« Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/208 » : différence entre les versions

AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
Zoé (discussion | contributions)
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page non corrigée
+
Page corrigée
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :

Une année s’écoula encore sans amener de changement appréciable dans la politique anglaise, peut-être parce que l’opposition, toujours désunie, était incapable de combiner ses efforts pour une action commune. Peel s’était enfin décidé à entrer au ministère, en qualité de secrétaire de l’intérieur. Une alliance plus étroite s’était établie entre le parti au pouvoir et les grenvillites. Ce n’était pas suffisant pour constituer une administration progressive, pour répondre aux vœux de réformes que la grande majorité du pays ne cessait d’exprimer, lorsqu’un événement imprévu vint motiver un changement plus grave dans le ministère Liverpool qui, sous des noms différens, se perpétuait depuis près de quinze ans presque avec les mêmes hommes, en tous cas avec les mêmes tendances. Lord Castlereagh, — devenu depuis peu lord Londonderry par la mort de son père qui lui avait laissé l’héritage d’un marquisat irlandais, — exerçait une influence prépondérante dans le gouvernement, moins peut-être par ses qualités personnelles que par le relief que les succès de la Grande-Bretagne au dehors donnaient au chef du ''foreign office''. Lord Castlereagh avait été l’un des arbitres de l’Europe au congrès de Vienne ; il avait traité d’égal à égal, dans des conditions, d’intime familiarité, avec les potentats de l’Europe, avec l’empereur François d’Autriche, avec le tsar Alexandre. Tout en défendant avec habileté les intérêts particuliers de son pays, il s’était imbu, dans ces fréquentations, royales, des idées qui y avaient cours. Il s’était convaincu qu’il fallait traiter les radicaux à Londres comme les carbonari à Naples ou les républicains à Paris. Il avait pris l’habitude de penser que les peuples n’ont nul droit d’être consultés sur la forme du gouvernement qui leur convient. Ces tendances des monarques du continent, il les avait appliquées, autant qu’il dépendait de lui, aux affaires intérieures de l’Angleterre après les avoir admises dans le règlement des affaires de l’Europe. Mal secondé par ses collègues à la chambre des communes, lord Londonderry fut presque seul à répondre aux attaques de l’opposition pendant la session de 1822 ; Peel, soit qu’il fût réellement malade, soit qu’il ne voulût pas s’engager à fond au profit d’un ministère ébranlé, ne s’occupait que des affaires de son département. Castlereagh, s’était donc fatigué plus que de coutume, et ses amis observaient avec inquiétude que son esprit était souvent absent. Il prit au sérieux tout à coup des dénonciations anonymes, comme tous les hommes d’état sont exposés à en recevoir, qui l’accusaient de malversations. Les médecins avaient recommandé qu’aucune arme ne fût laissée à sa, disposition. On oublia de lui enlever un canif ; il s’en frappa le 12 août 1822 et mourut le jour même. Il n’avait encore que cinquante et un ans.
Une année s’écoula encore sans amener de changement appréciable dans la politique anglaise, peut-être parce que l’opposition, toujours désunie, était incapable de combiner ses efforts pour une action commune. Peel s’était enfin décidé à entrer au ministère, en qualité de secrétaire de l’intérieur. Une alliance plus étroite s’était établie entre le parti au pouvoir et les grenvillites. Ce n’était pas suffisant pour constituer une administration progressive, pour répondre aux vœux de réformes que la grande majorité du pays ne cessait d’exprimer, lorsqu’un événement imprévu vint motiver un changement plus grave dans le ministère Liverpool qui, sous des noms différens, se perpétuait depuis près de quinze ans presque avec les mêmes hommes, en tous cas avec les mêmes tendances. Lord Castlereagh, — devenu depuis peu lord Londonderry par la mort de son père qui lui avait laissé l’héritage d’un marquisat irlandais, — exerçait une influence prépondérante dans le gouvernement, moins peut-être par ses qualités personnelles que par le relief que les succès de la Grande-Bretagne au dehors donnaient au chef du ''foreign office''. Lord Castlereagh avait été l’un des arbitres de l’Europe au congrès de Vienne ; il avait traité d’égal à égal, dans des conditions, d’intime familiarité, avec les potentats de l’Europe, avec l’empereur François d’Autriche, avec le tsar Alexandre. Tout en défendant avec habileté les intérêts particuliers de son pays, il s’était imbu, dans ces fréquentations, royales, des idées qui y avaient cours. Il s’était convaincu qu’il fallait traiter les radicaux à Londres comme les carbonari à Naples ou les républicains à Paris. Il avait pris l’habitude de penser que les peuples n’ont nul droit d’être consultés sur la forme du gouvernement qui leur convient. Ces tendances des monarques du continent, il les avait appliquées, autant qu’il dépendait de lui, aux affaires intérieures de l’Angleterre après les avoir admises dans le règlement des affaires de l’Europe. Mal secondé par ses collègues à la chambre des communes, lord Londonderry fut presque seul à répondre aux attaques de l’opposition pendant la session de 1822 ; Peel, soit qu’il fût réellement malade, soit qu’il ne voulût pas s’engager à fond au profit d’un ministère ébranlé, ne s’occupait que des affaires de son département. Castlereagh, s’était donc fatigué plus que de coutume, et ses amis observaient avec inquiétude que son esprit était souvent absent. Il prit au sérieux tout à coup des dénonciations anonymes, comme tous les hommes d’état sont exposés à en recevoir, qui l’accusaient de malversations. Les médecins avaient recommandé qu’aucune arme ne fût laissée à sa, disposition. On oublia de lui enlever un canif ; il s’en frappa le 12 août 1822 et mourut le jour même. Il n’avait encore que cinquante et un ans.