« Charlotte Corday (Michel Corday) » : différence entre les versions

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L’une des amies de Charlotte Corday, Mme de Faudoas. périt un an après elle. Son père, le marquis de Faudoas, fidèle royaliste, était resté jusqu'aux derniers moments de Loris XVI un de ses plus ardents défenseurs. il fut arrêté pendant la Terreur avec sa sœur et
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et sa fille. Tous trois furent traduits devant le Tribunal révolutionnaire le 13 juillet 94. C'était le moment des condamnations massives. Ce jour-là, vingt-huit accusés furent exécutés. Éléonore de Faudoas refusa le secours d’un prêtre assermenté, s’appuya au bras de son père et gravit en se signant les degrés de l’échafaud. Elle avait dix-huit ans.
 
 
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M. de Corday d’Armont, le père de Charlotte, qui vivait avec ses vieux parents à Argentan depuis janvier 1793, apprit le drame par un journal. On ne l’inquiéta pas démesurément. Il subit un interrogatoire le 20 juillet. Il déclara que depuis son veuvage, depuis onze ans, sa fille n’avait guère vécu, au total, qu’un an avec lui. Et il répéta les termes de la lettre qu’elle lui avait écrite le 9 juillet au matin, avant son départ pour Paris. Chose singulière :
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:il pâtit davantage comme père d’émigrés. À ce titre, il fut emprisonné un moment en 94 et proscrit en 98. Peu après, il mourut à Barcelone.
 
 
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Quant à l’abbé de Corday, qui recevait sa nièce Charlotte au presbytère de Vicques, il s’exila en 92, après avoir été molesté comme prêtre réfractaire. Il se réfugia à Jersey, puis au château de Winchester, où le gouvernement anglais avait recueilli un grand nombre de ces ecclésiastiques. Revenu en France, il mourut curé-doyen de Couliboeuf en 1825. Il disait
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disait volontiers que Charlotte avait « été une nouvelle Judith suscitée par Dieu pour sauver la France ».
 
 
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Cependant, Augustin Leclerc continuait de veiller sur elle, bien qu’il fût accablé de chagrin par la mort de Charlotte Corday. Jamais il ne devait s’en consoler, jamais il ne cessa d'approuver hautement son geste. Dès que Mme de Bretteville put s’éloigner de sa maison sans
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sans éveiller de suspicion, Augustin Leclerc la conduisit à Verson, où elle possédait un domaine. La bonne dame resta toujours reconnaissante à son « homme de confiance ». Elle lui laissa une partie de ses biens lorsqu’elle mourut en 99, à soixante-quinze ans. Sa maison, que la Révolution avait épargnée, fut abattue et reconstruite sur un plan plus avantageux, en 1852.
 
 
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Dans la pénombre de la voûte, parmi les fumées
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fumées des brûle-parfums et des flambeaux, au sommet d’une estrade de douze mètres, tendue aux trois couleurs, le corps de Marat était étendu sous une draperie. Son bras droit retombait. Sa main tenait une plume de fer, comme s’il allait encore « écrire pour le bonheur du peuple ». Le peignoir ensanglanté, la baignoire où il avait péri, encadraient le lit funèbre. Toute la journée, la foule défila, gémissant de tristesse, criant vengeance et jetant des fleurs.
 
 
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Il était près de minuit quand le cortège sans fin, après avoir parcouru une partie de Paris, revint aux jardins des Cordeliers. Là, se dressait le tombeau de Marat, une grotte de granit, close d’une grille. C’était le symbole de sa fermeté,
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fermeté, le souvenir du souterrain où il avait vécu. On descendit dans le caveau le corps placé dans un cercueil de plomb, puis deux vases qui contenaient l’un les entrailles, l’autre les poumons de Marat. On y ensevelit enfin les œuvres complètes de « l’ami du peuple ». Les discours se prolongèrent fort avant dans la nuit.
 
 
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Le 19 août, les « citoyennes révolutionnaires » célébrèrent à leur tour la mémoire de Marat. Elles se rendirent en cortège, derrière le buste du divin Marat, jusqu’à la place du Carrousel. Là s’élevait une pyramide creuse. À l’intérieur, on plaça la baignoire, la lampe, l’écritoire, la plume, le papier de Marat. Un
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Un culte naissait, farouche : les époux Loison, de pauvres montreurs de marionnettes des Champs-Elysées, qui avaient habillé une figurine en Charlotte Corday et lui faisaient crier : « À bas Marat! », furent arrêtés pour manœuvres coupables et guillotinés. L’image de Marat était innombrable. On plaçait son buste dans toutes les salles publiques. On distribuait son portrait aux écoliers. On vendait des bagues, des épingles de cravate, des tabatières à l’effigie de Marat. Autant de fétiches, d’ailleurs, et de gages de patriotisme. Sa mort inspirait des pièces de théâtre, des complaintes par centaines. On enseigna dans des écoles le signe de croix au nom de Marat, le Credo de Marat.
 
 
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Le peuple avait changé de dieu. La Convention, qui s’était laissée porter par la foule dans cet immense élan vers Marat, n’avait fait que la suivre dans son reflux : l’Assemblée venait de décréter que les honneurs du Panthéon ne seraient
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seraient accordés à un citoyen que dix ans après sa mort.
 
 
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Le lendemain, le buste de Marat disparut des salles de théâtre, de la Convention même. On arrêta des manifestants qui voulaient promener l’emblème réprouvé par les rues. Enfin, de jeunes ouvriers du faubourg Saint Antoine se rendirent en cortège au Jardin du Palais-Royal, y brûlèrent un mannequin qui représentait Marat. Ils recueillirent les cendres dans un vase de nuit et les jetèrent dans l’
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égoutl’égout de la rue Montmartre, non loin de l’Hôtel de la Providence. Et ils laissèrent sur place cette inscription : « Marat, voilà ton Panthéon. »
 
 
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Un homme, parmi ces spectateurs, fut à tel point ébloui à la vue de Charlotte, transporté d’une adoration si soudaine et si folle, qu’il résolut de la suivre dans la mort. Il était placé rue Saint-Honoré, non loin de cette fenêtre où Danton, Robespierre et Camille Desmoulins regardaient
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regardaient passer Charlotte Corday dans cette charrette qui, d’ailleurs, devait bientôt les emporter tous trois. Il s’appelait Adam Lux.
 
 
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Il éprouvait un tel dégoût qu’il songea au suicide. Il prépara le discours qu’il tiendrait à la barre de la Convention avant de disparaître. « J'ai juré d’être libre ou de mourir. Par conséquent, il est temps de mourir. Depuis le 2
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2 juin, j'ai la vie en horreur. » Il espérait aussi que sa mort serait «  plus utile à la liberté que sa vie », qu’elle donnerait à réfléchir aux mandataires du peuple et marquerait la fin de la violence.
 
 
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En deux jours, il écrit un éloge de Charlotte Corday. La passion l’éclaire et l’anime. Avec quelle lucidité il résume le drame : « Une fille délicate, bien née, bien faite, bien élevée, animée d’un amour ardent de la patrie en danger, se croit obligée de s’immoler pour la sauver, en otant la vie à un homme qu’elle pense être la source des malheurs publics. Elle prend cette résolution le 2 juin, s’y affermit le 7 juillet, quitte son foyer paisible ; elle ne se
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se confie à personne ; malgré la chaleur excessive, elle fait un grand voyage à ce dessein ; elle arrive, sans appui, sans conseil, sans consolateur. Elle conçut, elle exécuta un projet qui, selon ses espérances, devait sauver la vie à des milliers d'hommes. Elle prévoyait son sort… Elle garda toujours sa fermeté, sa présence d'esprit, sa douceur, pendant quatre jours, jusqu’à son dernier soupir. »
 
 
Le ton s’avive lorsqu'il peint ses impressions : « Quel fut mon étonnement lorsque, outre une intrépidité que j'attendais, je vis cette douceur inaltérable au milieu des hurlements barbares !… Ce regard si doux et si pénétrant! Ces étincelles vives et humides qui éclataient dans ses beaux yeux… Regards d’un ange, qui pénétrèrent intimement mon cœur, le remplirent d'émotions violentes qui me furent inconnues jusqu'alors… Pendant deux heures, depuis son départ jusqu’à l’échafaud, elle garda la même fermeté, la même douceur inexprimable.. Sur sa charrette, n’ayant ni appui, ni consolateur, elle était exposée aux huées continuelles d’une foule indigne du nom d’hommes. Elle monta sur l’échafaud. Elle expira.. Charlotte, âme céleste, n’étais-tu qu’une mortelle ? »Enfin,
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Enfin, il défie la Montagne, en ces termes où reparaît son déboire : « Usurpateurs du 31 mai, vous qui, pour échapper aux supplices mérités par vos forfaits, avez trompé les Parisiens et les Français ! Je cherchais ici le règne de la douce liberté : je trouvai l’oppression du mérite, le triomphe de l’ignorance et du crime, Je suis las de vivre au milieu de tant d’horreurs que vous commettez, de tant de malheurs que vous préparez à la Patrie! Il ne me reste que deux espérances : ou, par vos soins, en victime de la liberté, mourir sur cet échafaud honorable, ou de concourir à faire disparaître vos mensonges, qui sont la véritable cause de la guerre civile. »
 
 
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Et il termine ces pages d’une folle et tendre hardiesse par le vœu « qu’au lieu même de sa mort
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mort l’immortelle Charlotte Corday ait une statue avec cette inscription : Plus grande que Brutus. »
 
 
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Le procès à peine clos, une âpre discussion éclatait entre lui et l’accusateur public. Fouquier-Tinville lui reprochait d’avoir modifié la dernière des trois questions posées au jury. Parlant de l’assassinat commis par Charlotte, l’accusateur public avait ainsi libellé cette troisième question : « L’a-t-elle fait avec préméditation
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préméditation et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires ? » Montané l’avait remplacée par ce texte : « L’a-t-elle fait avec des intentions criminelles et préméditées ? »
 
 
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En tout cas, Montané avait risqué la sienne. Le 30 juillet, en effet, le Président du Tribunal révolutionnaire était arrêté sur l’ordre du Comité de Salut Public, pour avoir, dans le jugement de Charlotte Corday, « changé la rédaction de la troisième question posée aux jurés ». Heureusement pour lui, on l’oublia dans sa prison. Il fut sauvé par le 9 Thermidor (27 juillet 1794) où tomba Robespierre et s’
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évanouits’évanouit le cauchemar de la Terreur. Il fut acquitté et mis en liberté le 13 septembre 94.
 
 
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Les membres du Comité de Sûreté générale furent amenés à rendre grâce à son singulier ascendant.
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ascendant. Fouquier-Tinville les avait consultés sur l’opportunité de publier dans les journaux l’interrogatoire de Charlotte et ses deux lettres datées de la prison. Ils écrivirent à l’accusateur public : « Le Comité pense qu’il serait inutile et peut-être dangereux de donner trop de publicité aux lettres de cette femme extraordinaire, qui n’a déjà inspiré que trop d'intérêt aux malveillants. »
 
 
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Il ne dépassait pas en férocité ce pétitionnaire, Guirault, qui, à la barre de la Convention, à la séance du 14 juillet, avait demandé que l’on inventât pour Charlotte des supplices nouveaux : « Décrétez une loi de circonstance. Le supplice le plus affreux n’est pas assez pour venger la Nation d’un aussi énorme attentat. Apprenez
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Apprenez aux forcenés ce que vaut la vie. Au lieu de la leur trancher comme un fil, que l’effroi des tourments désarme leurs mains parricides. »
 
 
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Mais tous ces efforts devaient rester vains. Dès que le culte de Marat perdit de son ardeur oppressive, dès que s’éteignit le délire populaire, on vit refleurir la douce image de Charlotte. Elle orna des bijoux, des éventails, des bonbonnières. Désormais, par centaines, des dessinateurs
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dessinateurs et des peintres s’en emparèrent : presque après cent ans, au seul Salon de 1880, ne vit-on pas quatre Charlotte Corday ? Elle parut sur toutes les scènes du monde : en un siècle, elle inspira quarante pièces, presque autant que Jeanne d’Arc en cinq siècles. La mode même lui paya son tribut : on porta des bonnets à la Charlotte Corday ; des femmes adoptèrent le châle rouge, en souvenir de cette chemise rouge qu’on avait vue, toute trempée par l’orage, épouser « le corps modeste et voluptueux de Charlotte Corday ».
 
 
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Quel magnifique et pur hommage lui rendit Pétion lorsqu'il apprit sa mort ! Il voulut redresser le jugement erroné qu'il avait porté sur elle. En pleine Assemblée de Caen, il s’écria : « Dans les temps ordinaires, la justice seule doit frapper les coupables. Mais, dans les circonstances actuelles, l’homicide de Marat est un acte de justice nationale. Une femme a montré l’exemple aux hommes. Puissent ceux-ci profiter de la leçon et purifier la France des scélérats qui l’oppriment ! » Louvet,
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Louvet, poursuivi après l’échec de l’insurrection normande, lui consacrait, dans de hâtifs mémoires, des pages enflammées. Il enviait Barbaroux d’avoir reçu la lettre qu’elle lui avait écrite en prison : « Ou rien de ce qui fut beau dans la Révolution française ne demeurera, ou cette épître doit passer à travers les siècles. » Et l’auteur de Faublas se glorifiait d’avoir été nommé par Charlotte dans son interrogatoire. Pour lui, c’était l’immortalité : « J’ai donc reçu le prix de tous mes travaux, le dédommagement de mes sacrifices, de mes peines, des derniers tourments qui me sont réservés… Oui, quoi qu'il arrive, j'ai reçu du moins ma récompense : Charlotte m’a nommé, je suis sûr de ne pas mourir ! »