« L’Escalier d’or/Chapitre V » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
marqué pour match
Phe-bot (discussion | contributions)
m Ernest-Mtl: match
Ligne 1 :
 
==__MATCH__:[[Page:Jaloux - L'Escalier d'or, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/14]]==
 
 
Ligne 7 ⟶ 8 :
C’est une maison de quatre étages, dont je ne vois que l’envers, car elle a sa porte d’entrée sur la rue des Bons-Enfants. Elle a l’air d’une personne qui, pendant un défilé, tournerait, seule, le dos à ce qui passe pour se consacrer à un autre spectacle. Elle se compose de deux ailes en saillie et d’une façade en retrait, le tout surmonté d’un étage à mansardes. Entre les ailes et la façade, s’étend, au-dessus du rez-de-chaussée une large terrasse qui contient, d’un côté, une haute cage de verre et, de l’autre, un ciel ouvert. Dans la cage, s’agitent des êtres falots qui font et qui défont sans arrêt des piles d’étoffes sombres: peut-être sont-ce des condamnés de droit commun. Le ciel ouvert doit donner un peu de jour à un grand atelier qui occupe toute la partie inférieure de l’immeuble, lequel, d’après ce que m’a appris son enseigne, est voué à l’imperméabilisation. Imperméabilisation de quoi? Je ne saurais vous le dire. Mais j’ai toujours supposé que, dans les fondements ténébreux de cette demeure, des démons s’agitaient pour répandre sans cesse dans le monde cette loi morale qui rend les êtres humains imperméables les uns aux autres, et je ne passais jamais devant cet atelier mystérieux sans un serrement de cœur.
 
Divers bureau occupaient le premier et le second étage de ma voisine de pierre. J’yJ’
==[[Page:Jaloux - L'Escalier d'or, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/15]]==

==[[Page:Jaloux - L'Escalier d'or, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/16]]==
y distinguais un grand nombre d’employés, qui allaient et venaient sans but visible, comme des fourmis dans une fourmilière et déplaçaient d’énormes registres, sur lesquels ils se penchaient parfois, sans doute pour faire le compte quotidien des âmes humaines qu’ils avaient rendues imperméables.
 
Le reste de la maison se divisait en appartement bourgeois. Parfois, je voyais se pencher à une fenêtre l’un ou l’autre de ses habitants. Au troisième, c’était, d’une part, un vieux couple si uni que, lorsque se montrait la femme, le mari aussitôt accourait et, d’autre part, une famille si nombreuse que je n’avais jamais l’impression que le même enfant se penchât sur l’allège. Au quatrième, deux ouvrières, jeunes et fraîches, deux sœurs, paraissaient souvent dans l’encadrement de la croisée; je les regardais et elles me souriaient. Souvent, l’une d’elles, en train de se coiffer, venait jusqu’à la fenêtre, mais, si elle m’apercevait, elle s’enfuyait aussitôt, toute rougissante de ses épaules nues.
Ligne 22 ⟶ 27 :
 
Je découvris une singulière machine, montée sur une voiture traînée par un âne; un cul-de-jatte, attaché à un banc parallèle aux brancards, tournait d’une main la manivelle de l’instrument et, de l’autre, conduisait la pauvre bête. Un singe, habillé comme un doge, d’une longue robe rouge, et coiffé d’un bonnet de fourrure, trépignait à l’arrière de l’équipage et agitait un tambour de basque. Quelquefois, un sou tombait d’une croisée, et le petit infirme attendait avec majesté qu’un passant voulût bien le ramasser et le lui porter, ce qui ne manquait jamais.
==[[Page:Jaloux - L'Escalier d'or, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/17]]==
 
Un spectacle aussi curieux fit apparaître tous les visages.