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graves pour la France et pour l’Allemagne que l’article 11 du traité de 1856... » Le chancelier prussien était un homme prévoyant : il tenait visiblement à garder M. Jules Favre sous sa main, et il n’était pas fâché en même temps de le retenir loin de Londres, ne fût-ce que pour écarter cette dernière chance d’une intervention de la diplomatie, — pour que la question restât uniquement désormais entre le canon allemand et Paris. M. de Bismarck avait réussi. La question en effet était tout entière devant Paris. Le bombardement, après avoir commencé par l’est, n’avait pas tardé à s’étendre, enveloppant bientôt de feux toute une partie des défenses, pour finir par se fixer principalement sur Saint-Denis et sur le front sud. C’était évidemment par le sud que l’ennemi avait eu depuis le premier jour la pensée d’attaquer Paris. Les Allemands avaient près de deux cents pièces en batterie dans cette région, du pavillon de Breteuil à Thiais, en passant par Meudon, Clamart, Châtillon, Sceaux, Fontenay-aux-Roses, L’Hay. Ils avaient méthodiquement et habilement utilisé toutes les positions d’où ils pouvaient exercer une action sérieuse sur la place. Le 5 janvier, le bombardement s’était déclaré avec violence pour ne plus s’interrompre pendant vingt-trois jours; il portait à la fois sur les forts et sur la ville elle-même, qui dès lors recevait jusque dans ses murs les obus prussiens. Ce duel meurtrier, les forts le soutenaient très vigoureusement sans se laisser décourager. Vanves et Issy, par leur position à courte distance de l’ennemi, étaient naturellement les plus menacés; ils se trouvaient exposés à un feu presque continu qui les atteignait cruellement, et qui aurait fini par mettre particulièrement Issy en danger, si les Allemands avaient eu le dessein de tenter un assaut. Dans cette lutte de tous les instans, Montrouge, placé sous le feu de quatre batteries prussiennes, tenait tête avec une indomptable fermeté. C’était un vrai modèle de défense. Occupé dès le premier jour par les marins, commandé par un homme d’une calme énergie, le capitaine de vaisseau Amet, qui avait avec lui un personnel d’élite, des officiers intelligens et des hommes dévoués, le fort de Montrouge offrait le plus rare spectacle d’ordre, de discipline et de courage. C’était comme un navire où tout est réglé, où tout suit l’impulsion du chef. Nulle confusion, nulle panique. Le jour on combattait, rendant coup pour coup aux Prussiens, la nuit on réparait le mal fait par l’ennemi. Jusqu’à la dernière minute, Montrouge, quoique souffrant déjà beaucoup, restait inébranlable, et on n’aurait pas eu facilement raison de ces braves gens, dont l’un horriblement blessé, près de mourir, disait au capitaine Amet : « Mon commandant, j’ai fait mon devoir, n’est-ce pas? — Oui, certes, répondit le capitaine. — Eh bien! alors je puis souffrir. »
graves pour la France et pour l’Allemagne que l’article 11 du traité de 1856... » Le chancelier prussien était un homme prévoyant : il tenait visiblement à garder M. Jules Favre sous sa main, et il n’était pas fâché en même temps de le retenir loin de Londres, ne fût-ce que pour écarter cette dernière chance d’une intervention de la diplomatie, — pour que la question restât uniquement désormais entre le canon allemand et Paris. M. de Bismarck avait réussi.
La question en effet était tout entière devant Paris. Le bombardement, après avoir commencé par l’est, n’avait pas tardé à s’étendre, enveloppant bientôt de feux toute une partie des défenses, pour finir par se fixer principalement sur Saint-Denis et sur le front sud. C’était évidemment par le sud que l’ennemi avait eu depuis le premier jour la pensée d’attaquer Paris. Les Allemands avaient près de deux cents pièces en batterie dans cette région, du pavillon de Breteuil à Thiais, en passant par Meudon, Clamart, Châtillon, Sceaux, Fontenay-aux-Roses, L’Hay. Ils avaient méthodiquement et habilement utilisé toutes les positions d’où ils pouvaient exercer une action sérieuse sur la place. Le 5 janvier, le bombardement s’était déclaré avec violence pour ne plus s’interrompre pendant vingt-trois jours; il portait à la fois sur les forts et sur la ville elle-même, qui dès lors recevait jusque dans ses murs les obus prussiens. Ce duel meurtrier, les forts le soutenaient très vigoureusement sans se laisser décourager. Vanves et Issy, par leur position à courte distance de l’ennemi, étaient naturellement les plus menacés; ils se trouvaient exposés à un feu presque continu qui les atteignait cruellement, et qui aurait fini par mettre particulièrement Issy en danger, si les Allemands avaient eu le dessein de tenter un assaut. Dans cette lutte de tous les instans, Montrouge, placé sous le feu de quatre batteries prussiennes, tenait tête avec une indomptable fermeté. C’était un vrai modèle de défense. Occupé dès le premier jour par les marins, commandé par un homme d’une calme énergie, le capitaine de vaisseau Amet, qui avait avec lui un personnel d’élite, des officiers intelligens et des hommes dévoués, le fort de Montrouge offrait le plus rare spectacle d’ordre, de discipline et de courage. C’était comme un navire où tout est réglé, où tout suit l’impulsion du chef. Nulle confusion, nulle panique. Le jour on combattait, rendant coup pour coup aux Prussiens, la nuit on réparait le mal fait par l’ennemi. Jusqu’à la dernière minute, Montrouge, quoique souffrant déjà beaucoup, restait inébranlable, et on n’aurait pas eu facilement raison de ces braves gens, dont l’un horriblement blessé, près de mourir, disait au capitaine Amet : « Mon commandant, j’ai fait mon devoir, n’est-ce pas? — Oui, certes, répondit le capitaine. — Eh bien! alors je puis souffrir. »


Le feu du reste n’atteignait plus seulement les forts. Le
Le feu du reste n’atteignait plus seulement les forts. Le