qu’il aura appris. On ne doit point être fâché qu’il les change quelquefois, pourvû que ce soit sans changer le sens : car c’est une preuve assurée qu’il aura compris la chose, au lieu qu’il y a sujet d’en douter, quand il dit les mêmes paroles.

Ces trois différentes répétitions, qui seront toujours accompagnées de quelques changemens & de quelque addition, auront par ce moien la grace de la nouveauté, ne dégouteront point les enfans, & se graveront profondément dans leur mémoire & dans leur esprit.

De cette premiére partie du Catéchisme purement Historique, on les fera passer dans la seconde, qui contient la Doctrine Chrétienne, & par conséquent des Instructions plus sérieuses. On y observera les mêmes régles que dans la premiére.

Dans l’une & dans l’autre, l’habileté des Gouvernantes & des Maîtres consiste à ne pas borner leurs soins à exercer la mémoire d’un enfant, en lui faisant réciter par cœur ce qu’il a appris ; mais à commencer déja à lui former le jugement, autant que son âge en est capable, en lui proposant de petites questions proportionnées à sa foiblesse, en dérangeant l’ordre des demandes, en lui faisant expliquer à lui-même ses réponses, & par mille autres moiens industrieux que l’affection & le zêle inspirent à un Maître qui se fait un plaisir de son devoir.

Cet exercice du Catéchisme Historique, qui ne remplira qu’une légére partie de la journée, réglé comme je l’ai marqué, & renouvellé de tems en tems par des répétitions réitérées plus d’une fois, occupera trois ou quatre années de l’enfance, & la conduira jusqu’à la sixiéme ou septiéme année, où commenceront des études un peu plus sérieuses.

§. IV.
Les Fables de la Fontaine.

En même tems qu’on occupera l’enfant à cet exercice, on lui fera apprendre par cœur quelques Fables de la Fontaine, en choisissant d’abord les plus courtes & les plus agréables. On aura soin de lui expliquer clairement & briévement tous les termes qu’il n’entend point, & après qu’on lui aura lu plusieurs fois une Fable, & lui aura fait répéter de mémoire, on l’accoutumera à en faire de lui-même un récit simple & naturel. On ne sauroit croire combien cette pratique peut être utile à un enfant dans la suite. Pour la lui faciliter, le Maître fera d’abord lui-même ce récit, & lui apprendra par son exemple comment il faut s’y prendre. Je n’ai pas besoin d’avertir qu’il faut commencer par exposer aux yeux de l’enfant l’image qui est à la tête de la Fable, & qui en renferme le sujet, & la lui bien faire comprendre : rien n’est plus divertissant pour lui.

Quand il en aura bien appris une par cœur, & qu’il la saura parfaitement, on lui apprendra à la déclamer, en l’accompagnant du ton & du geste convenables à la matiére. Le Maître pourra consulter ce qui sera dit dans la suite sur les régles de la Prononciation. On l’accoutumera ainsi de bonne heure à exprimer comme il faut les voielles & les consonnes, à en faire sentir la force, à appuier sur celles qui demandent qu’on s’y arréte, à ne point manger certaines syllabes, sur tout les finales, à faire de certains repos selon la différence de la ponctuation, en un mot à prononcer avec grace, clarté, & justesse. On doit être fort attentif à leur faire prendre un ton naturel, & à leur faire éviter une sorte de glapissement ordinaire aux enfans, qui les suit jusques dans les Classes, & souvent dans un âge encore plus avancé.

§. V.
La Géographie..

On donnera aussi chaque jour un certain tems à la Géographie. Elle sera pour eux un divertissement plutôt qu’une étude, si le Maître sait l’assaisonner de petites histoires agréables & de faits curieux à l’occasion des pays & des villes dont on leur parlera. Ces histoires & ces faits se trouvent dans les livres de Géographie : il en faut faire un triage, & ne choisir que ce qui pourra plaire à l’enfant.

Il y a plusieurs méthodes d’enseigner la Géographie, qui la plupart sont fort bonnes, pourvû qu’on y soit fidéle, & qu’elles soient toujours accompagnées de l’inspection des Cartes : car c’est ici une science des yeux. Parmi ces différentes méthodes il me semble qu’on doit préférer celles qui, au lieu de supposer de l’esprit aux enfans, ou d’avoir besoin d’être aidées par leur esprit, aident plutôt l’esprit des enfans, & les amusent par un agréable exercice.

On commencera d’abord par exposer à leurs yeux la Mappemonde, qui est la carte du monde entier ; ou plutôt le Globe terrestre, beaucoup plus propre à leur donner une juste idée de la figure de la terre. On aura soin de leur faire entendre les termes de cet art qui seront nécessaires, en les mettant à leur portée : continent, mer, île, presqu’île, golfe, détroit, &c.

On peut enseigner la Géographie par des divisions exactes, & par des détails savans : mais cette méthode charge beaucoup la mémoire, & ne dédommage presque par aucun plaisir de l’ennui inséparable d’une longue file de noms propres.

Il seroit, ce me semble, plus utile de conduire & de faire voiager l’enfant sur une carte, sans y remarquer autre chose que quelque particularité amusante, qui étant liée avec la figure du pays, aide la mémoire à en conserver le nom & la situation.

Je suppose, par exemple, qu’on veuille faire connoitre l’Asie à un jeune enfant qui sait les termes ordinaires. Je voudrois me contenter de lui en faire parcourir toutes les côtes, en l’avertissant de ce que chaque pays a de remarquable.

L’Asie, lui dirois-je, commence où finit l’Afrique, qui y est jointe par l’isthme de Suès, que vous voiez entre la mer Méditerranée & la mer Rouge. Cette mer est appellée Rouge, parce que c’étoit proche de cette mer qu’habitoient les Iduméens descendus d’Esaü ou Edom, dont le nom signifie rouge, ou de poil roux.

L’Arabie que cette mer baigne, se partage en trois : la Pétrée, la Déserte, l’Heureuse. Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/38 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/39 souffrent plusieurs savonages sans rien perdre de leur vivacité.

En continuant ainsi à parcourir toutes les côtes, & en revenant sur les mêmes endroits, sans changer ce que l’on veut que le jeune homme apprenne, il se fait un jeu de ces connoissances qui l’amusent, & s’arrangent dans sa mémoire sans aucune contention.

On peut aussi, quand le jeune homme a déja fait quelques progrès dans la Géographie, le faire voiager sur la carte. Le faire aller, par exemple, de Paris à Rome en lui faisant passer la mer ; & le faire revenir de Rome à Paris par terre, en lui faisant prendre une autre route. Ces petits changemens le divertissent, &, chemin faisant, on lui apprend mille curiosités dans tous les lieux qu’il parcourt.

§. VI.
La Grammaire Françoise.

Il me reste à parler de la Grammaire Françoise, qui doit être apprise aux enfans dès qu’ils en serons capables, & ils le sont pour l’ordinaire de bonne heure. Il est honteux que nous ignorions notre propre langue ; &, si nous voulons parler vrai, nous avouerons presque tous que nous ne l’avons jamais étudiée. Je ne m’arréterai point ici aux réflexions que l’on peut faire sur ce sujet : je parle ailleurs assez au long de ce qui regarde cette étude. La prudence du Maître peut seule, dans l’âge dont il s’agit, en régler & le tems & la maniére. Il prendra dans une Grammaire françoise ce qu’il jugera le plus nécessaire aux enfans, & le plus à leur portée, réservant pour un autre tems ce qui lui paroitra trop abstrait & trop difficile : car il est à souhaiter que l’on continue cet exercice pendant tout le cours des études.

Voila à peu près ce que je croi qui doit occuper les enfans jusqu’à l’âge de six ans : auquel tems on pourra commencer à les mettre au latin, dont l’intelligence leur deviendra bien plus facile par l’étude qu’ils auront faite de la Grammaire françoise : car les principes de ces deux langues sont communs en bien des choses.

Il ne faut pas croire que ce que je propose ici soit au-dessus de la force des enfans. J’en ai entendu un tout récemment qui n’a que six ans, répondre dans une assez nombreuse assemblée sur le Catéchisme historique tout entier, dont il récitoit à l’ouverture du Livre tous les endroits qui se présentoient, tant le narré que les demandes & les réponses. Il rendit compte aussi de la plupart des termes de Géographie, des quatre parties du monde en général, & de la France dans un assez grand détail. Il exposa avec beaucoup de netteté plusieurs régles de la Grammaire françoise, & c’est ce qui m’étonna le plus. Il déclama quelques fables de la Fontaine avec beaucoup de graces, & il étoit prêt à répondre sur les principes du Blason, mais le tems ne le permit pas.

Je sai bien qu’on n’en doit pas attendre autant de tous les enfans, & je n’ai cité cet exemple que pour montrer de quoi ils sont capables quand ils sont bien conduits. Lors même qu’on en rencontre du caractére de celui dont je parle, qui se portent d’eux-mêmes au travail, & qui en font leur plaisir, ce qui est fort rare & fort heureux, on doit être extrêmement attentif à modérer leur ardeur, & à la renfermer dans de justes bornes. Rien n’est plus flateur & pour des parens & pour un maître que de voir ainsi réussir un enfant dans un âge si peu avancé : mais, je croi pouvoir le dire, rien en même tems n’est si dangereux. Car, si on se livre de part & d’autre à ce plaisir, & qu’on ne ménage pas avec assez de soin la santé d’un enfant, on court risque de la ruiner pour toujours par une attention trop suivie, qui épuise les esprits sans qu’on s’en aperçoive, & qui use insensiblement des fibres & des organes qui sont alors d’une extrême délicatesse.

Ce danger est grand, mais il n’est pas ordinaire. On a bien plus souvent besoin d’inspirer de l’ardeur aux enfans, que de la modérer ; & c’est en cela que je fais consister la principale habileté d’un Maître. Mais, pour faire aimer l’étude, il faut qu’il commence par se faire aimer lui-même ; & il y réussira infailliblement s’il agit toujours par raison, & jamais par humeur. Je traiterai cette matiére fort au long, quand j’exposerai les devoirs des parens & des maîtres dans l’éducation des enfans. Je me contente ici de les avertir qu’ils ne peuvent être trop attentifs à jetter de l’émulation dans leur esprit. Les exercices, à l’âge dont je parle, doivent être plutôt un divertissement, qu’une étude. Il faut les varier, les abréger, les interrompre quelquefois entiérement, pour prévenir l’ennui & le dégoût :[6] proposer à l’enfant de petites récompenses, & choisir celles qui font le plus de plaisir à cet âge : s’il est naturellement lent à apprendre, ne lui point faire de vifs reproches, & ne le point traiter durement, de peur qu’il ne se rebute, & qu’il ne porte dans un âge plus avancé la haine pour toute étude, dont il n’a senti que l’amertume dans son enfance, n’en pouvant pas comprendre encore l’utilité. Il faut au contraire l’exciter, l’encourager, le louer même pour peu qu’il réussisse : lui opposer quelque compagnon dont le succès & les louanges piquent son amour propre ; sur qui il se réjouisse de l’avoir emporté, & par qui il soit fâché d’avoir été vaincu. Ce sont là d’innocens artifices dont saint Jérôme, en copiant Quintilien, conseille à une Dame chrétienne d’user à l’égard de sa fille, qui n’avoit alors que cinq ou six ans, & sur l’éducation de laquelle il lui donne d’admirables préceptes. Des meres chrétiennes exigent de moi que j’en donne aussi quelques-uns sur le même sujet, & je ne puis me refuser à un desir si juste & si raisonnable. Je dois cette marque de reconnoissance aux témoignages d’estime que les Dames mêmes me donnent pour mon Traité des Etudes, dont j’étois bien éloigné de croire que la lecture pût leur causer quelque plaisir.


CHAPITRE SECOND.
De l’éducation des Filles.

M. de Fenelon, Archevêque de Cambrai, commence l’excellent Livre qu’il a composé sur cette matiére, par se plaindre que l’éducation des Filles est presque généralement négligée ; & cette plainte n’a que trop de fondement. Quoiqu’on fasse beaucoup de fautes dans celle des garçons, on est pourtant assez communément persuadé qu’elle est d’une grande importance pour le bien public. Le long tems que l’on destine à leurs études, les Maîtres qu’on leur donne, les dépenses que l’on fait dans cette vûe, sont autant de preuves qu’on a sur ce sujet d’assez justes idées. Mais, sous prétexte qu’il ne faut pas que les filles soient savantes, & que la curiosité les rend vaines & précieuses, on ne se met pas beaucoup en peine de les instruire, comme si l’ignorance étoit l’apanage de leur sexe. C’est une erreur grossiére, & extrêmement préjudiciable à l’Etat, que de négliger ainsi l’éducation des Filles.

On doit s’y proposer une double fin, aussi bien que dans celle des garçons, qui est de former le cœur, & de cultiver l’esprit. Je commencerai par la premiére partie, qui est la plus importante, mais que je traiterai fort succinctement, parce que les avis que je donnerai dans la suite sur ce sujet par raport aux garçons, conviennent également aux filles. Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/47 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/48 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/49 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/50 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/51 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/52 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/53 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/54 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/55 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/56

Il est tems de passer à la seconde Partie de ce petit Traité.

ARTICLE SECOND.
Des Etudes qui peuvent convenir aux
jeunes Filles
.

Ce que j’ai dit qu’on pouvoit faire apprendre aux enfans jusqu’à l’âge de six ou sept ans, est, à peu de choses près, commun à ceux de l’un & de l’autre sexe. Il s’agit maintenant d’examiner quelles sortes d’études peuvent convenir aux filles dans un âge plus avancé.

§. I.
L’Etude de la langue latine convient-elle
aux Filles ?
.

La premiere question qui se présente à l’esprit, est de savoir si on doit permettre aux Filles d’apprendre la langue latine. On ne peut douter que parmi elles il n’y en ait beaucoup aussi capables de cette étude que les garçons : le sexe, par lui-même, ne met point de différence dans les esprits. On a vû des femmes réussir dans les sciences autant que les hommes. Pour ne point parler de beaucoup d’autres, Madame Dacier, qui a illustré notre Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/58 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/59 même seront obligées à chanter ou à réciter l’Office de l’Eglise en latin. Ne seroit-ce pas pour elles une grande consolation d’entendre ce qu’elles chantent ? de se joindre aux sentimens du Prophéte Roi, aussi bien qu’à ses paroles ? & de ne pas faire à son égard la simple fonction d’un écho, qui répéte des mots sans y rien comprendre ? Ne semble-t-il pas que c’est à ces saintes Vierges, qui sont les Anges de la terre, non seulement par leur pureté, mais par l’honneur qu’elles ont d’être occupées continuellement à chanter les louanges du seigneur : que c’est à elles dis-je, que David adresse ces paroles d’un pseaume : Chantez, chantez des pseaumes à notre Dieu : chantez des pseaumes à notre Roi… mais chantez-les avec**Psallite sapienter. L’hebreu porte, intelligenter. goût et avec intelligence. Comme s’il leur disoit : Les pseaumes que prononce votre bouche, sont la moindre partie du tribut que vous devez à votre Dieu. L’esprit doit en avoir l’intelligence, & le cœur les sentimens. Seroit-ce une pratique blamable dans les maisons religieuses, d’apprendre la langue latine aux Novices & aux jeunes Professes, pour les mettre en Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/61 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/62 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/63 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/64 Dieu fait pauvre & anéanti pour elles.

En supposant, comme je le fais, que l’étude de la langue latine ne convient point au commun des filles, à quoi faut-il donc les appliquer quand elles sont dans un âge plus avancé ? C’est ce que je vais exposer d’une maniére succinte.

§. II.
Lecture. Ecriture. Arithmétique.

Je suppose que dans les années précédentes les jeunes filles ont appris à bien lire & à bien écrire : c’est une partie de l’éducation des filles qui est trop négligée. Il est honteux, dit M. de Cambrai, mais ordinaire, de voir des femmes qui ont de l’esprit & de la politesse, ne savoir pas bien prononcer ce qu’elles lisent. Ou elles hésitent, ou elles chantent en lisant : au lieu qu’il faut prononcer d’un ton simple & naturel, mais ferme & uni. Elles manquent encore plus grossiérement pour l’orthographe. On ne doit pas leur faire un crime de cette ignorance presque générale dans leur sexe, & qui, par cette raison, semble ne le pas deshonorer. Mais pourquoi ne tacheroit-on pas de bonne heure à prévenir ce reproche, en leur apprenant à écrire correctement ? Ce soin ne demande pas un grand travail. Une légére connoissance de la Grammaire françoise pour distinguer les différentes parties du discours, pour savoir décliner & conjuguer, pour connoitre les diverses maniéres de ponctuer : voila à quoi se borne par raport aux filles la science qui leur est nécessaire pour ce point. Ces régles se trouvent dans toutes les Grammaires françoises. Un maître habile en fera le choix & en très peu de tems & très peu de leçons mettra une jeune fille en état d’écrire très correctement.

Il sera bon que les jeunes filles aprennent les quatre opérations de qui leur seront fort utiles, & même nécessaires pour remplir des devoirs dont je parlerai dans la suite.

§. III.
Lecture des poétes. Musique. Danse.

La lecture des comédies & des tragédies, même de celles qui paroissent n’avoir rien de contraire à la modestie & aux bonnes mœurs, peut Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/67 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/68 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/69 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/70 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/71 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/72 dans les autres, on suppose que l’auditeur & le lecteur sont instruits des faits de l’histoire sainte, & par cette raison on se contente de les leur indiquer en un mot : mais c’est un langage étranger pour ceux à qui cette histoire est inconnue, & le nombre en est grand.

Outre cet avantage, qui est certainement bien considérable, mais qui ne regarde que les années suivantes ; il y en a un autre actuel & présent, qui est encore d’une plus grande importance. M. Fleuri & M. de Fénelon ont tous deux remarqué que l’étude de l’histoire sainte, sans parler de l’agrément qui s’y trouve par la beauté & la grandeur des événemens, & qui la rend par cette raison bien plus utile à la Jeunesse, est la maniére la plus sûre & la plus solide de l’instruire à fond & pour toujours de la religion. Ces histoires paroissent allonger l’instruction, mais véritablement elles l’abrégent, & lui ôtent la sécheresse des catéchismes, où les mystéres sont détachés des faits. Aussi voions-nous que saint Augustin, dans l’admirable ouvrage qui a pour titre, De la maniére d’instruire les simplesDe catechisandis rudibus., n’en prescrit point Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/74 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/75 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/76 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/77 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/78 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/79 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/80 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/81 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/82 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/83 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/84 plus attentives à leurs lectures, elle leur apprend à en faire usage. Je connois une famille, où souvent les récréations du soir se passoient dans une pareille dispute entre la Demoiselle du logis & le Gouverneur du frere, entre lesquels il y avoit une émulation si vive de fournir chacun son mot à propos, & de ne pas demeurer à sec, que toute la compagnie étant en haleine, & prenant parti pour l’un ou pour l’autre, personne n’étoit tenté de s’endormir. Ne pourroit-on pas établir dans les couvents cette ingénieuse & agréable récréation parmi les jeunes pensionnaires, & ne seroit-ce pas un moien de les engager à l’étude de l’histoire tant sainte que profane ? car l’une & l’autre peuvent entrer également dans l’exercice dont je parle.

Cette étude de l’histoire sainte doit toujours être accompagnée de celles de la Géographie & de la Chronologie, qu’il faut réduire à très peu de choses par raport aux jeunes personnes, pour ne point trop charger leurs mémoire.

A mesure qu’il se présente quelque nom de province, de ville, de riviéPage:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/86 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/87 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/88 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/89 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/90 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/91 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/92 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/93 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/94 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/95 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/96 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/97 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/98 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/99 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/100 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/101 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/102 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/103 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/104 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/105 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/106 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/107 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/108 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/109 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/110 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/111 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/112 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/113 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/114 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/115 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/116 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/117 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/118 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/119 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/120 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/121

TABLE. SUPPLEMENT AU TRAITÉ DE LA MANIERE D’ENSEIGNER ET D’ETUDIER LES BELLES LETTRES.

Avant-propos. page 1

CHAP. 1.
DEs exercices qui conviennent aux Enfans dans l’âge le plus tendre.

§. I. A quel âge on peut commencer à faire étudier les enfans. Ibid.

§. II. De la Lecture & de l’Ecriture. 8

§. III. Etude du Catéchisme Historique. 22

§. IV. Les Fables de la Fontaine. 30

§. V. La Géographie. 31

§. VI. La Grammaire Françoise. 36 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/123 Page:Rollin - Suplement au Traité de la maniere d’enseigner et d’étudier les belles Lettres, 1734.pdf/124

  1. Quidam litteris instituendos, qui minores septem annis essent, non put putaverunt ; quôd, illa prima ætas & intellectum disciplinarum capere, & laborem pati non possit. Quintil. liv. 1. cap. 1.
  2. Cur autem non pertineat ad literas ætas, quæ ad mores jam pertinet ?
  3. Cur hoc, quantulumcunque est, lucrum fastidiamus ?... Hoc per singulos annos prorogatum, in summam proficit ; &, quantum in infantia præsumptum est temporis, adolescentiæ acquiritur.
  4. Nec sum adeo ætatum imprudens, ut instandum teneris protinus acerbè putem, exigendamque plenam operam… Lusus hic sit. Et rogetur & laudetur, & non numquam fecisse se gaudeat.
  5. Ii versus, qui ad imitationem scribendi proponentur, non otiosas velim sententias habeant,sed honestum aliquid monentes. Prosequitur haec memoria in senectutem, & impressa animo rudi usque ad mores proficiet. Quintil. lib. 1. cap. 1.
  6. syllabas jungat ad praemium, & quibus illa ætas deliniri potest, munusculis invitetur. Habeat & in discendo socias, quibus invideat, quarum laudibus mordeatur Non objurganda est, si tardior sit, sed laudibus excitandum est ingenium, ut & vicisse gaudeat, & victa doleat. Cavendum inprimis ne oderit studia ; ne amaritudo eorum, præcepta in infantia, ultra rudes annos transeat. s. Hieron. lib. 2. Epist. 1. ad Laetam.