« Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/761 » : différence entre les versions

Zoé (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
 
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
de Platon, la plus belle, la plus riche, la plus musicale qu’on ait parlée sous le soleil, redeviendra une langue vivante qui aura reconquis, comme par miracle, toute sa splendeur et toute sa pureté.
de Platon, la plus belle, la plus riche, la plus musicale qu’on ait parlée sous le soleil, redeviendra une langue vivante qui aura reconquis, comme par miracle, toute sa splendeur et toute sa pureté.


Tragédie, comédie, histoire, satire, tous les genres de littérature en Grèce cherchent leur unique inspiration dans le sentiment national et populaire, et la pensée qui a guidé tous les écrivains pourrait se résumer par ces strophes de M. Rhangabé : « Souviens-toi que la Grèce est le cadavre sacré d’une morte à laquelle il faut rendre la vie. C’est une énorme pierre précieuse qui est tombée dans l’abime, et que tu dois, à force de travaux et de sueurs, reporter à la haute cime d’où elle est détachée. C’est un sol sacré, où le pied du passant distrait glisse à chaque pas dans le sang des martyrs, une terre pleine d’espérances qui renferme un germe fécond. Si tu t’es donné pour mission de replacer sur le front de la Grèce ses antiques lauriers, heureuse et digne d’envie la ville qui t’a vue naître! heureuse et digne d’envie la mère qui t’a donné le jour ! »
Tragédie, comédie, histoire, satire, tous les genres de littérature en Grèce cherchent leur unique inspiration dans le sentiment national et populaire, et la pensée qui a guidé tous les écrivains pourrait se résumer par ces strophes de {{M.|Rhangabé}} : « Souviens-toi que la Grèce est le cadavre sacré d’une morte à laquelle il faut rendre la vie. C’est une énorme pierre précieuse qui est tombée dans l’abime, et que tu dois, à force de travaux et de sueurs, reporter à la haute cime d’où elle est détachée. C’est un sol sacré, où le pied du passant distrait glisse à chaque pas dans le sang des martyrs, une terre pleine d’espérances qui renferme un germe fécond. Si tu t’es donné pour mission de replacer sur le front de la Grèce ses antiques lauriers, heureuse et digne d’envie la ville qui t’a vue naître ! heureuse et digne d’envie la mère qui t’a donné le jour ! »


Cette tendance générale de la littérature hellénique n’a peut-être pas été étrangère aux graves événemens dont le récit termine l’ouvrage qui a provoqué ces réflexions. On sait quelles difficultés la Grèce a traversées avant de trouver un nouveau monarque. Le pays a été livré à des agitations aussi stériles que dangereuses, et, pour le préserver d’une catastrophe, il n’a fallu rien moins que l’entente parfaite des trois cours protectrices et leur sincère désir de substituer aux anciennes rivalités des idées de conciliation et de désintéressement. Le royaume hellénique ne doit plus être, comme il le fut au commencement de son existence, le terrain d’influences étrangères qui avaient, entre autres inconvéniens, celui de trop souvent associer à de mesquines intrigues parlementaires le nom des grandes puissances. L’histoire de ces trois partis anglais, français et russe, ayant leurs journaux, leurs hommes d’état, leur système, serait presque l’histoire de la Grèce depuis qu’elle est constituée en un état indépendant. Il existe dans une pièce de M. Rhangabé, ''les Noces de Koutrouli'', un chœur célèbre, celui des Influences, αί Επρροαί, où le poète prête un ingénieux langage à l’Angleterre, à la France et à la Russie, promettant tour à tour leur appui à un Grec affamé du pouvoir. C’est d’abord l’Influence russe qui parle : « O toi qui as mis un pied tremblant sur l’échelle du pouvoir, je te tends la main. Ne cherche pas d’autres secours. Géant couché sur les glaces, ma puissance embrasse le levant et le couchant; l’astre polaire est un diamant de ma couronne, mon pas fait craquer les glaciers de l’Oural, et mon souffle fait naître les tempêtes hyperboréennes. L’hiver aux sourcils neigeux veille aux portes de mon empire et en ferme l’accès. Ces portes laissèrent un jour passer les bravés de l’Occident; mais elles se refermèrent sur eux, et ils restèrent ensevelis sous un linceul immense. 0 mortel épris de la gloire, à genoux ! Adore et chante hosanna ! Baise le talon de ma sandale! Tends ton dos courbé, afin que le knout, aux angles crochus, y découpe d’étroites lanières !
Cette tendance générale de la littérature hellénique n’a peut-être pas été étrangère aux graves événemens dont le récit termine l’ouvrage qui a provoqué ces réflexions. On sait quelles difficultés la Grèce a traversées avant de trouver un nouveau monarque. Le pays a été livré à des agitations aussi stériles que dangereuses, et, pour le préserver d’une catastrophe, il n’a fallu rien moins que l’entente parfaite des trois cours protectrices et leur sincère désir de substituer aux anciennes rivalités des idées de conciliation et de désintéressement. Le royaume hellénique ne doit plus être, comme il le fut au commencement de son existence, le terrain d’influences étrangères qui avaient, entre autres inconvéniens, celui de trop souvent associer à de mesquines intrigues parlementaires le nom des grandes puissances. L’histoire de ces trois partis anglais, français et russe, ayant leurs journaux, leurs hommes d’état, leur système, serait presque l’histoire de la Grèce depuis qu’elle est constituée en un état indépendant. Il existe dans une pièce de {{M.|Rhangabé}}, ''les Noces de Koutrouli'', un chœur célèbre, celui des Influences, αί Επρροαί, où le poète prête un ingénieux langage à l’Angleterre, à la France et à la Russie, promettant tour à tour leur appui à un Grec affamé du pouvoir. C’est d’abord l’Influence russe qui parle : « Ô toi qui as mis un pied tremblant sur l’échelle du pouvoir, je te tends la main. Ne cherche pas d’autres secours. Géant couché sur les glaces, ma puissance embrasse le levant et le couchant ; l’astre polaire est un diamant de ma couronne, mon pas fait craquer les glaciers de l’Oural, et mon souffle fait naître les tempêtes hyperboréennes. L’hiver aux sourcils neigeux veille aux portes de mon empire et en ferme l’accès. Ces portes laissèrent un jour passer les bravés de l’Occident ; mais elles se refermèrent sur eux, et ils restèrent ensevelis sous un linceul immense. Ô mortel épris de la gloire, à genoux ! Adore et chante hosanna ! Baise le talon de ma sandale ! Tends ton dos courbé, afin que le knout, aux angles crochus, y découpe d’étroites lanières !