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La situation militaire n’est pas tout à fait aussi belle. Comme il n’est pas de ville ou de département qui résistât sans secours à une agression prolongée, La Réunion ne fait pas exception à la loi commune. Que l’on ne croie pas néanmoins, comme on y incline trop en France, qu’il suffirait d’un coup de canon pour la réduire. Au XVIIIe siècle, pendant les guerres avec l’Angleterre dont la mer des Indes fut le théâtre, Bourbon ne tomba jamais au pouvoir de l’ennemi. Durant la révolution, livrée à ses propres forces, non-seulement elle préserva de toute injure le drapeau français, mais ses corsaires se firent redouter du commerce anglais. Au fameux nabab de Mysore, Tippo-Saïb, qui rechercha son alliance, elle envoya des secours. En 1810, il fallut pour la réduire une armée de six mille hommes montés sur plus de quatre-vingts bâtimens, à laquelle on ne put opposer, outre la milice, que quelques centaines de soldats, seule garnison que le gouvernement métropolitain y eût laissée. Le périlleux accès des rivages, si fâcheux en temps de paix, est pour la guerre un auxiliaire qui n’a besoin que d’être soutenu par quelque défense pour opposer à toute invasion une longue résistance. Avec quelques fortifications complétées par le télégraphe électrique qui avertirait de tous les mouvemens, avec un chemin de fer qui transporterait rapidement les troupes sur le point menacé, l’île défierait longtemps l’ennemi, qui ne pourrait maintenir, sous une mer toujours tempétueuse, un blocus prolongé. Toutefois, et ceci est un nouveau grief contre l’immigration, un prompt et grave embarras peut venir de la présence d’une population étrangère, qui ne consomme que des vivres étrangers, masse inerte, sinon dangereuse, qui n’apporterait aucune force à la population sédentaire.
La situation militaire n’est pas tout à fait aussi belle. Comme il n’est pas de ville ou de département qui résistât sans secours à une agression prolongée, La Réunion ne fait pas exception à la loi commune. Que l’on ne croie pas néanmoins, comme on y incline trop en France, qu’il suffirait d’un coup de canon pour la réduire. Au XVIIIe siècle, pendant les guerres avec l’Angleterre dont la mer des Indes fut le théâtre, Bourbon ne tomba jamais au pouvoir de l’ennemi. Durant la révolution, livrée à ses propres forces, non-seulement elle préserva de toute injure le drapeau français, mais ses corsaires se firent redouter du commerce anglais. Au fameux nabab de Mysore, Tippo-Saïb, qui rechercha son alliance, elle envoya des secours. En 1810, il fallut pour la réduire une armée de six mille hommes montés sur plus de quatre-vingts bâtimens, à laquelle on ne put opposer, outre la milice, que quelques centaines de soldats, seule garnison que le gouvernement métropolitain y eût laissée. Le périlleux accès des rivages, si fâcheux en temps de paix, est pour la guerre un auxiliaire qui n’a besoin que d’être soutenu par quelque défense pour opposer à toute invasion une longue résistance. Avec quelques fortifications complétées par le télégraphe électrique qui avertirait de tous les mouvemens, avec un chemin de fer qui transporterait rapidement les troupes sur le point menacé, l’île défierait longtemps l’ennemi, qui ne pourrait maintenir, sous une mer toujours tempétueuse, un blocus prolongé. Toutefois, et ceci est un nouveau grief contre l’immigration, un prompt et grave embarras peut venir de la présence d’une population étrangère, qui ne consomme que des vivres étrangers, masse inerte, sinon dangereuse, qui n’apporterait aucune force à la population sédentaire.


Celle-ci ne se prête pas facilement, assure-t-on, à une organisation militaire, toujours à cause de cette fatale différence des races, venin qui corrompt toute la sève sociale. Le problème, pour être difficile, serait-il insoluble ? A-t-on fait de sérieuses tentatives ? Le patriotisme créole a-t-il épuisé ses efforts et ses concessions ? N’y a-t-il pas plus d’ennui et de méfiance que de péril réel ? Armer en bloc tout le inonde serait dangereux aux colonies comme en Europe ; mais ne dresser personne, pas même l’élite des populations de couleur, aux devoirs de la police armée et de la défense du pays, cela nous semble entretenir l’éternelle minorité du peuple. En tout pays, la milice, à défaut d’une garnison régulière et permanente, fournit une des meilleures occasions de rapprocher les rangs et de réveiller, par une hiérarchie d’honneurs et de droits, l’émulation des classes à qui manquent d’autres issues. L’histoire contemporaine du Sénégal, celle de Bourbon pendant la période révolutionnaire, montrent les blancs conservant sur les noirs, embrigadés et disciplinés, toute
Celle-ci ne se prête pas facilement, assure-t-on, à une organisation militaire, toujours à cause de cette fatale différence des races, venin qui corrompt toute la sève sociale. Le problème, pour être difficile, serait-il insoluble ? A-t-on fait de sérieuses tentatives ? Le patriotisme créole a-t-il épuisé ses efforts et ses concessions ? N’y a-t-il pas plus d’ennui et de méfiance que de péril réel ? Armer en bloc tout le monde serait dangereux aux colonies comme en Europe ; mais ne dresser personne, pas même l’élite des populations de couleur, aux devoirs de la police armée et de la défense du pays, cela nous semble entretenir l’éternelle minorité du peuple. En tout pays, la milice, à défaut d’une garnison régulière et permanente, fournit une des meilleures occasions de rapprocher les rangs et de réveiller, par une hiérarchie d’honneurs et de droits, l’émulation des classes à qui manquent d’autres issues. L’histoire contemporaine du Sénégal, celle de Bourbon pendant la période révolutionnaire, montrent les blancs conservant sur les noirs, embrigadés et disciplinés, toute