« L’Illustre Piégelé » : différence entre les versions

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J’entendis mal. Je me vis costumé en vespasienne, et l’évoqué dégradant d’une semblable mascarade me jeta au violent soubresaut d’un monsieur qui reçoit une claque ; mais Legourdo ayant rectifié le tir et dissipé la confusion dont je venais d’être victime, je sentis, comme Ange Pitou dans la Fille de Mme Angot, mon cœur renaître à l’espérance. Il s’ouvrit tout grand à l’orgueil lorsque mon interlocuteur, d’un simple et combien éloquent : « Vous apparaissez par une trappe », eut fait flamboyer à mes yeux la torche des gloires assurées. Quoi ! tout de noir et d’or vêtu, j’apparaîtrais par une trappe ?… Somptueux et majestueux, lentement, je surgirais au-dessus du plancher de la scène comme une manière de soleil au-dessus d’une espèce d’océan ?… et ceci dans l’éblouissement d’un jet de lumière électrique ?… Ne doutant pas que, dans ces conditions, je dusse faire sur l’esprit de la petite Machinchouette une impression favorable, je n’avais plus à hésiter.
 
— Eh bien ! c’est entendu, dis-je à Legourdo ; vous pouvez compter sur moi. AÀ l’heure dite je serai ici.
 
====II.====
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Un quart d’heure plus tard, ivre de joie, je mirais dans le cadre d’une glace ma triomphante silhouette de chevalier Hanneton.
 
Mon costume me rendait pareil à un jeune dieu ; je le dis sans fausse modestie. Matelassé ça et là de petits sachets ouateux, propres à souligner la grâce, charmante sans doute mais un peu frêle peut-être, de mes cuisses et de mes mollets, il se composait d’un collant de soie noire et d’un corselet, noir aussi, sur lequel mordait le vis-à-vis d’une double rangée de dents blanches. Deux ailes larguées dans mon dos y épanouissaient, — joie de yeux ! — la splendeur de l’or en fusion, en sorte que c’était vraiment d’un goût exquis. Cependant, il y avait plus beau; oui, il y avait plus beau encore : mon casque !… à facettes, s’il vous plaît, verni comme des souliers de bal et pourvu d’une paire d’antennes qui dressaient vers le ciel leurs phalanges écartées, pareilles aux suppliantes mains d’un jeune mère implorant en faveur de son nouveau né la pitié du lion de Florence. Éblouissant de mille feux et jouant le jais à s’y méprendre, il empiétait sur mes pommettes, masquait mon front jusqu’aux sourcils, caparaçonnait mon menton depuis la lèvre inférieure, emprisonnait mon nez sous une toile métallique que mon habilleur, homme habile, avait, au préalable, enduit d’un badigeonnage de pétrole destiné à donner du reflet. Je vous dis que c’était d’un goût !… J’avais l’air encapuchonné dans un morceau de charbon de terre. Oui, je devais connaître en ce jour à quelles acuités délicieuses peuvent atteindre les transports d’une personne flattée dans son amour-propre. N’importe, le devoir m’appelait par la bouche de l’avertisseur paru sur le seuil de la loge et hurlant formidablement : « AÀ vous, le Hanneton. !… AÀ vous ! » Je m’élançai. La hâte légitime où j’étais de mordre à même mon triomphe me mettait des ailes aux chevilles.
 
====III.====