« L’Espion libertin ou le Calendrier du plaisir/06 » : différence entre les versions

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Dernière version du 21 octobre 2019 à 15:07

Au palais égalité (Gay et Doucé) (p. 45-52).
 Pâté des Italiens

L’Espion libertin, Bandeau de début de chapitre
L’Espion libertin, Bandeau de début de chapitre

PÂTÉ DES ITALIENS


Depuis la réunion des Italiens au théâtre Feydeau, les jolies femmes ont abandonné ce charmant séjour : quelques-unes sont restées pour les habitués.


L’espion libertin séparateur de paragraphe
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MARIETTE

est de ces dernières : elle demeure rue Favart.

C’est une très jolie femme ; elle est élancée ; sa peau est d’une blancheur éblouissante ; sa gorge ferme et bien séparée ; ses cuisses, rondes et potelées, sont deux colonnes couronnées par un portique étroit et touffu.

Pour s’en procurer l’entrée, il faut être joli garçon et un petit cadeau de six francs.


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ROSETTE

Dite la Jolie Personne ; pâté des Italiens, rue
Favart, même maison que Mariette, au second.

C’est une petite qui fit l’emploi de soubrette sur différents théâtres de cette ville, et partit ensuite pour la province où elle joua les jeunes premières, le tragique, le comique, le drame et l’opéra.

Elle avait retenu et mis en pratique ce vers de Voltaire :

« Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. »

Son théâtre du plaisir est richement décoré : en place de lustres et de quinquets, ce sont des vessies qui, au besoin, peuvent servir de lanternes ; son entrée est vaste et profonde ; ses couloirs sont très sombres ; mais, dit-on, c’est dans l’obscurité que se trouve le bonheur.

Si quelque amateur veut jouer le rôle d’amoureux avec Rosette, il donnera pour les frais de son spectacle, qui est prêt à tomber en ruines, la somme de six francs.


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VICTOIRE

Chez madame Lêvêque, Palais-Égalité, n° 113.

Victoire est une femme chatain clair ; elle déguise la couleur de ses cheveux par une perruque blonde à chignon, qui lui sied très bien. C’est une assez jolie femme, d’une belle tournure : sa gorge est bien séparée ; son port est noble ; sa taille est bien prise ; ses cuisses sont très fermes.

Elle perdit sa virginité, dit-on, chez un vieux qui, l’ayant surprise la fit monter dans son appartement ; et comme il n’était plus d’un âge à désirer longtemps, il porta, sur-le-champ, la main sous ses jupes. Mais un cri perçant, — c’était celui de l’innocence — et mal articulé, lui dit d’un son de voix langoureux :

— Mais, monsieur, et mon honneur ?…

— Je le cherche, répondit aussitôt notre libertin.

Et par cette saillie il lui arracha la fleur la plus précieuse à l’innocence.

Quel dommage qu’une si belle fille soit entourée de tant d’épines !

Pour connaître à fond l’honneur de l’innocente Victoire : six francs.


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MARCELINE

Dite l’Espagnole ; rue Neuve-des-Petits-Champs,
hôtel de ***

C’est une Espagnole qui parle plusieurs langues. Elle est grande, très élancée ; sa chevelure a été rouge, mais maintenant elle tire sur le blond.

Le croira-t-on, les dix-huit premiers mois qu’elle fit le commerce, elle resta pucelle : que ne l’est-elle encore !

C’est un colporteur qui, le premier, lui poussa la flèche d’amour : elle l’aimait beaucoup ; mais des circonstances que je tairai… lui ravirent son amant.

On la voit pour trois francs.


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NANETTE

Surnommée Julie ; rue Croix-des-Petits-Champs,
hôtel de ***.

Elle arriva à Paris avec un officier, dans le même état qu’une paysanne qui sort de sa province, avec une paire de sabots, un casaquin rouge…

Maintenant prêtresse de Vénus : mais quel langage ! Sous un écho trompeur, et sous le harnais d’une beauté moderne, gît une lourde paysanne qui a la plus grande envie d’être sur la liste des jolies femmes.

En arrivant à Paris, elle logea rue Saint-Denis, cul-de-sac B****. Elle avait un certain je ne sais quoi ; elle souffrait beaucoup, et dans ses moments de souffrance, elle prononçait ces mots de patois :

« Poui, ça me deugoûte. »

Il me reste à savoir si elle est toujours si dégoûtée.

Mais pour le savoir, on donnera trois francs.


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JULIE

Palais-Égalité, chez madame Nozat.

Julie est une petite tachée de rousseurs ; mais elle est assez bonne enfant, quoique avec une gorge très faible. Mais, en revanche, un bon caractère assez sociable ; mise assez proprement à l’extérieur.

Je laisse aux amateurs le soin de visiter l’intérieur : trois francs.


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JANNETTE

Rue Saint Nicaise, n° 4.

Oh ! Jannette, pourquoi quitter le séjour paisible du village pour habiter la ville ? Vos appas, quoique naissants, ne peuvent séduire tout au plus qu’un roturier, et non nos libertins policés : il faut pour plaire des grâces que vous n’avez point ; de l’esprit vous n’en avez point ; un air doux, aimable, séduisant ; en un mot, l’art de charmer les sens pour inspirer une passion brûlante.

Le désir est au village, le plaisir est à Paris ; il vaut mieux être idolâtrée, chérie au village, séjour paisible de l’innocence, que rebutée dans un pays où la perversité des hommes est à son comble, où l’intrigue est le mobile de leurs actions : le désir de tromper est chez eux une louange.

Fuyez, fuyez ; retournez au hameau ; ne vous faites point illusion du mérite des Grands : c’est un éclair qui ne brille qu’un instant. Écoutez mon avis, il est sage et prudent. Mon conseil vaut ce qu’un amateur vous donnera.

En attendant, recevez trois francs pour les frais de voyage.


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ADÈLE

Palais-Égalité, n° 121.

Quelle distraction ! j’oubliais que la petite Adèle est entretenue : c’est une véritable perte pour les connaisseurs. Mais comme la tranquillité n’a point d’appas pour toutes les femmes qui exerçent le métier de coquine, nous espérons, au premier jour, revoir l’aimable Adèle.

Nous nous empresserons d’en faire part aux amateurs du bon goût.


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ADÉLAÏDE

Chez madame Deval, Palais-Égalité, n° 160.

C’est cette Adélaïde qui, pour surcroît de malheur, alla alternativement de la Force à Pélagie ; de là aux Capucins où elle resta la cinquantaine bien comptée. Cela n’empêche point qu’un mal incurable circule dans ses veines, et qu’elle ne le procure à ces jeunes étourdis qui, plus légers que le vent, donnent dans le pot au noir, et, par ce moyen, vous empoisonne en donnant la somme de trois francs.


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MARGUERITE DESLAURIERS

Dite l’Allemande ; rue des Noyers,
faubourg Saint-Jacques.

Elle fait son commerce partout ; tous les endroits lui sont Dons. On voit souvent cette dégoûtante courtisane rôder sous les vestibules du Palais : c’est une grosse dont la figure bourgeonnée dénote plutôt une servante de Priape qu’une prêtresse de Vénus.

Elle a pour amant un militaire qu’elle entretient ; elle aime un peu les femmes ; quelquefois même elle fait les avances : en un mot, méfiez-vous de ses astuces, elle ne peut qu’induire en erreur les honnêtes gens qui, trompés par ses dehors, se laisseraient prendre dans ses filets.

six francs.


L’espion libertin séparateur de fin de chapitre
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