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62 GEORGE DE GUÉRIN. |
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galop dans les ombres spacieuses de la caverne, je m’efforçais |
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de découvrir dans les coups que je frappais au |
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vide, et par l’emportement des pas que j y faisais, vers |
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quoi mes bras devaient s’étendre et mes pieds m’emporter. |
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Depuis j’ai noué mes bras autour du buste des |
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centaures, et du corps des héros, et du tronc des chênes. ; |
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mes mains ont tenté les rochers, les eaux, les plantes |
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innombrables et les plus subtiles impressions de l’air, |
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car je les élève dans les nuits aveugles et calmes pour |
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qu’elles surprennent les souffies et en tirent des signes |
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pour augurer mon chemin ; mes pieds, voyez, ô Méampe, |
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comme ils sont usés Et cependant, tout glacé que |
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je suis dans ces extrémités de l’âge il est des jours où, |
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en pleine lumière, sur les sommets, j’agite de ces courses |
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de ma jeunesse dans la caverne, et, pour le même dessein, |
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brandissant mes bras et employant tous les restes |
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de ma rapidité. |
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Ces troubles alternaient avec de longues absences de |
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tout mouvement inquiet. Dès lors, je ne possédais plus |
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d’autre sentiment dans mon être entier que celui de la |
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croissance et des degrés» de vie qui montaient dans mon |
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sein. Ayant perdu l’amour de l’emportement et retiré |
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dans un repos absolu, je goûtais sans altération le bienfait |
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des dieux qui se répandait en moi. Le calme et les |
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ombres président au charme secret du sentiment de la |
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vie. Ombres qui habitez les cavernes de ces montagnes, |
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je dois à vos soins silencieux l’éducation cachée qui m’a |
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si fortement nourri et d’avoir, sous votre garde, goûté |
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la vie toute pure et telle qu’elle me venait sortant du |
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sein des dieux ! Quand je descendis de votre asile dans |
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la lumière du jour, je chancelai et ne la saluai pas, tar |
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elle s’empara de moi avec violence, m’enivrant comme |
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eût fait une liqueur funeste soudainement versée dans |
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mon sein, et j’éprouvai que mon être, jusque-là si ferme |
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et si simple, s’ébranlait et perdait beaucoup de lui-même, |
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comme s il eût dû se disperser dans les vents. |
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O Mélampe, qui voulez savoir la vie des centaures, |
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par quelle volonté dos dieux avez-vous été guidé vers |
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moi, le plus vieux et le plus triste de tous ? Il y a longtemps |
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que je n’exerce plus rien de leur vie. Je ne quitte |
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plus ce sommet de montagne où l’âge m’a confiné. La |
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pointe de mes flèches ne me sert plus qu’à déraciner les |
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plantes tenaces ; les lacs tranquilles me connaissent encore, |
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mais les neuves m’ont oublié. Je vous dirai quelques |
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points de ma jeunesse ; mais ces souvenirs, issus |
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(l’une mémoire altérée, se traînent comme les flots d’une |
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libation avare en tombant d’une urne endommagée. Je |
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vous ai exprimé aisément les premières années, parce |
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qu’elles furent calmes et parfaites ; c’était la vie seule et |
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simple qui m’abreuvait, cela se retient et se récite sans |
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peine. Un dieu, supplié de raconter sa vie, la mettrait |
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en deux mots, ô Mélampe ! 1 |
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L’usage de ma jeunesse fut rapide et rempli d’agitation. |
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Je vivais de mouvement et ne connaissais pas de |
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borne à mes pas. Dans la fierté de mes forces libres, |
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j’errais m’étendant de toutes parts dans ces déserts. Un |
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jour que je suivais une vallée où s’engagent peu les centaures, |
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je découvris un homme qui côtoyait le fleuve |
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sur la rive contraire. C’était le premier qui s’offrit à ma |
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vue ; je le méprisai. Voilà tout au plus, me dis-je, la |
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moitie de mon ètre 1 Que ses pas sont courts et sa démarche |
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malaisée 1 Ses yeux semblent mesurer l’espace |
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avec tristesse. Sans doute, c’est un centaure renversé |
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par les dieux et qu’ils ont réduit à se traîner ainsi. |
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Je me délassais souvent de mes journées dans le lit |
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des fleuves. Une moitié de moi-même cachée dans les |
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eaux, s’agitait pour le surmonter, tandis que l’autre |
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s’élevait tranqu Ile et que je portais mes bras oisifs bien |
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au-dessus des flots. Je m’uubliais ainsi au milieu des |
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ondes, cédant aux entraînements de leurs cours, qui |
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m’emmenait au loin et conduisait leur bote sauvage à |
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tous les charmes des rivages. Combien de fois, sut pris |
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par la nuit j’ai suivi les courants sous les ombres qui |
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se répandaient, déposant jusque dans le fond des vallées |
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l’influence nocturne des dieux Ma vie fougueuse |
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se tempérait alors au point de ne laisser plus qu’un léger |
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aeutiment de mon existence répandu par tout mon |
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être avec une égale mesure., comme, dans les eaux où I |
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je nageais, les lueurs de la déesse qui parcourt les |
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nuits. Mélampe, ma vieillesse regrette les neuves ; pai- j |
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sibles la plupart et monotones, ils suivent leur destinée |
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avec plus de calme que tes centaures, et une sagesse |
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plus bienfaisante que celle des hommes. Quand je sortais |
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de leur sein, j’étais suivi de leurs dons, qui m’accompagnaient |
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des jours entiers et ne se retiraient qu’avec |
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lenteur, à la manière des parfums. |
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Une inconstance sauvage et aveugle disposait de mes |
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pas. Au milieu des courses les plus violentes, il m’arrivait |
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de rompre subitement mon galop, comme si un |
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abime se fût rencontré à mes pieds, ou bien un dieu |
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debout devant moi. Ces immobilités soudaines me laissaient |
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ressentir ma vie tout émue par les emportements |
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où j’étais. Autrefois j’ai coupé dans les forêts des rameaux |
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qu’en courant j’élevais par-dessus ma tête ; la vitesse de |
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la course suspendait la mobilité du feuillage, qui ne |
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rendait plus qu’un frémissement léger mais au moindre |
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repos le vent et l’agitation rentraient dans le rameau, |
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qui reprenait le cours de ses murmures. Ainsi ma vie, à |
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1 interruption subite des carrières impétueuses que je |
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fournissais à travers ces vallées, frémissait dans tout mon |
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sein. Je l’entendais courir en bouillonnant et rouler le fou |
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qu’elle avait pris dans l’espace ardemment franchi. Mes |
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flancs animes luttaient contre ses flots dont ils étaient |
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pressés intérieurement, et goûtaient dans ces tempêtes |
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la volupté qui n’est connue que des rivages de la mer, de |
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renfermer sans aucune perte une vie montée à son comble |
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et irritée. Cependant, la tête inclinée au vent qui m’apportait |
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le frais, je considérais la cime des montagnes |
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devenues lointaines en quelques instants, les arbres des |
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rivages et les eaux des fleuves, celles-ci portées d’un |
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cours traînant, ceux-là attachés dans le sein de la terre, |
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et mobiles seulement par leurs branchages soumis aux |
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souffles de l’air qui les font gémir. < ; Moi seul, me disaisje, |
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j’ai le mouvement libre, et j’emporte à mon gré ma |
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vie de l’un à l’autre bout de ces vallées. Je suis plus |
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heureux que les torrents qui tombent des montagnes |
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pour n’y plus remonter. Le roulement de mes pas est plus |
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beau que les plaintes des bois et que les bruits de l’onde, |
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c’est le retentissement du centaure errant et qui se guide |
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lui-même. » Ainsi, tandis que mes flancs agités possédaient |
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l’ivresse de la course, plus haut j’en ressentais |
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l’orgueil, et, détournant la tête, je m’arrêtais quelque |
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temps à considérer ma croupe fumante. |
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La jeunesse est semblable aux forêts verdoyantes |
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tourmentées par les vents elle agite de tous côtés les |
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riches présents de la vie, et toujours quelque profond |
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murmure règne dans son feuillage. Vivant avec l’abandon |
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des fleuves, respirant sans cesse Cybèle, soit dans le lit |
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des vallées, soit à la cime des montagnes, je bondissais |
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partout comme une vie aveugle et déchaînée. Mais lorsque |
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la nuit, remplie du calme des dieux, me trouvait |
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sur le penchant des monts, elle me conduisait à l’entrée |
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des cavernes, et m’y apaisait comme elle apaise les vagues |
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de la mer, laissant survivre en moi de légères ondulations |
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qui écartaient le sommeil sans altérer mon |
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repos. Couché sur le seuil de ma retraite, les flancs cachés |
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dans l’antre et la tète sous le ciel, je suivais le |
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spectacle des ombres. Alors la vie étrangère qui m’avait |
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pénétré durant le* jour se détachait de moi goutte à |
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goutte, retournaut au sein paisible de Cybè !e, comme |
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après l’ondée les débris de la pluie attachée aux feuillages |
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font leur chute et rejoignent les eaux. On dit que |
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les dieux marins quittent, durant les ombres, leurs palais |
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profonds, et, s’asseyant sur les promontoires, étendent |
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leurs regards sur les flots. Ainsi je veillais ayant à |
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mes pieds une étendue de vie semblable à la mer assoupie. |
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Hendu à l’existence distincte et pleine, il me paraissait |
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que je sortais de naître, et que des eaux profondes |
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et qui m’avaient conçu dans leur sein venaient de me |
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laisser sur le haut de la montagne, comme un dauphin |
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oublié sur les sirtes par les flots d’Amphitrite. |
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Mes regards couraient librementet gagnaient les points |
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les plus éloignés. Comme des rivages toujours humides, |
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le cours des montagnes du couchant demeurait empreint |