« Hernani (Hetzel, 1889) » : différence entre les versions

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DONA SOL.
 
Ami!
 
HERNANI.
 
Non! je dois t'être odieux! Mais, écoute,
 
Dis-moi: je t'aime! Hélas! rassure un coeur qui doute,
 
Dis-le moi! car souvent, avec ce peu de mots
 
La bouche d'une femme a guéri bien des maux!
 
DOÑA SOL.
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Qui ne sait caresser qu'après qu'il a blessé!
 
Je lui dirais: Va-t-en! Repousse-moi, repousse!
 
Et je te bénirai, car tu fus bonne et douce,
 
Car tu m'as supporté trop longtemps, car je suis
 
Mauvais, je noircirais tes jours avec mes nuits!
 
Car c'en est trop, enfin, ton âme est belle et haute
 
Et pure, et si je suis méchant, est-ce ta faute?
 
Epouse le vieux duc! Il est bon, noble, il a
 
Par sa mère Olmedo, Par son père Alcala.
 
Encore un coup, sois riche avec lui, sois heureuse!
 
Moi, sais-tu ce que peut cette main généreuse
 
T'offrir de magnifique? une dot de douleurs.
 
Tu pourras y choisir ou du sang ou des pleurs.
 
L'exil, les fers, la mort, l'effroi qui m'environne,
 
C'est la ton collier d'or, c'est ta belle couronne,
 
Et jamais à l'"pouse un époux plein d'orgueil
 
N'offrit plus riche écrin de misère et de deuil!
 
Epouse le vieillard, te dis-je! il te mérite!
 
Eh! qui jamais croira que ma tête proscrite
 
Aille avec ton front pur? qui, nous voyant tous deux,
 
Toi, calme et belle, moi, violent, hasardeux,
 
Toi, paisible et croissant comme une fleur à l'ombre,
 
Moi, heurté dans l'orage à des écueils sans nombre,
 
Qui dira que nos sorts suivent la même loi?
 
Non. Dieu qui fait tout bien ne te fit pas pour moi.
 
Je n'ai nul droit d'en haut sur toi, je me résigne!
 
J'ai ton coeur, c'est un vol! je le rends au plus digne.
 
Jamais à nos amours le ciel n'a consenti.
 
Si j'ai dit que c'était ton destin, j'ai menti!
 
D'ailleurs, vengeance, amour, adieu! mon jour s'achève.
 
Je m'en vais, inutile, avec mon double rêve,
 
Honteux de n'avoir pu ni punir, ni charmer,
 
Qu'on m'ait fait pour haïr, moi qui n'ai su qu'aimer!
 
Pardonne-moi! fuis-moi! ce sont mes deux prières.
 
Ne les rejette pas, car ce sont les dernières!
 
Tu vis, et je suis mort. Je ne vois pas pourquoi
 
Tu te ferais murer dans ma tombe avec moi!
 
 
DONA SOL.
 
Ingrat!
 
 
HERNANI.
 
Monts d'Aragon! Galice! Estramadoure!
 
Oh! je porte malheur à tout ce qui m'entoure!
 
J'ai pris vos meilleurs fils; pour mes droits, sans remords,
 
Je les ai fait combattre, et voilà qu'ils sont morts!
 
C'étaient les plus vaillants de la vaillante Espagne!
 
Ils sont morts! ils sont tous tombés dans la montagne,
 
Tous sur le dos couchés, en justes, devant Dieu,
 
Et s'ils ouvraient les yeux, ils verraient le ciel bleu!
 
Voilà ce que je fais de tout ce qui m'épouse!
 
Est-ce une destinée à te rendre jalouse?
 
Dona Sol, prends le duc, prends l'enfer, prends le roi!
 
C'est bien. Tout ce qui n'est pas moi vaut mieux que moi!
 
Je n'ai plus un ami qui de moi se souvienne,
 
Tout me quitte, il est temps qu'à la fin ton tour vienne,
 
Car je dois être seul. Fuis ma contagion.
 
Ne te fais pas d'aimer une religion!
 
Oh! par pitié pour toi, fuis! Tu me crois peut-être
 
Un homme comme sont tous les autres, un être
 
Intelligent, qui court droit au but qu'il rêva.
 
Détrompe-toi! je suis une force qui va!
 
Agent aveugle et sourd de mystères funèbres!
 
Une âme de malheur faite avec des ténèbres!
 
Où vais-je? je ne sais. Mais je me sens poussé
 
D'un souffle impétueux, d'un destin insensé.
 
Je descends, je descends, et jamais ne m'arrête.
 
Si parfois, haletant, j'ose tourner la tête,
 
Une voix me dit: Marche! et l'abîme et profond,
 
Et de flamme et de sang je le vois rouge au fond!
 
Cependant, à l'entour de ma course farouche,
 
Tout se brise, tout meurt. Malheur à qui me touche!
 
Oh! fuis! détourne-toi de mon chemin fatal.
 
Hélas! sans le vouloir, je te ferais du mal!
 
 
DONA SOL.
 
Grand Dieu!
 
 
HERNANI.
 
C'est un démon redoutable, te dis-je,
 
Que le mien. Mon bonheur, voilà le seul prodige
 
Qui lui soit impossible. Et toi, c'est le bonheur!
 
Tu n'es donc pas pour moi, cherche un autre seigneur!
 
Va, si jamais le ciel à mon sort qu'il renie
 
Souriait... n'y crois pas! ce serait ironie.
 
Epouse le duc!
 
 
 
DOÑA SOL.
 
Donc ce n'était pas assez!
 
Vous aviez déchiré mon coeur, vous le brisez!
 
Ah! Vous ne m'aimez plus!
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HERNANI.
 
Mourir! Grandpour dieu!qui? Pour moi? se peut-il que tu meures?
 
Pour si peu?
 
 
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DOÑA SOL, pleurant et tombant dans un fauteuil.
 
Voilà tout.
Pour qui, sinon pour vous?
 
 
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DOÑA SOL, se jetant à son cou.
 
Vous êtes mon seigneurlion, vaillantsuperbe et généreux!
 
Je vous aime.
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Je t'aime!
 
HernaniMonseigneur! Je vous aime, et je suis touttoute à vous.
 
 
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DOÑA SOL, suppliante.
 
QuoiAh! Ne craignez-vous pas que leDieu cielne vous punisse
 
De parler de la sorte?