Le Bhâgavata Purâna/Livre IV/Chapitre 16

◄  XV.
XVII.  ►

CHAPITRE XVI.

ÉLOGE DE PRǏTHU.


1. Mâitrêya dit : Pendant que le roi parlait ainsi, les Bardes, excités par les solitaires, chantèrent ses louanges, la joie dans le cœur, et pleins d’admiration pour ses paroles, semblables à l’ambroisie.

2. Nous ne sommes pas capables, [s’écrièrent-ils,] de célébrer ta grandeur, ô toi en qui s’est incarné, à l’aide de sa Mâyâ, le souverain des Dieux ; les hauts faits du héros né du corps de Vêna ont troublé l’esprit même des maîtres de l’éloquence.

3. Pleins d’admiration cependant pour l’ambroisie des histoires de Prǐthu, de ce prince illustre, portion incarnée de la substance de Hari, excités par les solitaires, nous décrivons, comme il nous est ordonné, ses merveilleuses actions.

4. Il est le premier des soutiens de la loi ; il fait vivre le monde dans la justice, défendant les digues qui la protègent, et punissant ceux qui les franchissent.

5. Seul il réunit dans son propre corps les énergies corporelles de tous les Gardiens de l’univers, distribuant, selon le temps, aux deux mondes la part de biens dont chacun a besoin.

6. Semblable au soleil souverain qui luit également pour tous les êtres, il recueille et distribue la richesse en son temps.

7. Constamment ému de pitié pour les malheureux, le fils de Vêna supporte avec la patience de la terre les importunités de ceux même qui le foulent, pour ainsi dire, sous leurs pieds.

8. Ce prince, qui est Hari lui-même sous la forme d’un roi, saura, quand le Dieu du ciel refusera de pleuvoir, protéger, comme Indra, ses sujets réduits à une existence difficile.

9. Il comble le monde de bonheur en lui montrant son visage, qui ressemble à l’astre dont la forme est l’ambroisie, où brille un regard plein de bienveillance et qu’embellit un sourire pur.

10. Dérobant sa marche à tous les regards, ne laissant pas deviner ses actions, concevant de profonds desseins, cachant ses richesses, Prĭthu, ce trésor unique des qualités infinies de la grandeur, est comme le Dieu de l’Océan qui se contient lui-même.

11. Sorti de Vêna, comme du bois de l’Araṇi, ce feu, dont l’abord est difficile et le contact intolérable, est, lorsqu’on l’approche, aussi indomptable que si l’on s’en tenait éloigné.

12. Connaissant, au moyen de ses émissaires, les actions extérieures et intérieures de tous les êtres, le roi y reste aussi indifférent que Vâyu, le témoin suprême des cœurs dont il est l’âme.

13. Il ne punit pas l’innocent, fût-ce le fils d’un de ses ennemis ; il punit son propre fils lui-même, s’il est coupable, persistant ainsi dans la voie de la justice.

14. L’autorité de Prĭthu ne rencontre pas d’obstacles depuis la montagne du lac Mânasa jusqu’aux lieux que le divin soleil éclaire de ses rayons.

15. Comme il doit s’attirer l’amour du monde par ses actions, les peuples, obéissant à l’affection de leur cœur, l’ont nommé Râdjan.

16. Car il sera exact observateur de ses devoirs, fidèle à sa parole, ami des Brâhmanes, respectueux pour les vieillards, secourable pour tous les êtres, attentif à honorer chacun, et compatissant pour les malheureux.

17. Il traitera la femme d’un autre avec le respect d’un fils pour une mère, sa propre femme comme la moitié de lui-même, ses sujets avec l’affection d’un père pour ses enfants, et les sages qui expliquent le Vêda, avec la soumission d’un esclave.

18. Il sera pour chacun plus cher que son cœur même ; il augmentera le bonheur de ses amis ; il n’aura d’attachement que pour ceux qui n’en ont pour rien ; il frappera de son sceptre les méchants.

20. Oui, ce prince est Bhagavat, qui s’est incarné avec une portion de sa substance ; c’est le maître des trois qualités, l’Esprit immuable, au sein duquel se montre la diversité des êtres, qui malgré son apparente réalité, n’est qu’un vain produit de l’ignorance.

20. Souverain maître des rois, héros incomparable, il protégera la terre depuis la montagne de l’Orient [jusqu’à ses extrémités] ; monté sur son char victorieux, l’arc en main, il fera le tour du monde, comme le soleil, en le laissant à sa droite.

21. Les rois et les Gardiens du monde lui présenteront en tous lieux l’offrande ; leurs femmes, célébrant sa gloire, reconnaîtront pour le premier des rois celui dont l’arme est le Tchakra.

22. Monarque souverain, chef des créatures, il a trait la terre comme on trait une vache, pour assurer la subsistance de son peuple ; et semblable à Indra, brisant, en se jouant, les montagnes avec le bout de son arc, il a su aplanir la surface de la terre.

23. Quand, semblable au lion qui redresse sa queue, il parcourut le monde en faisant retentir son arc de corne, invincible dans le combat, les méchants s’enfuirent vers tous les points de l’horizon.

24. Il offrit cent fois le sacrifice du cheval, où se montra Sarasvatî ; mais pendant la dernière de ces cérémonies, le vainqueur de Pura, le Dieu aux cent sacrifices, lui déroba la victime.

25. S’étant rendu auprès du bienheureux Sanatkumâra, qui était seul dans le jardin de son palais, et l’ayant honoré avec dévotion, Prǐthu en reçut cette science pure par laquelle on connaît Brahma, l’Être suprême.

26. Dans tous les lieux, comme dans tous les discours, Prĭthu, dont les hauts faits sont si célèbres et dont l’héroïsme est répandu au loin, n’entendra que des hymnes dont il sera l’objet.

27. Vainqueur de l’univers entier, ne voyant nulle part d’obstacle à son pouvoir, ayant déraciné par sa vigueur les épines du monde, entendant célébrer sa grandeur par les chefs des Suras et des Asuras, il sera le maître de la terre.


FIN DU SEIZIÈME CHAPITRE, AYANT POUR TITRE :
ÉLOGE DE PRǏTHU,
DANS LE QUATRIÈME LIVRE DU GRAND PURÂṆA,
LE BIENHEUREUX BHÂGAVATA,
RECUEIL INSPIRÉ PAR BRAHMÂ ET COMPOSÉ PAR VYÂSA.