« Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/382 » : différence entre les versions

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Locke, de Condillac, de Hume dont les doctrines faussent plus ou moins la vérité, il s’entend à merveille à corriger les erreurs et à rectifier les méthodes ; mais il n’a rien ou bien peu de chose à nous apprendre lui-même sur les questions qui ont fait l’objet de leurs recherches. Le sens commun est le criterium suprême de Reid, en ce qui concerne les problèmes posés et discutés par les philosophies. « Toute connaissance, toute science repose sur des principes évidents par eux-mêmes et tels que tout homme doué du sens commun en est juge compétent dès qu’il les a compris. De là vient que les disputes se terminent souvent par un appel au sens commun. Lorsque de part et d’autre on est d’accord sur les principes qui servent de base aux arguments, la force du raisonnement décide de la victoire ; mais quand on nie d’un côté ce qui paraît trop évident de l’autre pour avoir besoin de preuve, l’arme du raisonnement est brisée ; chacun en appelle au sens commun, et persiste dans son opinion. Pour que cet appel pût être jugé, et que le sens commun devînt en ce cas un arbitre suprême, il faudrait que ses décisions fussent rédigées et réunies dans un code dont l’autorité fût reconnue par tous les hommes raisonnables. Rien ne serait plus désirable qu’un pareil code ; il comblerait, s’il existait, un vide immense dans la logique. Et pourquoi regarderait-on une pareille législation comme impossible à rédiger ? L’est-il donc que des choses évidentes par elles-mêmes obtien­nent l’assentiment universel<ref>Thomas Reid. ''Essais sur les facultés de l’esprit humain. Essai'' VI, ch. {{sc|ii}}.</ref> ? » Quand on pourrait faire ce que recommande le sage philosophe, l’œuvre de la science n’en serait pas plus avancée. Car il faudrait toujours entrer dans ces analyses et ces explications qui donnent lieu à tant de divergences, mais qui n’en sont pas moins la matière de la philosophie, si la philosophie a une matière. Il y a plus ; le sens commun n’est un criterium possible et infaillible que pour un très-petit nombre de vérités qui règlent ordinairement la pratique, et ne sont pas d’un grand secours pour la théorie, par conséquent pour la science. Celle-ci, dans ses analyses et dans ses explications, doit conserver sa libre initiative, si l’on veut qu’elle fasse l’œuvre qui lui est propre, en philosophie comme ailleurs. Quand cette œuvre est faite, le sens commun, s’il est compétent, la critique des esprits difficiles, l’autorité du monde savant, et par-dessus tout la consécration du temps la font passer au nombre des vérités acquises qui viennent grossir le trésor des connaissances humaines.
Locke, de Condillac, de Hume dont les doctrines faussent plus ou moins la vérité, il s’entend à merveille à corriger les erreurs et à rectifier les méthodes ; mais il n’a rien ou bien peu de chose à nous apprendre lui-même sur les questions qui ont fait l’objet de leurs recherches. Le sens commun est le criterium suprême de Reid, en ce qui concerne les problèmes posés et discutés par les philosophies. « Toute connaissance, toute science repose sur des principes évidents par eux-mêmes et tels que tout homme doué du sens commun en est juge compétent dès qu’il les a compris. De là vient que les disputes se terminent souvent par un appel au sens commun. Lorsque de part et d’autre on est d’accord sur les principes qui servent de base aux arguments, la force du raisonnement décide de la victoire ; mais quand on nie d’un côté ce qui paraît trop évident de l’autre pour avoir besoin de preuve, l’arme du raisonnement est brisée ; chacun en appelle au sens commun, et persiste dans son opinion. Pour que cet appel pût être jugé, et que le sens commun devînt en ce cas un arbitre suprême, il faudrait que ses décisions fussent rédigées et réunies dans un code dont l’autorité fût reconnue par tous les hommes raisonnables. Rien ne serait plus désirable qu’un pareil code ; il comblerait, s’il existait, un vide immense dans la logique. Et pourquoi regarderait-on une pareille législation comme impossible à rédiger ? L’est-il donc que des choses évidentes par elles-mêmes obtiennent l’assentiment universel<ref>Thomas Reid. ''Essais sur les facultés de l’esprit humain. Essai'' VI, ch. {{sc|ii}}.</ref> ? » Quand on pourrait faire ce que recommande le sage philosophe, l’œuvre de la science n’en serait pas plus avancée. Car il faudrait toujours entrer dans ces analyses et ces explications qui donnent lieu à tant de divergences, mais qui n’en sont pas moins la matière de la philosophie, si la philosophie a une matière. Il y a plus ; le sens commun n’est un criterium possible et infaillible que pour un très-petit nombre de vérités qui règlent ordinairement la pratique, et ne sont pas d’un grand secours pour la théorie, par conséquent pour la science. Celle-ci, dans ses analyses et dans ses explications, doit conserver sa libre initiative, si l’on veut qu’elle fasse l’œuvre qui lui est propre, en philosophie comme ailleurs. Quand cette œuvre est faite, le sens commun, s’il est compétent, la critique des esprits difficiles, l’autorité du monde savant, et par-dessus tout la consécration du temps la font passer au nombre des vérités acquises qui viennent grossir le trésor des connaissances humaines.


L’école Écossaise n’eût pas beaucoup servi la philosophie par ses
L’école Écossaise n’eût pas beaucoup servi la philosophie par ses