Résolution 47 du Conseil de sécurité des Nations unies

 
   DP-ONU


Résolutions et décisions du conseil de sécurité, 1948ONU (p. 8-13).
47 (1948). Résolution du 21 avril 1948
[S/726]

Le Conseil de sécurité,

Ayant examiné la plainte du Gouvemement de l’Inde relative au différend concernant l’Etat de Jammu et Cachemire,

Ayant entendu les déclarations faites par le représentant de l’Inde à l’appui de cette plainte ainsi que la réponse et les plaintes reconventionnelles du représentant du Pakistan,
Etant fermement d’avis que le prompt rétablissement de la paix et de l’ordre public dans l’Etat de Jammu et Cachemire est d’importance primordiale, et que l’Inde et le Pakistan devraient user de tout leur pouvoir pour amener la cessation complète des hostilités,

Notant avec satisfaction que l’Inde et le Pakistan désirent également que la question du rattachement de l’Etat de Jammu et Cachemire à l’Inde ou au Pakistan soit tranchée démocratiquement par un plébiscite libre et impartial,

Considérant que la continuation du différend risque de mettre en danger la paix et la sécurité internationales,

Réaffirme sa résolution 38 (1948) du 17 janvier 1948 ;

Décide que le nombre des membres de la Commission créée en vertu de sa résolution 39 (1948) du 20 janvier 1948 doit être porté à cinq et comprendre, en plus des membres mentionnés dans ladite résolution, les représentants de ... et ... et que, si les cinq postes de la Commission n’ont pas été pourvus dans les dix jours qui suivront l’adoption de la présente résolution, le Président du Conseil pourra désigner un ou plusieurs Membres de l’Organisation des Nations Unies pour compléter l’effectif de la Commission ;

Invite la Commission à se rendre immédiatement dans le sous-continent indien et à offrir ses bons offices ainsi que sa médiation aux Gouvemements de l’Inde et du Pakistan en vue de rendre plus facile à ces gouvernements --- agissant tous deux de concert ainsi qu’en collaboration avec la Commission --- la tâche de prendre les mesures nécessaires à la fois pour rétablir la paix et l’ordre public et pour organiser un plébiscite ; invite, en outre, la Commission à tenir le Conseil au courant de toute action entreprise en vertu de cette résolution ; et, à cette fin,

Recommande aux Gouvernements de l’Inde et du Pakistan les mesures suivantes que le Conseil estime propres à amener la cessation des hostilités et à créer les conditions nécessaires à un plébiscite libre et impartial sur la question de savoir si l’Etat de Jammu et Cachemire doit être rattaché à l’Inde ou au Pakistan :

A. Rétablissement de la paix et de l’ordre public

1. Le Gouvernement du Pakistan devrait prendre l‘engagement de faire tous ses efforts :

a) Pour assurer l’évacuation de l’Etat de Jammu et Cachemire par les membres des tribus et les ressortissants du Pakistan qui ne résident pas normalement dans cet Etat ou qui y ont pénétré dans le but de combattre et, d’autre part, pour empêcher l’entrée dans l’Etat de tels éléments ainsi que tout apport d’aide matérielle aux individus combattant à l’intérieur de l’Etat ;

b) Pour faire savoir à tous les intéressés que les mesures mentionnées dans ce paragraphe, ainsi que dans les paragraphes suivants, assurent à tous les sujets de l’Etat, sans considération de croyance, de caste ou de parti, liberté complète d’exprimer leurs opinions et de voter sur la question du rattachement de l’Etat et qu’en conséquence il est du devoir desdits sujets de collaborer au maintien de la paix et de l’ordre public.

2. Le Gouvernement de l’Inde devrait : a) Lorsque la Commission créée aux termes de la résolution 39 (1948) du Conseil aura estimé établi le fait que les membres des tribus évacuent le territoire et que les dispositions prises en vue de mettre fin aux hostilités ont été mises en vigueur, procéder, en consultation avec la Commission, à l’exécution d’un plan assurant l’évacuation par ses propres forces de l’Etat de Jammu et Cachemire et la réduction progressive de ces forces au minimum nécessaire pour aider les autorités civiles à maintenir la paix et l’ordre public ;

b) Faire savoir que l’évacuation a lieu progressivement et annoncer l’achèvement de chaque phase de ce plan ;

c) Lorsque les forces indiennes auront été ramenées à l'effectif minimum mentionné à l’alinéa a ci-dessus, prendre, en consultation avec la Commission, toutes dispositions pour que les troupes restantes soient cantonnées conformément aux principes suivants, de sorte que :

i) La présence de troupes ne constitue ni ne semble constituer un acte d’intimidation pour les habitants de l’Etat ; ii) Des effectifs aussi réduits que possible soient maintenus dans les zones avancées ; iii) Toutes les troupes de réserve qui pourraient être comprises dans l'effectif total soient cantonnées à l’intérieur de leur zone de garnison actuelle.

3. Le Gouvernement de l’Inde devrait accepter que, jusqu’au moment où l'administration chargée du plébiscite, mentionnée ci-dessous, estimera nécessaire d’exercer les pouvoirs de direction et de contrôle sur les forces et la police de l’Etat ainsi qu’il est prévu au paragraphe 8, ces forces soient cantonnées dans des zones déterminées après accord avec l’administrateur du plébiscite.

4. Lorsque le plan visé au paragraphe 2, alinéa a, ci-dessus sera en voie d’exécution, le personnel recruté localement dans chaque district devrait, autant que possible, être employé au rétablissement et au maintien de l’ordre public, compte dûment tenu de la protection des minorités, sous réserve des prescriptions supplémentaires qui pourraient être stipulées par l'administration chargée du plébiscite, mentionnée au paragraphe 7.

5. Dans le cas où ces forces locales seraient jugées insuffisantes, la Commission, sous réserve de l’accord du Gouvernement de l’Inde aussi bien que du Gouvernement du Pakistan, devrait prendre des dispositions pour l’utilisation des forces de chacun des deux Dominions de la façon qu’elle jugerait la plus propre à assurer le rétablissement de la paix et de l’ordre public.

B. Plébiscite

6. Le Gouvernement de l’Inde devrait s’engager à faire en sorte que le Gouvemement de l’Etat invite les principaux groupes politiques à désigner des représentants responsables pour prendre part, d’une manière équitable et complète, à la direction des affaires administratives à l’échelon ministériel pendant la préparation et la conduite du plébiscite.

7. Le Gouvernement de l’Inde devrait s’engager à établir le plus tôt possible, dans l’Etat de Jammu et Cachemire, une administration chargée du plébiscite sur la question du rattachement de l’Etat à l’Inde ou au Pakistan.

8. Le Gouvernement de l’Inde devrait s’engager à faire déléguer par l’Etat à l’administration chargée du plébiscite tous les pouvoirs que cette dernière jugerait nécessaires pour tenir un plébiscite loyal et impartial, notamment, et exclusivement à cette fin, la direction et le contrôle des forces armées et de la police de l’Etat.

9. Le Gouvernement de l’Inde devrait mettre à la disposition de l’administration chargée du plébiscite, sur la demande de cette dernière, l’assistance des forces armées indiennes dont l’administration chargée du plébiscite pourrait avoir besoin pour remplir ses fonctions.

10. a) Le Gouvernement de l’Inde devrait accepter de nommer une personne présentée par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies au poste d’administrateur du plébiscite.

b) L’administrateur du plébiscite, agissant en qualité de fonctionnaire de l’Etat de Jammu et Cachemire, devrait avoir pleins pouvoirs pour désigner ses adjoints et autres subordonnés et pour rédiger le règlement régissant le plébiscite. L’Etat de Jammu et Cachemire devrait confirmer en bonne et due forme lesdites nominations et devrait promulguer en bonne et due forme ledit projet de règlement.

c) Le Gouvernement de l’Inde devrait s’engager à faire nommer par le Gouvernement de Jammu et Cachemire des personnes pleinement qualifiées, désignées par l’administrateur du plébiscite, pour exercer les fonctions de juges spéciaux dans le régime judiciaire de l’Etat et pour connaître, en cette qualité, des cas susceptibles d’avoir, de l’avis de l’administrateur du plébiscite, de graves répercussions sur la préparation et la conduite d’un plébiscite libre et impartial.

d) Les conditions d’engagement de l’administrateur devraient faire l’objet de négociations séparées entre le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement de l’Inde. L’administrateur devrait fixer les conditions d’engagement de ses adjoints et subordonnés.

e) L’administrateur devrait avoir le droit de communiquer directement avec le Gouvernement de l’Etat ainsi qu’avec la Commission du Conseil de sécurité et, par l’entremise de celle-ci, avec le Conseil de sécurité, avec les Gouvernements de l’Inde et du Pakistan et avec leurs représentants auprès de la Commission. Il devrait avoir pour mission de porter à la connaissance des organismes ou des personnes précitées ou de ceux d’entre eux auxquels il jugerait utile de le faire tous les faits qui pourraient tendre, à son avis, à entraver la liberté du plébiscite.

11. Le Gouvernement de l’Inde devrait s’engager à prendre les mesures et à aider sans réserves l’administrateur et son personnel à prendre les mesures nécessaires pour empêcher toute menace, contrainte ou intimidation, corruption ou autre influence illégitime dont pourraient être victimes les électeurs prenant part au plébiscite ; et le Gouvernement de l’Inde devrait publier officiellement, et faire publier par le Gouvemement de l’Etat, cet engagement comme une obligation internationale liant toutes les autorités publiques et tous les fonctionnaires de l’Etat de Jammu et Cachemire.

12. Le Gouvernement de l’Inde, directement ou par l’intermédiaire du Gouvernement de l’Etat, devrait annoncer et faire savoir à tous les sujets de l’Etat de Jammu et Cachemire qu’ils jouiront, sans considération de croyance, de caste ou de parti, de toute sécurité et de toute liberté lorsqu’ils exprimeront leur opinion et qu’ils voteront sur la question du rattachement de l’Etat, et qu’il y aura liberté de la presse, liberté de parole et de réunion et liberté de circulation dans l’Etat, y compris la liberté d’entrer et de sortir légalement du territoire.

13. Le Gouvernement de l’Inde devrait s’efforcer, et faire en sorte que le Gouvemement de l’Etat s’efforce également, de faire sortir de l’Etat tous les ressortissants indiens à l’exception de ceux qui y ont leur résidence normale ou qui, depuis le 15 août 1947, y ont pénétré à des fins légales.

14. Le Gouvemement de l’Inde devrait faire en sorte que le Gouvernement de l’Etat relâche tous les prisonniers politiques et prenne toutes mesures possibles pour garantir : a) Que tous les citoyens de l’Etat qui ont quitté l’Etat en raison des troubles soient invités, en toute liberté, à regagner leur domicile et à exercer leurs droits de citoyens de cet Etat ;

b) Qu’il n’y ait pas de représailles contre les individus ;

c) Qu’une protection suffisante soit accordée aux minorités dans toutes les parties de l’Etat.

15. A la fin du plébiscite, la Commission du Conseil de sécurité devrait faire savoir au Conseil si le plébiscite a ou n’a pas été réellement libre et impartial.

C. Dispositions générales

16. Les Gouvernements de l’Inde et du Pakistan devraient être invités à désigner, chacun, un représentant à la Commission pour lui fournir toute l’assistance dont celle-ci aurait besoin dans l’accomplissement de sa tâche.

17. La Commission devrait installer dans l’Etat de Jammu et Cachemire les observateurs dont elle pourrait avoir besoin pour observer l’une quelconque des phases du plébiscite, conformément aux mesures indiquées aux paragraphes précédents.
18. Il devrait incomber à la Commission du Conseil de sécurité de s'acquitter des tâches qui lui sont assignées par les présentes.

Adoptée à la 286e séance[1].

  1. Le projet de résolution a été mis aux voix paragraphe par paragraphe. Il n’y a pas eu de vote sur l’ensemble du texte.