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Joseph Fourier
 
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Joseph Fourier, Théorie analytique de la chaleur : discours préliminaire 1822


DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
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Les causes primordiales ne nous sont point connues ; mais elles sont assujetties à des lois simples et constantes, que l’on peut découvrir par l’observation, et dont l’étude est l’objet de la philosophie naturelle.

La chaleur pénètre, comme la gravité, toutes les substances de l’univers, ses rayons occupent toutes les parties de l’espace. Le but de notre ouvrage est d’exposer les lois mathématiques que suit cet élément. Cette théorie formera désormais une des branches les plus importantes de la physique générale.

Les connaissances que les plus anciens peuples avaient pu acquérir dans la mécanique rationnelle ne nous sont point parvenues, et l’histoire de cette science, si l’on excepte les premiers théorèmes sur l’harmonie, ne remonte point au-delà des découvertes d’Archimède. Ce grand géomètre expliqua les principes mathématiques de l’équilibre des solides et des fluides. Il s’écoula environ dix-huit siècles avant que Galilée, premier inventeur des théories dynamiques, découvrit les lois du mouvement des corps graves. Newton embrassa dans cette science nouvelle tout le système de l’univers. Les successeurs de ces philosophes ont donné à ces théories une étendue et une perfection admirables ; ils nous ont appris que les phénomènes les plus divers sont soumis à un petit nombre de lois fondamentales, qui se reproduisent dans tous les actes de la nature. On a reconnu que les mêmes principes règlent tous les mouvements des astres, leur forme, les inégalités de leurs cours, l’équilibre et les oscillations des mers, les vibrations harmoniques de l’air et des corps sonores, la transmission de la lumière, les actions capillaires, les ondulations des liquides, enfin les effets les plus composés de toutes les forces naturelles, et l’on a confirmé cette pensée de Newton : Quod tam paucis tam multa prœstet geometria gloriatur.

Mais quelle que soit l’étendue des théories mécaniques, elles ne s’appliquent point aux effets de la chaleur. Ils composent un ordre spécial de phénomènes qui ne peuvent s’expliquer par les principes du mouvement et de l’équilibre. On possède depuis long-temps des instruments ingénieux, propres à mesurer plusieurs de ces effets ; on a recueilli des observations précieuses ; mais on ne connait ainsi que des résultats partiels, et non la démonstration mathématique des lois qui les comprennent tous.

J’ai déduit ces lois d’une longue étude et de la comparaison attentive des faits connus jusqu’à ce jour ; je les ai tous observés de nouveau dans le cours de plusieurs années, avec les instruments les plus précis dont on ait encor fait usage.

Pour fonder cette théorie, il était d’abord nécessaire de distinguer et de définir avec précision les propriétés élémentaires qui déterminent l’action de la chaleur. J’ai reconnu ensuite que tous les phénomènes qui dépendent de cette action, se résolvent en un très-petit nombre de faits généraux et simples ; et par là toute question physique de ce genre est ramenée à une recherche d’analyse mathématique. J’en ai conclu que pour déterminer en nombre les mouvements les plus variés de la chaleur, il suffit de soumettre chaque substance à trois observations fondamentales. En effet, les différents