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dans la vie, c’est indéniable, il y a des femmes, oh !… (Il fait un geste de lassitude.) mais il y a les femmes, comme il y a les tableaux, comme il y a mille autres choses !…

GENEVIÈVE.

Ah ! oui, je sais !… Artiste, va !…

ANDRÉ.

Mais c’est que c’est l’exacte vérité !… L’amour, dans la réalité, ne se différencie pas toujours par des sentiments aussi nets que tu crois… C’est… (Cherchant les mots.) l’agglomération de vagues désirs… Je t’aime, voilà qui est sûr, et cependant je l’avoue, sans me considérer comme un monstre et sans avoir même le sentiment de te trahir, il se peut que j’aie besoin de regarder sur la terre autre chose que… nous.

GENEVIÈVE.

Oh ! dis : « toi », va, ne te gêne pas !

ANDRÉ, s’animant.

C’est évident ! J’ai le besoin absolu (c’est mon métier, mon art, ma vie) de respirer tout l’air de ma journée, sans discipline… II le faut… Il me faut, choses, beautés, laideurs, — parfaitement laideurs ! si ça me plaît ! — autour de moi, là, sur ma table de travail, partout… J’y puise mes sujets, j’y alimente mon cerveau… Est-ce te trahir ? C’est le besoin d’un peu d’universalité… Je ne te prends rien.

GENEVIÈVE.

Il y a la limite.

ANDRÉ.

Ah ! voilà, où commence la grande hypocrisie : la limite !… Qui l’assignera ? Qui peut établir la borne ? La femme d’un peintre permet à son mari d’être ému devant une autre femme jusqu’à un certain point, qui paraîtrait cependant, ce certain point, le comble de la forfaiture à la femme d’un architecte… mais parfaitement !… C’est le grand mensonge… Ah ! accuse-moi plutôt d’égoïsme… voilà, voilà, la vérité !… Il est pos-