« Baruch Spinoza (Jules Simon) » : différence entre les versions

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Le monde a-t-il commencé, ou est-il éternel? A-t-il une cause, ou subsiste-t-il par sa propre force? Au-delà de ces phénomènes et de leurs lois, la pensée peut-elle saisir un être tout-puissant et infini qui répand partout l’existence et la vie et sème les mondes à travers l’espace? Il n’est point d’engourdissement si profond des sens et de la matière que de telles questions ne puissent secouer. Sorti de l’éternel et nécessaire enchaînement des causes, ou appelé par la Providence, l’homme, intelligent et libre, se sent dépositaire de sa destinée. Avant d’arriver à ce terme où les générations s’engloutissent, il faut bien, chacun à notre tour, nous mettre en face de ce redoutable ''peut-être'', et toucher à ces questions suprêmes qui contiennent dans leurs profondeurs, avec le secret de notre destinée à venir, la sécurité et la dignité de notre condition présente. Userai-le de ma liberté au hasard? Non; comme il n’y a point de hasard dans l’univers, il ne doit pas y en avoir dans la vie. Autour de moi, tout s’enchaîne, tout conspire dans une parfaite et constante harmonie, et moi qui réagis librement sur le monde, moi qui le comprends dans ma pensée, miroir vivant de l’harmonie universelle, je n’apporterais pas ma part dans ce concert! Je n’aurais pas aussi ma destinée, unie par d’indissolubles liens à la destinée du monde! Je n’aurais pas une étoile! Cette force qui. m’est à charge dans le repos, cette lumière qui me conduit, cet inépuisable amour dont je porte en moi le foyer, tout me répond de mon avenir et m’assure d’une immortalité que je dois conquérir par le travail. Je trouverai Dieu par-delà la vie. Quel Dieu? Cet être abstrait, incompréhensible, impuissant, sans coeur et sans entrailles, qui ne saurait m’aimer ou penser à moi sans se dégrader, Dieu inutile pour lequel le monde n’est rien et qui n’est rien pour le monde? ou cette éternelle substance qui sans raison ni volonté, par la loi de son être, produit au dedans d’elle-même tout ce monde et ses lois, avec ce flot de la mort et de la vie dans lequel je suis emporté: substance aveugle et nécessaire qui ne peut vivre qu’aux dépens de ma propre vie, et dont la réalité admise fait de moi un pur néant? Réduire Dieu à l’existence absolue, qui n’est pas l’absolu véritable, mais une abstraction morte, le confondre et l’identifier avec la nature, ou le nier: trois philosophies profondément différentes, qui aboutissent toutes les trois par des chemins opposés à une même conséquence fatale. Les panthéistes ont beau se plaindre et transformer Spinoza en mystique ivre de Dieu: c’est la logique qui leur répond, et qui au bout de leur système leur montre inexorablement la morale des athées.