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Gortchakof « une entente sur les éventualités qui surgissaient en
Gortchakof « une entente sur les éventualités qui surgissaient en Orient, » et, après avoir déjà parlé d’une « consultation de médecins, » il alla, dans une dépêche adressée à l’ambassadeur de France à Constantinople (7 décembre 1866), jusqu’à prononcer le mot de « remèdes héroïques. » Par cet euphémisme toujours médical, on entendait à Paris l’annexion de l’île de Crète à la Grèce, « la seule issue possible, avait affirmé le prince Gortchakof le 16 novembre 1866, si les puissances voulaient sortir de la voie des expédiens et des palliatifs qui jusqu’ici n’avaient fait que grever l’avenir des difficultés du présent. » Le mariage du jeune roi des Hellènes, George Ier, avec la grande-duchesse Olga Constantinovna, était alors une chose décidée, et aux Tuileries on ne demandait pas mieux que de faire de l’île de Crète la « dot » de la princesse russe. On n’y aurait pas même vu d’inconvéniens, paraît-il, à augmenter encore cette dot de l’Épire et de la Thessalie : c’était aller bien loin, plus loin même que ne pouvait le désirer la Russie, qui n’avait aucun intérêt à « permettre une extension telle de la Grèce qu’elle pût devenir un état puissant <ref> Paroles de l’empereur Nicolas à sir Hamilton Seymour. — Pour les bruits concernant la Thessalie et l’Épire, voyez surtout la dépêche de Fuad-Pacha aux ambassadeurs à Paris et à Londres, 27 février 1867.</ref>. » Toujours est-il que du rapprochement entre la France et la Russie naissait le projet d’une démarche commune pour demander au gouvernement turc la réalisation des réformes intérieures, et la cession de la Crète, déguisée sous la proposition d’un plébiscite, démarche qui se réalisait effectivement au mois de mars 1867 et à laquelle se ralliaient l’Autriche, la Prusse et l’Italie. Sans doute il y avait encore bien du vague et surtout bien du décousu dans la situation qui commençait à se dessiner à ce moment, et il était permis de regretter que la France et l’Autriche ne fussent parvenues à se mettre préalablement d’accord sur la nature des offres qu’elles entendaient faire à la Russie ; mais les offres étaient bien réelles et très grandes, on ne saurait le contester, et il n’a dépendu que du successeur du comte Nesselrode de les coordonner, de les ajuster et de les faire tourner au profit et à la gloire de son auguste maître. Ce n’est pas l’Angleterre qui pouvait opposer de sérieux obstacles à la volonté collective de la France, de la Russie et de l’Autriche dans les affaires du Levant ; déjà même elle s’apprêtait à s’y résigner, et certes le fruit que le prince Gortchakof voyait mûrir au printemps de 1867, pour ne point avoir tout l’attrait du fruit défendu, n’en était pas moins tout autrement sain et savoureux que celui que, quatre ans plus tard, il devait aller ramasser dans les cendres de Sedan.
Orient, » et, après avoir déjà parlé d’une « consultation de médecins, » il alla, dans une dépêche adressée à l’ambassadeur de France
à Constantinople (7 décembre 1866), jusqu’à prononcer le mot de
« remèdes héroïques. » Par cet euphémisme toujours médical, on
entendait à Paris l’annexion de l’île de Crète à la Grèce, « la seule
issue possible, avait affirmé le prince Gortchakof le 16 novembre
1866, si les puissances voulaient sortir de la voie des expédiens et
des palliatifs qui jusqu’ici n’avaient fait que grever l’avenir des
difficultés du présent. » Le mariage du jeune roi des Hellènes,
George Ier , avec la grande-duchesse Olga Constantinovna, était alors
une chose décidée, et aux Tuileries on ne demandait pas mieux que
de faire de l’île de Crète la « dot » de la princesse russe. On n’y
aurait pas même vu d’inconvéniens, paraît-il, à augmenter encore
cette dot de l’Épire et de la Thessalie : c’était aller bien loin, plus loin
même que ne pouvait le désirer la Russie, qui n’avait aucun intérêt
à « permettre une extension telle de la Grèce qu’elle pût devenir
un état puissant <ref> Paroles de l’empereur Nicolas à sir Hamilton Seymour. — Pour les bruits concernant la Thessalie et l’Épire, voyez surtout la dépêche de Fuad-Pacha aux ambassadeurs à Paris et à Londres, 27 février 1867. </ref>. » Toujours est-il que du rapprochement entre
la France et la Russie naissait le projet d’une démarche commune
pour demander au gouvernement turc la réalisation des réformes
intérieures, et la cession de la Crète, déguisée sous la proposition
d’un plébiscite, démarche qui se réalisait effectivement au mois de
mars 1867 et à laquelle se ralliaient l’Autriche, la Prusse et l’Italie.
Sans doute il y avait encore bien du vague et surtout bien du décousu dans la situation qui commençait à se dessiner à ce moment,
et il était permis de regretter que la France et l’Autriche ne fussent
parvenues à se mettre préalablement d’accord sur la nature des
offres qu’elles entendaient faire à la Russie; mais les offres étaient
bien réelles et très grandes, on ne saurait le contester, et il n’a dépendu que du successeur du comte Nesselrode de les coordonner, de
les ajuster et de les faire tourner au profit et à la gloire de son auguste maître. Ce n’est pas l’Angleterre qui pouvait opposer de sérieux obstacles à la volonté collective de la France, de la Russie et
de l’Autriche dans les affaires du Levant; déjà même elle s’apprêtait à s’y résigner, et certes le fruit que le prince Gortchakof voyait
mûrir au printemps de 1867, pour ne point avoir tout l’attrait du
fruit défendu, n’en était pas moins tout autrement sain et savoureux que celui que, quatre ans plus tard, il devait aller ramasser
dans les cendres de Sedan.


Il est vrai que les gouvernemens de France et d’Autriche ne pensaient pas faire un don gratuit ; il était sous-entendu qu’en échange
Il est vrai que les gouvernemens de France et d’Autriche ne pensaient pas faire un don gratuit ; il était sous-entendu qu’en échange