Les Fleurs du mal (1861)/Le Vin du solitaire

LE VIN
Les Fleurs du mal (1861)Poulet-Malassis et de Broise (p. 252-253).

CVII

LE VIN DU SOLITAIRE



Le regard singulier d’une femme galante
Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante ;

Le dernier sac d’écus dans les doigts d’un joueur ;
Un baiser libertin de la maigre Adeline ;
Les sons d’une musique énervante et câline,
Semblable au cri lointain de l’humaine douleur,


Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde,
Les baumes pénétrants que ta panse féconde
Garde au cœur altéré du poëte pieux ;

Tu lui verses l’espoir, la jeunesse et la vie,
— Et l’orgueil, ce trésor de toute gueuserie,
Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux !