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Traduction par Benjamin Laroche.
Œuvres complètesVictor LecouPremière série : Poésies diverses — Childe-Harold (p. 11-12).
À CAROLINE.

Quand je t’entends exprimer une affection si vive, ne pense pas, ma bien-aimée, que je n’ajoute pas foi à tes paroles : tes lèvres désarmeraient le plus soupçonneux des mortels, et dans tes yeux brille un rayon qui ne saurait tromper.

Et pourtant mon cœur épris, tout en t’adorant, songe avec douleur que l’amour, comme la feuille, doit se faner un jour ; que la vieillesse viendra, et qu’alors, les larmes aux yeux, nous contemplerons à travers le voile des souvenirs les scènes de notre jeunesse ;

Qu’un temps viendra où les boucles de ta chevelure perdront leur couleur éclatante et flotteront plus rares au souffle de la brise, alors qu’il ne restera de ces tresses que quelques cheveux blancs, signe douloureux des infirmités de l’âge et du déclin de la nature.

C’est là, ma bien-aimée, ce qui rembrunit mes traits. Loin de moi cependant d’accuser d’injustice cette loi suprême qui soumet à la mort tout ce qui respire, et qui un jour doit me priver de toi !

Sceptique aimable, ne te méprends pas sur la cause de mon émotion : le doute ne peut arriver jusqu’au cœur de ton amant ; chacun de tes regards devient l’objet de son culte ; il suffit d’un sourire pour le charmer, d’une larme pour changer ses convictions.

Mais, ô ma douce amie ! puisque la mort doit tôt ou tard nous atteindre ; puisque nos cœurs, brûlant aujourd’hui d’une sympathie si vive, dormiront dans le sein de la terre pour ne s’éveiller qu’au jour où la trompette redoutable sonnera le réveil des morts ;

Eh bien ! savourons à longs flots le plaisir dont une passion telle que la nôtre est une source intarissable ; remplissons jusqu’aux bords la coupe de l’amour, et énivrons-nous de ce terrestre nectar.

1805