L'oisiveté
Traduction M. Charpentier - F. Lemaistre, 1860.



[0] DU REPOS ou DE LA RETRAITE DU SAGE.

[28] XXVIII. --- Les cirques par un grand assentiment nous recommandent les vices. Quand même nous ne voudrions qu'essayer d'un préservatif, la retraite nous assurera par elle-même un profit ; isolés, nous serons meilleurs. Dira-t-on qu'il est permis de se retirer auprès des hommes les plus vertueux, et de choisir un modèle, sur lequel on, règle sa vie? Cela ne se fait qu'au sein du repos. Alors, on peut obtenir ce qu'on a une fois trouvé bon, du moment qu'il n'intervient personne, qui influant sur le jugement encore faible, avec l'assistance de la multitude, le détourne de son but ; alors, peut s'avancer d'un pas égal et soutenu cette vie, que par les projets les plus divergents nous coupons en morceaux. Certes, de tous nos maux le plus grand, c'est que nous changeons, même de vices ; de cette manière, nous n'avons seulement pas l'avantage de persister dans un mal déjà familier. Un mal vient après l'autre nous séduire, et pour surcroît de torture, nos jugements sont tout a la fois dépravés et capricieux. Jouets des flots, nous embrassons les objets,

en les saisissant l'un après l'autre: ce que nous avons cherché, nous l'abandonnons ; ce que nous avons abandonné, nous le cherchons de nouveau : chez nous, se succèdent alternativement les désirs et le repentir. Nous dépendons, en effet, tout entiers des jugements d'autrui, et ce qui nous semble être le meilleur, c'est ce qui est recherché, ce qui est vanté par beaucoup de personnes, non pas ce qu'il faut vanter et rechercher. A nos yeux, une route est bonne ou mauvaise, non par elle-même, mais d'après la multitude des traces, parmi lesquelles il n'en est aucune de gens qui reviennent.

Vous me direz : «Que fais-tu, Sénèque ? tu désertes ton parti. Assurément, les stoïciens de votre école disent: Jusqu'au dernier terme de la vie, nous serons en action, nous ne cesserons de travailler au bien public, d'assister chacun en particulier, de porter secours, même à nos ennemis, d'une main obligeante. C'est nous, qui pour aucun âge ne donnons d'exemption de service, et qui, suivant l'expression de ce guerrier si disert, « pressons nos cheveux blancs sous le casque. » C'est pour nous, que, loin qu'il y ait rien d'oisif avant la mort, bien au contraire, si la chose le comporte, la mort elle-même n'est pas oisive. Que viens-tu nous parler des commandements d'Épicure, dans le camp même de Zénon ? Que n'as-tu le courage, si tu renonces à ton parti, de te faire transfuge, plutôt que traître? » Voici, pour le moment, ce que je vous répondrai: Est-ce que vous me demandez quelque chose de plus, que de me rendre semblable à mes chefs? Eh bien ! ce sera, non pas où ils m'auront envoyé, mais où ils m'auront conduit, que j'irai.

[29] XXIX. Maintenant, je vous prouverai que je ne déserte pas la doctrine des stoïciens : car eux-mêmes ils n'ont pas déserté celle qu'ils professent; et cependant, je serais très excusable, quand je suivrais, non pas leurs préceptes, mais leurs exemples. Ce que j'ai à vous dire, je le diviserai en deux parties. D'abord, j'établirai que l'on peut, même dès le bas âge, se livrer tout entier à la contemplation de la vérité, chercher une manière de vivre, et la mettre en pratique, en se tenant à l'écart. Ensuite, j'établirai qu'après avoir achevé son temps de service, dans un âge avancé, on est, plus que jamais, en droit d'agir ainsi, et de reporter son âme vers d'autres oeuvres : on fait alors comme les vierges de Vesta, qui, partageant leurs années entre les diverses fonctions, apprennent à célébrer les cérémonies sacrées, et quand elles l'ont appris, l'enseignent aux autres.

[30] XXX. Telle est aussi l'opinion des stoïciens, je le démontrerai. Ce n'est pas que je me sois fait une loi de ne rien hasarder contre le dire de Zénon ou de Chrysippe; mais, la nature même de la chose comporte que je me range de leur avis : suivre toujours l'opinion d'un seul, c'est le propre, non pas d'un sénat, mais d'une faction. Plût à Dieu, j'en conviens, que déjà l'on connût tout, et que la vérité, sans voile, fût généralement avouée! Dans les décrets nous ne ferions nul changement : aujourd'hui, nous cherchons la vérité, avec ceux mêmes qui l'enseignent.

Deux sectes principales sont en discord sur ce point, celle des épicuriens, et celle des stoïciens; mais, l'une et l'autre, elles envoient au repos, par des chemins différents. Épicure dit. « Le sage n'approchera point des affaires publiques, à moins d'y avoir été poussé par quelque circonstance. » Zénon dit : « Le sage approchera des affaires publiques, à moins d'en avoir été empêché. » Le premier fait résulter le repos, d'une résolution prise d'avance ; le second le déduit d'une cause accidentelle. Or, cette cause embrasse une grande étendue : si l'état est trop corrompu pour que l'on puisse le secourir, s'il est envahi par les méchants, le sage ne fera point des efforts qui seraient superflus; il n'ira pas non plus, sans pouvoir servir à rien, se consumer, s'il n'a que peu d'autorité ou de forces; d'un autre côté, l'état ne devra point l'admettre au maniement des affaires, s'il est d'une santé qui s'y oppose. Comme le sage ne lancerait pas à la mer un vaisseau fracassé, comme il ne s'enrôlerait pas pour la guerre, étant débile, de même, s'il est question d'une vie qu'il saura ne pas lui convenir, il n'en approchera point.

Ainsi donc, celui pour lequel toutes choses sont encore entières peut aussi, avant de subir l'épreuve d'aucune tempête, se tenir en un lieu de relâche, et de prime abord, se confier à un nouvel apprentissage; il peut couler, tous ses jours dans ce repos heureux, en cultivant les vertus, qui sont susceptibles d'être pratiquées, même par les gens les plus tranquilles. Voici, en effet, ce qui est exigé de l'homme : c'est qu'il soit utile aux hommes; s'il se peut, à beaucoup; s'il se peut moins, à quelques-uns ; si moins, aux plus proches ; si moins encore, à lui-même. Oui, lorsqu'il se met en état de servir les autres, c'est de l'affaire commune, qu'il s'occupe. Comme celui qui se rend plus vicieux, ne se nuit pas à lui seul, mais nuit encore à tous ceux que, devenu meilleur, il aurait pu servir, de même, si quelqu'un mérite bien de sa propre personne, en cela il sert les autres, parce qu'il prépare un homme qui les servira.

[31] XXXI. Embrassons par la pensée deux républiques : l'une est grande et vraiment chose publique ; elle renferme les dieux et les hommes; là, ce n'est pas à tel ou tel coin de la terre, que nous avons égard, c'est par le cours entier du soleil, que nous mesurons les confins de notre cité ; l'autre est la république à laquelle nous attacha le sort de notre naissance. Cette dernière sera celle, ou d'Athènes, ou de Carthage, ou de quelque autre ville qui n'ait pas rapport à tous les hommes, mais qui n'en concerne qu'un certain nombre. Quelquesuns travaillent en même temps pour l'une et pour l'autre république, pour la grande et pour la petite; d'autres, seulement pour la petite ; d'autres, seulement pour la grande.

Cette grande république, nous pouvons la servir tout aussi bien au sein du repos, je ne sais même si ce n'est mieux, en examinant les questions que voici : Qu'est-ce que la vertu ? en est-il une seule, ou plusieurs? Est-ce la nature, ou l'art, qui fait les gens de bien ? Est-il unique, ce corps qui embrasse les mers et les terres, et les êtres accessoirement unis, soit à la mer, soit à la terre, ou bien, Dieu a-t-il semé dans l'espace beaucoup de semblables corps? Est-ce un tout continu et plein, que la matière de laquelle sont formés tous les êtres en naissant, ou bien, est-elle distribuée çà et là, et le vide a-t-il été incorporé aux solides ? Dieu, restant assis devant son ouvrage, le considère-t-il, ou bien, le met-il en action? Dieu est-il répandu au dehors et tout autour, ou bien, intimement lié à l'ensemble? Le monde est-il immortel, ou bien, est-ce parmi les choses périssables, et nées pour un temps, qu'il faut le compter?

Celui qui se livre à de telles contemplations, quel mérite a-t-il envers Dieu ? le mérite d'empêcher que ses oeuvres si grandes ne restent sans témoins. Nous avons coutume de dire que le souverain bien est de vivre selon la nature : cela posé, la nature nous a engendrés pour l'un et pour l'autre objet, pour la contemplation des choses, et pour l'action.

[32] XXXII. Maintenant, prouvons ce que nous avons dit en premier lieu. Eh bien ! ne sera-ce pas prouvé, si chaque homme se consulte lui-même, pour vérifier quel vif désir il a de connaître ce qu'il ne connaît pas, quel intérêt tout récit éveille en lui ? Il est des gens qui naviguent et qui endurent les fatigues des voyages les plus longs, pour le seul avantage de connaître quelque chose de caché et d'éloigné. Voilà ce qui attire les peuples en foule vers les spectacles ; voilà ce qui fait percer des voies dans les espaces fermés, fouiller dans les réduits secrets, dérouler les antiquités, étudier les moeurs des nations barbares. C'est un esprit curieux, que la nature nous a donné : pleine du sentiment de son industrie et de sa beauté, elle nous a engendrés pour être spectateurs de si grands spectacles; elle perdait le fruit d'elle-même, si des ouvrages si grands, si éclatants, si artistement conduits, si achevés, des ouvrages toujours divers et toujours beaux, elle ne les montrait qu'à la solitude. Pour que vous sachiez bien qu'elle veut des spectateurs, et non pas un simple coup d'oeil, voyez quel poste elle nous assigna. C'est au milieu d'elle-même, qu'elle nous a établis, et elle nous a donné de voir tous les êtres autour de nous. Elle ne s'est pas bornée à poser l'homme tout droit ; mais, comme elle le destinait encore à la contemplation, voulant qu'il eût la faculté de suivre les astres dans leur cours, depuis le lever jusqu'au coucher, et de tourner le visage à mesure que tourne l'univers, elle lui a fait une tête haute, qu'elle a placée sur un cou flexible. Ensuite, elle a produit sur la scène les signes, au nombre de six pendant le jour, de six pendant la nuit. Point de partie d'elle-même, qu'elle n'ait déployée. C'est que, par le moyen des objets qu'elle avait offerts à la vue, elle voulait encore faire désirer les autres. En effet, nous ne voyons pas tous les objets, nous ne les voyons pas aussi grands qu'ils le sont ; mais notre regard se fraie le chemin en suivant des traces, et jette les fondements de la vérité, afin que la recherche passe de ce qui est découvert à ce qui reste obscur, et trouve quelque chose de plus ancien que le monde lui-même.

D'où ces astres sont-ils sortis? quel fut l'état de l'univers; avant que les êtres allassent, chacun de leur côté, constituer des parties diverses? quelle raison sépara les choses plongées dans la confusion ? qui leur assigna des places? est-ce d'eux-mêmes et naturellement, que les corps pesants sont descendus, que les corps légers ont pris l'essor pour s'envoler? ou bien, malgré la tendance et le poids des corps, quelque force plus relevée leur a-t-elle fait la loi? ou bien, est-il vrai, ce qui prouve le mieux que l'homme est animé d'un esprit divin, est-il vrai qu'une partie et comme quelques étincelles du feu sacré aient jailli pour tomber sur la terre, et se soient fixées en un lieu étranger ?

Notre pensée force les remparts du ciel et ne se contente pas de savoir ce qui lui est montré. Ce que je scrute, dit-elle, c'est ce qui se trouve au delà du monde ? Est-ce une étendue infinie, ou bien, cela même est-il enfermé dans ses bornes? Quel aspect ont les choses du dehors? sont-elles informes, confuses, ou bien, occupent-elles un même espace dans toutes leurs dimensions, ou bien, sont-elles aussi disposées symétriquement pour une certaine élégance ? tiennent-elles à ce monde, ou bien, en sont-elles séparées par un long intervalle, et roulent-elles dans le vide? est-ce par le moyen de molécules indivisibles, que s'opère la structure de tout ce qui est né, de tout ce qui sera, ou bien, la matière des corps est-elle continue, et sujette à changer dans sa totalité? les éléments sont-ils opposés entre eux, ou bien, sans se combattre, concourent-ils aux mêmes effets par des voies différentes?

L'homme étant né pour de telles recherches, jugez combien c'est peu de chose, que le temps qui lui est donné, lors même qu'il se le réserve tout entier. Admettons que la complaisance n'en laisse rien dérober, ni la négligence rien perdre, qu'il ménage les heures avec une extrême avarice, qu'il s'avance jusqu'aux dernières limites de la vie humaine, que rien de ce que la nature lui a constitué ne soit bouleversé par la fortune; malgré cela, homme qu'il est, pour la connaissance des choses immortelles il est trop mortel.

Ainsi donc, c'est selon la nature, que je vis, si je me suis donné à elle tout entier, si je suis son admirateur et son adorateur. Or, la nature a voulu que je remplisse les deux fonctions, celle d'agir, et celle de vaquer à la contemplation. Je remplis l'une, et l'autre: car, la contemplation même n'existe pas sans l'action. Mais il faut savoir, dites-vous, si l'on s'est porté vers la première à cause du plaisir, pour ne chercher en elle, qu'une assidue contemplation, sans résultat ; celle-ci, en effet, est douce, elle a ses attraits. A cela, je vous repoudrai : il faut également savoir, avec quelle intention vous menez la vie de citoyen : est-ce pour vivre toujours agité, sans jamais prendre le temps de reporter vos regards des choses humaines vers les choses divines ? Former des désirs sans aucun amour des vertus, sans culture de l'esprit, et faire des œuvres toutes nues, ce n'est aucunement digne d'approbation ; car, de telles semences doivent être mêlées et répandues ensemble: de même, c'est un bien imparfait et languissant, qu'une vertu qui s'est jetée dans le repos, sans aucun acte, sans jamais montrer ce qu'elle a appris. Qui songe à nier qu'elle doive en pratiquant essayer ses progrès, non seulement penser à ce qu'il faut faire, mais encore mettre quelquefois la main à l'œuvre, et les projets qu'elle a médités, les réaliser par l'exécution ? Eh bien ! si ce n'est pas le sage lui-même, qui soit cause du retard, si ce qui manque n'est pas l'homme capable d'action, mais l'occasion d'agir, permettrez-vous au sage de se concentrer en lui-même: Dans quelle intention se consacret-il au repos ? c'est comme sachant bien que, seul avec lui-même, il fera encore des actes par lesquels il se rende utile à la postérité. Oui, nous le disons avec assurance, les Zénon, les Chrysippe, ont fait de plus grandes choses, que s'ils eussent conduit des armées, occupé des postes éminents, établi des lois; et des lois, ce n'est pas pour une cité seule, c'est pour le genre humain tout entier, qu'ils en ont établi. Quel motif y a-t-il donc, pour qu'il ne convienne pas à l'homme de bien de jouir d'un tel repos, d'un repos qui lui permette de gouverner les siècles futurs, et de porter la parole, non pas devant un petit nombre d'auditeurs, mais devant tous les hommes de toutes les nations quels qu'ils soient, quels qu'ils puissent être un jour?

Eu un mot, je le demande, est-ce d'après leurs préceptes, que vécurent Cléauthe, et Chrysippe, et Zénon? Sans contredit, vous répondrez qu'ils ont vécu comme ils avaient dit que l'on doit vivre. Or, aucun d'eux n'administra la république. « C'est qu'ils n'eurent pas, dites-vous, soit la fortune, soit le rang, que l'on a coutume d'admettre au maniement des affaires. » Mais, ces mêmes sages néanmoins ne menèrent pas une vie paresseuse ; ils trouvèrent moyen de rendre leur tranquillité plus utile aux hommes, que ne le sont les courses et les sueurs des autres. Aussi, n'en ont-ils pas moins passé pour avoir beaucoup agi, bien qu'à l'égard des affaires publiques ils fussent dans l'inaction.

De plus, il est trois genres de vie, entre lesquels on a coutume de chercher quel est le meilleur : l'un vaque au plaisir, l'autre à la contemplation, le troisième à l'action. D'abord, mettant de côté le débat, et cette haine implacable que nous avons jurée aux partisans des autres doctrines, voyons si tout cela n'arrive pas au même point, sous des titres différents. Ni celui qui approuve le plaisir n'est étranger à la contemplation, ni celui qui se livre à la contemplation n'est étranger au plaisir, ni celui dont la vie a été destinée à l'action n'est étranger â la contemplation.

« Il est bien différent, dites-vous, qu'une chose soit l'objet que l'on s'est proposé, ou qu'elle soit l'accessoire d'un autre objet. » Sans doute, grande est la différence : cependant, l'un des objets n'existe pas sans l'autre. Cet homme ne contemple pas sans action, pas plus que cet autre n'agit sans contemplation; et quant au troisième, que nous mésestimons d'un commun accord, ce n'est pas un plaisir inerte, qu'il approuve; c'est celui que, par le moyen de la raison, il rend stable pour son individu.

« Ainsi donc, s'écrie-t-on, cette secte même de voluptueux est en action! » Et pourquoi ne serait-elle pas en action, puisque Épicure lui-même dit que parfois il se détachera du plaisir, qu'il ira jusqu'à désirer la douleur, si au dessus du plaisir doit planer le repentir, ou s'il s'agit de prendre une douleur moindre, au lieu d'une douleur plus grave. « A quoi tend ce discours ? » A faire voir que la contemplation plaît à tous les hommes. Pour d'autres c'est le but; pour nous, c'est un lieu de relâche, et non pas un port. Joignez à cela, que d'après la loi de Chrysippe, il est permis de vivre au sein du repos, je ne dis point par résignation, mais par choix.

Ceux de notre école nient que le sage doive approcher des affaires d'aucune république. Mais qu'importe comment le sage arrive au repos, que ce soit, ou parce que la république lui manque, ou parce que lui-même il manque à la république ? Si la république doit manquer à tous, et elle manquera toujours à ceux qui la chercheront avec dédain, je demande dans quelle république le sage approchera des affaires. Sera-ce dans celle d'Athènes ? Là, Socrate est condamné ; Aristote, pour ne pas l'être, a fui ; là, l'envie opprime les vertus. Vous me nierez que le sage doive approcher des affaires de cette république. En ce cas, sera-ce dans la république de Carthage, que le sage approchera des affaires ? Là, ce n'est que sédition ; tout homme de bien a pour adversaire la liberté; il y règne, contre ceux d'un autre parti, une cruauté étrangère à tout sentiment humain, et les concitoyens mêmes y sont traités en ennemis. Cette république, le sage la fuira encore. Si je veux les passer toutes en revue, je n'en trouverai aucune qui puisse tolérer le sage, ou que le sage puisse tolérer. Si l'on ne la trouve pas, cette république, telle que nous l'imaginons, dès lors le repos devient un besoin pour tous, puisque la seule chose qu'il fût possible de préférer au repos n'existe nulle part.

Qu’un homme dise qu’on fait très bien de naviguer, qu’ensuite il nie qu’il faille naviguer sur une mer où des naufrages aient lieu ordinairement, où il s’élève souvent des tempêtes subites et capables d’emporter le pilote dans une direction contraire, cet homme-là, je crois, me défend de mettre à la voile, bien qu’il vante la navigation.