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séché mes larmes. Vous m’avez arraché, lui disais-je, une douleur légitime. Que sais-je si vous ne m’en donnerez point quelque jour que je devrai me reprocher ! Mon dieu ! de quelle façon il me répondait ! quelles expressions ! quelle vivacité ! quelle douleur que je pusse former des doutes ! Il fallait, pour arrêter ces plaintes, lui demander pardon. Je le demandais avec un plaisir que la douceur de me soumettre à ce que j’aimais augmentait encore.

J’avais dit à Eugénie que je me destinais à Barbasan ; mais je n’avais encore osé le lui dire à lui-même. Le mariage de ma mère amena la chose naturellement. Après en avoir raisonné avec lui, je conclus que j’en étais plus libre : il baissait les yeux ; son air était tendre et embarrassé ; il n’osait parler. Je vous entends, lui dis-je, entendez-moi aussi : aurais-je reçu vos soins ? vous aurais-je laissé voir ce qui se passe dans mon cœur ?… La joie de Barbasan ne me permit pas de poursuivre ; il tomba à mes genoux : quels ravissements ! quels transports ! de combien de façons il m’exprimait sa reconnaissance !

Ce bonheur qui le ravissait était encore éloigné ; il fallait attendre que j’eusse vingt-cinq ans, et je n’en avais que vingt. Qu’importe, dit Barbasan à Eugénie, qui voulut lui en faire faire la réflexion ! je la verrai, je l’aimerai, je lui serai soumis : en faut-il davantage ! Vous éprouverez mon cœur, me disait-il, j’en aurai plus de droits sur le vôtre. Hélas ! il n’en avait pas besoin ; une inclination naturelle, que loin de combattre je cherchais même à fortifier, lui donnait ce droit qu’il voulait acquérir. Quel temps heureux que