« Sept pour un secret/1 » : différence entre les versions

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Chapitre premier Gillian Lovekin.
 
Par une froide soirée d'hiver, dans la région situé entre
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et le grand feu à découvert, avec son four d'un
côté et de l'autre sa chaudière gazouillante.
 
Près de la table de cuisine se tenait Gillian Lovekin :
son vrai nom était Juliana, mais on avait continué,
dans la famille Lovekin, à traiter ce nom à la vieille
mode. Elle débarrassait des raisins de leurs pépins.
Elle mettait dans sa bouche un grain sur six, avec
ravissement et d'un air de défi, se souvenant que c'était
elle et non Mme Makepeace la maîtress de la ferme.
Elle n'avait que seize ans à la mort de sa mère. Sa
première pensée, elle se le rappelait avec remords,
avait été que désormais elle serait la maîtresse. Elle
avait dix-huit ans ce soir de préparatifs et venait
juste de quitter le deuil. Ni grande ni petite, ni grasse
ni mince, ni brune ni blonde, elle n'était ni laide ni
jolie. Il y avait en elle de vilains détails, comme la
cicatrice qui coupait un côté de son front, ce qui déparait
ce profil-là, un peu dur et fendu. La racine de son nez
était beaucoup trop haute -- ce genre de nez qui est un
héritage gallois assez commun dans l'Ouest -- ce qui lui
donnait, même dans ses moments d'extrême douceur,
un air autoritaire. Mais sa bouche était sensible et délicate,
capable de céder parfois, et ses yeux trouvaient
tant de plaisir dans tout ce qu'ils contemplaient,
voyaient tant de sources de splendeur dans les choses
vulgaires, qu'ils vous séduisaient, vous tenaient sous
le charme et ne vous permettaient pas de la trouver
ordinaire ou insignifiante.
 
Elle aimait se donner des airs pour faire sa tâche quotidienne :
ainsi c'était dans la vieille coupe de Staffordshire
-- envoyée de ce comté en cadeau de mariage
à sa grand'mère -- qu'elle se trempait les doigts
quand ils étaient poissés. Les raisins bruns étaient
entassés sur un plat jaune et elle faisait une gracieuse
image avec ses deux nattes de cheveux châtains, ses
sourcils noirs sur des yeux d'un gris lavande et son
visage au teint vif, malgré le hâle de campagnarde
sous lequel affluait un rose frais. La lueur du feu la
caressait et Simon, quand les morceaux de gras qui
tombaient de la planche à hacher de Mme Makepeace
lui en laissaient le loisir, lui lançait des clins d'oeil
d'adoration naïve.
 
Mme Makepeace faisait des pâtés d'andouilles et
des chaussons aux pommes,
 
-- Eh bien, dit-elle, en hachant si rapidement
qu'elle semblait à chaque fois se couper les doigts, si
jamais on a nettoyé, c'est bien aujourd'hui.
 
Gillian soupira : elle détestait presque autant que
Simon ces grands branle-bas de travaux domestiques.
 
-- Je pense que ma tante Fan-te-a-gue devra être
satisfaite, fit-elle en articulant chaue syllabe du nom.
 
-- Mme Fanteague, déclara Mme Makepeace, est
une dame qui n'est jamais contente. Arrachez-vous le
coeur, servez-le sur une rôtie, arrosé du jus de tous vos os
et muscles, dira-t-elle " merci " ? Elle reniflera, jetera un
coup d'oeil et dira de sa voix caverneuse : " Ce qu'il
vous faudrait, ma brave femme, c'est un coeur ''plus''
''grand.'' "
 
Gillian éclata de rire et Simon, qui adorait sa voix,
s'approcha avec un grognement de joie et sauta sur
ses genoux.
 
-- Sauf vot'respect, Mam'selle Gillian, et faites
excuse si je plaisante votre tante.
 
-- Ma foi, dit Gillian en repoussant le plat de
raisins, je crois que j'aimerais assez monter dans la
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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