« Page:Revue pour les français, T1, 1906.djvu/35 » : différence entre les versions

Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
En-tête (noinclude) :En-tête (noinclude) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{nr||LE JAPON TEL QU’IL EST|29}}
{{nr||LE JAPON TEL QU’IL EST|21}}
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
<nowiki />
résultats du progrès à notre manière, on est vraiment tenté de
croire que la civilisation, telle que nous l’entendons pour nous,
ne fait pas toujours le bonheur des peuples lointains qui l’adoptent !…


{{interligne}}
La deuxième règle de chevalerie commande l’obéissance passive
{{c|'''L’introduction du servage'''}}
et le dévouement au seigneur. Tous les Japonais ont dans le sang
{{interligne}}
le sentiment de la hiérarchie, et en dépit des tendances nouvelles
Plus on pénètre dans les régions encore obscures de l’histoire
vers une égalité toujours plus grande, les classes dirigeantes ont
polonaise, puis on admire l’étonnante avance qu’en bien des points
conservé et garderont sans doute longtemps encore leurs privilèges
ce grand pays avait réalisé sur son temps et plus l’on est obligé
moraux.
de constater aussi que cette avance fut précisément la cause première

et supérieure de sa déchéance. Il était trop tôt pour la tolérance,
La troisième loi ordonne, envers soi-même, un courage stoïque,
trop tôt pour la liberté. Cette dernière avait atteint dès le
le mépris de la douleur et de la mort. Exagérant cette obligation
principe à un degré encore inconnu. Tandis que le servage existait
les anciens en étaient arrivés à rechercher comme un bonheur
dans toute l’Europe, le paysan polonais jouissait d’une indépendance
l’occasion de mourir noblement. On se montrait naturellement
presque complète. Le fait a été nié par les intéressés,
très susceptible, et, pour les motifs les plus futiles, on se battait
mais, établi par le comte de Moltke dans son remarquable ouvrage
en duel… ou on se suicidait. Le suicide était considéré comme
sur la Pologne, il doit être admis par tous les historiens sérieux.
une preuve éclatante de courage, et cette manière de voir s’explique
Le paysan n’appartenait pas au seigneur et pouvait posséder la
par l’épouvantable façon dont il y était procédé : pour un
terre ; la juridiction seigneuriale ne s’étendait même pas sur lui ;
chevalier, se suicider, c’était « faire harakiri » c’est-à-dire s’ouvrir
sauf certaines exceptions, il relevait de la justice des gouverneurs
le ventre. L’auteur de cet article a assisté, dans un théâtre d’Osaka,
royaux. Cet état de choses disparut en Pologne pendant qu’il
au simulacre de cette opération représentée d’une manière très
s’établissait au dehors. Il disparut sous la poussée de la noblesse
saisissante, très réaliste : c’est un spectacle terrifiant. L’honneur
abusant de parlementarisme et se servant de lui pour se faire
voulait, d’ailleurs, qu’ou s’infligeât les souffrances les plus horribles
attribuer des privilèges de plus en plus excessifs. À la mort de
et qu’on les fit durer le plus longtemps possible,… après
Sigismond {{rom-maj|ii|2}}, le dernier des Jagellons, l’élection royale, de fictive
quoi l’on vous proclamait un héros, et les jeunes gens brûlaient de
qu’elle avait été le plus souvent sous cette puissante dynastie,
l’encens sur votre tombe, souhaitant de pouvoir vous imiter un
devint une réalité tumultueuse. On raconte que la plaine de
jour !
Praga, malgré ses vingt kilomètres de circonférence, fut à peine

assez grande pour contenir la foule des nobles venus pour voter.
Les autres lois font du seigneur un justicier, défenseur né des
Ils étaient fiers sans doute du nombre et de la qualité des candidats :
faibles, et lui prescrivent une étiquette où l’on retrouve la plupart
un archiduc d’Autriche, un prince suédois, le tsar de Russie
de nos vieux préjugés nobiliaires.
et le frère du roi de France se disputaient leurs suffrages. Ils

choisirent ce dernier, Henri de Valois, duc d’Anjou, non sans lui
Si l’on considère que, de tout temps, le chevalier a été regardé
avoir imposé les déplorables ''{{lang|la|Pacta conventa}}'' dont nous avons
comme le type du parfait Japonais, que l’idéal rêvé de toutes les
parlé plus haut. Le nouveau roi ne tarda pas à abandonner son
autres classes de la société consistait à se rapprocher le plus possible
royaume, la mort de Charles {{rom-maj|ix|9}} ayant fait de lui Henri {{rom-maj|iii|3}} de
des manières d’agir de la classe noble, on constate sans surprise
France. Alors on élut Bathori, prince de Transylvanie, si diminuées
que ces anciennes pratiques se sont répercutées jusque dans
que fussent les prérogatives souveraines, cet homme
l’âme populaire qu’elles dominent encore aujourd’hui. Le féodalisme
capable et énergique sut faire quelque bien à ses sujets d’aventure ;
a ainsi régné sur tous les esprits, son action fut d’autant
mais les précautions prises contre son pouvoir l’empêchèrent
plus forte et plus durable.
de donner sa mesure. Au contraire, elles ne neutralisèrent

Mais, à la différence de ce qui se passa chez nous au Moyen-Age,
la féodalité au Japon n’a pas abouti à créer des États dans