« La Littérature dramatique à Vienne » : différence entre les versions

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<center>Poèmes dramatiques (''Dramatische Gedichte''), par M. Frédéric Halm; - Vienne, 1845.</center>
 
 
 
Malgré le silence de l'Autriche au milieu du tumulte de l'Allemagne contemporaine, malgré son apathie naturelle, les poètes n'ont pas manqué à ce pays depuis une quinzaine d'années. Le groupe des chanteurs autrichiens et hongrois n'est pas le moins distingué dans l'assemblée un peu confuse de la nouvelle école. Il y a là des noms déjà célèbres, des maîtres généreusement inspirés, et, à côté d'eux, de jeunes disciples pleins de bonne volonté, pleins d'une ferveur qui réjouit l'ame. Le contraste même de cette intéressante ardeur avec l'engourdissement général des esprits donne à ces nobles poètes une valeur plus rare; ils sont pour la critique l'objet d'une étude presque respectueuse; il faut toucher à leurs oeuvres avec des mains amies, et cultiver pieusement ces produits inespérés, ces fruits de poésie, d'enthousiasme, de liberté, venus comme par miracle dans ces landes inhospitalières. On ne trouverait ni à Berlin, ni à Munich, ni sur les bords du Rhin, une telle réunion de trouvères. Anastasius Grün, Zedlitz, Nicolas Lenau, ont conquis en Allemagne une renommée légitime et qui s'accroît chaque jour. ''Les Promenades d'un Poète viennois, la Couronne des Morts, Savonarole et les Albigeois'' sont des oeuvres chères à la Muse, et que consacrent encore l'enthousiasme du bien, l'amour sincère de la liberté, l'ardent espoir d'un avenir plus digne. Dans quelques années, il faut l'espérer, nous ajouterons à ces noms le nom de M. Charles Beck, si le jeune auteur des ''Nuits'' et du ''Poète voyageur'' ne se hâte pas de dépenser à l'aventure sa brillante inspiration. On cite encore des talens nouveaux; la pléiade pourra se compléter; telle qu'elle est déjà, n'est-ce pas un symptôme rassurant, une promesse féconde?
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Ainsi s'endormira de jour en jour cette poésie indolente : la discipline dont elle avait besoin lui a manqué. M. Halm voit bien d'ailleurs qu'il ne s'adresse pas à un auditoire exigeant; il n'a pas en face de lui des penseurs, des ames viriles, des intelligences sévères. Il est gêné surtout par l'esprit qui règne à Vienne. Il a beau imiter Shakespeare, ce roi puissant de la réalité : la réalité l'inquiète, le mouvement de la vie l'effraie; il y rencontrera trop de choses qu'il ne pourra librement porter sur la scène. C'est pour cela que sa muse aime les églogues, les fantaisies amoureuses, tout un idéal gracieux qui vous fait oublier le spectacle du monde. Un des écrivains qui l'ont jugé avec le plus d'indulgence, M. Julius Mosen, a dit de lui en termes aimables : « Tous ces drames expriment parfaitement la vie intellectuelle du peuple autrichien; de toute la réalité on n'a laissé à ce peuple que l'amour, parce que l'amour, comme l'alouette qui chante, ne peut rester sur terre et s'envoie dans l'espace. » Cela est bien dit en effet. Si l'amour chante avec grace dans les drames de M. Halm, la pensée se disperse dans le vide, et le tableau de la vie est perdu pour elle.
 
Cette effémination d'une intelligence bien douée se manifeste d'une façon bien plus affligeante encore dans la récente tragédie de M. Halm, ''le Fils du Désert''. Ce qu'il y a de particulièrement triste, c'est que ce drame contient pourtant une idée; car si cette idée, bonne et généreuse en soi, est employée à un mauvais usage, si l'auteur défigure sa propre conception et lui inflige un sens pernicieux, ne voit-on pas là très clairement, et à nu pour ainsi dire, le mal dont il souffre? Pour moi, au moment où je lis les derniers vers de ce poème, je suis si frappé de cette réflexion, qu'il m'est impossible de ne pas dénoncer l'influence fatale du génie de l'Autriche; je crois la prendre sur le fait, et il me semble que son crime est flagrant. Qu'a voulu M. Halm? il a voulu montrer la puissance bienfaisante de l'amour d'une femme. L'amour, le chaste amour, apaisant les passions furieuses et triomphant de la brutalité, telle est la pensée première qui a séduit l'imagination du poète. L'idée est belle, elle est vraie, elle est féconde : voyez maintenant ce qu'elle va devenir! Au lieu de la brutalité soumise, c'est l'héroïsme énervé que peindra M. Halm. La scène est aux environs de Massilia, à l'époque où les barbares ont envahi les Gaules. Une jeune fille de race grecque, Parthénia, a été prise par les Germains. Le chef, Ingomar, se sent saisi de respect et d'amour à la vue de la belle captive; pour la suivre, il abandonne son camp; il ira partout où elle le conés ira; sans résistance, sans regrets, il quittera ses frères d'armes, il renoncera à sa libre existence et vivra tranquillement dans les murs de Massilia. Le sujet peut très bien être accepté ainsi, et il n'y aurait à blâmer que la simplicité un peu trop naïve de l'invention, si les détails, les peintures, les incidens, n'appelaient une critique tout autrement sévère. Rien de plus bourgeois, en effet, que ce tableau, et, comme il s’agit des rudes conquérans du Ve siècle, tout ce qu'il y a de mou, de gauchement pastoral dans la composition, vous choque plus cruellement encore. Il semble voir ici une glorification de la lâcheté. Non, ce n'est pas l'influence supérieure de l'amour que M. Halm a chantée clansdans son poème. La soumission si facile, si vulgaire, du chef des barbares, ne rappelle nullement, croyez-le bien, le farouche Mauprat dompté par la noble Edmée, ni ces trois frères aux allures sauvages que vaillance sait convertir avec une grace si poétique. Cela Ire remet en mémoire, bien plutôt, le dialogue du chien avec le loup :
 
::Quittez les bois, vous ferez bien;