« Discours sur la question du libre-échange » : différence entre les versions

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Le discours de M. le docteur Bowring est d'autant plus remarquable que les faits qui y sont cités sont exacts, et que les phrases dont il cherche à les pallier portent tout à fait le caractère d'hypocrisie commun à tous les sermons libre-échangistes. Il représente les ouvriers comme des moyens de production qu'il faut remplacer par des moyens de production moins coûteux. Il fait semblant de voir dans le travail dont il parle, un travail tout à fait exceptionnel, et dans la machine qui a écrasé les tisserands, une machine également exceptionnelle. Il oublie qu'il n'y a pas de travail manuel qui ne soit susceptible de subir d'un jour à l'autre le sort du tissage.
 
« Le but constant et la tendance de tout perfectionnement dans le mécanisme est, en effet, de se passer entièrement du travail de l'homme ou d'en diminuer le prix, en substituant l'industrie des femmes et des enfants à celle de l'ouvrier adulte ou le travail de l'ouvrier grossier à celui de l'habile artisan. Dans la plupart des filatures par métiers continus, en anglais <small>throstle-mills</small>, la filature est entièrement exécutée par des filles de seize ans et au-dessous. La substitution de la <small>mule-jenny</small> automatique à la <small>mule-jenny</small> ordinaire a eu pour effet de congédier la plupart des fileurs et de garder des enfants et des adolescents.»
 
Ces paroles du libre-échangiste le plus passionné, M. le docteur Ure, servent à compléter les confessions de M. Bowring. M. Bowring parle de quelques maux individuels, et dit, en même temps, que ces maux individuels font périr des classes entières; il parle des souffrances passagères dans les temps de transition, et, en même temps qu'il en parle, il ne dissimule pas que ces souffrances passagères ont été pour la plupart le passage de la vie à la mort, et pour le restant le mouvement de transition dans une condition inférieure à celle dans laquelle ils étaient placés auparavant. S'il dit, plus loin, que les malheurs de ces ouvriers sont inséparables du progrès de l'industrie et nécessaires au bien-être national, il dit simplement que le bien-être de la classe bourgeoise a pour condition nécessaire le malheur de la classe laborieuse.
 
Toute la consolation que M. Bowring prodigue aux ouvriers qui périssent, et, en général, toute la doctrine de compensation que les <small>free-traders</small> établissent, revient à ceci :
 
Vous autres milliers d'ouvriers qui périssez, ne vous désolez pas. Vous pouvez mourir en toute tranquillité. Votre classe ne périra pas. Elle sera toujours assez nombreuse pour que le capital puisse la décimer, sans avoir à craindre de l'anéantir. D'ailleurs, comment voulez-vous que le capital trouve un emploi utile, s'il n'avait pas soin de se ménager toujours la matière exploitable, les ouvriers, pour les exploiter de nouveau ?
 
Mais aussi, pourquoi poser encore comme problème à résoudre, l'influence que la réalisation du libre-échange exercera sur la situation de la classe ouvrière ? Toutes les lois que les économistes ont exposées, depuis Quesnay jusqu'à Ricardo, sont établies dans la supposition que les entraves qui enchaînent encore la liberté commerciale n'existent plus. Ces lois se confirment à mesure que le libre-échange se réalise. La première de ces lois, c'est que la concurrence réduit le prix de toute marchandise au minimum de ses frais de production. Ainsi le minimum du salaire est le prix naturel du travail. Et qu'est-ce que le minimum du salaire ? C'est tout juste ce qu'il faut pour faire produire les objets indispensables à la sustentation de l'ouvrier, pour le mettre en état de se nourrir tant bien que mal et de propager tant soit peu sa race.
 
Ne croyons pas pour cela que l'ouvrier n'aura que ce minimum de salaire; ne croyons pas, non plus, qu'il aura ce minimum de salaire toujours.