« Poètes contemporains de l’Allemagne - Franz Dingelstedt » : différence entre les versions

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Ces empressemens généreux, cette franche ouverture de coeur, sont un des signes distinctifs de M. Dingelstedt. On sait qu’il est de mode aujourd’hui de railler ces doux et profonds poètes de la Souabe. M. Henri Heine, sur ce point, est inépuisable. M. Herwegh a interpellé souvent Uhland et ses amis avec une irrévérence hautaine, et M. Freiligrath, tout récemment, n’a-t-il pas déserté le drapeau de ses nobles guides? Au milieu de cette réaction impie, vous qui avez conservé tant de candeur loyale et de juvénile enthousiasme, vous avez mérité, poète, que la Muse vous convie encore à ses fêtes, et que votre nom, à son tour, soit invoqué harmonieusement.
 
Je voudrais accorder les mêmes éloges à toutes les pièces de cette première partie. Puisque l’auteur s’est décidé à retrancher ce qui pouvait paraître blessant dans ses vers, puisque surtout il a fui avec une salutaire aversion les lieux communs des gazettes, commet a-t-il donné place dans son recueil à de mesquines attaques contre la France? On n’est pas surpris de rencontrer ces déclamations vulgaires, ces médiocres épigrammes, chez des écrivains sans mission; elles n’ont blessé vivement chez M. Dingelstedt, et je les signale au poète comme une tache qui dépare son oeuvre. Les vers adressés à la statue de Frédéric, ceux qu’il intitule : ''Légende nouvelle du Munster de Strasbourg'' ne reparaîtront pas, je l’espère, clansdans une prochaine édition. Renonçons enfin, et une fois pour toutes, à ces rancunes surannées. C’est un faux calcul de se fier à la haine pour réveiller chez soi le sentiment national; c’est une grave erreur de croire que l’on fondera ces solides vertus sur la jalousie, sur les passions mauvaises. Il y a un si noble moyen d’entretenir dans l’esprit public le culte de la patrie! il est si doux de chanter les généreux enfans du pays où l’on est né, et de les défendre au jour du péril! Je m’empresse de relire les vers de M. Dingelstedt sur les frères Grimm, sur Jordan, et les éloquens tercets inspirés par la tombe de Chamisso.
 
De cette première partie du recueil à la seconde, la transition est toute naturelle. Le poète a souffert dans son pays; eh bien! qu’il parte, qu’il visite les contrées étrangères, qu’il sache si la vie est plus douce sous un autre ciel, et la liberté plus facile. Il y a quelques années, dans les ''Chants du Veilleur de nuit'', quand M. Dingelstedt descendait du haut de la tour et partait pour ses pèlerinages, il était conduit par une muse irritée; aujourd’hui, il est disposé plutôt à une mélancolique indulgence. Son ardeur un peu désabusée ne demande plus si impérieusement l’impossible idéal que rêvait son ame, et dans ses tableaux de France et d’Angleterre, produits d’une pensée plus calme, on sent déjà les joies paisibles qu’il se prépare au retour. Voici une petite pièce naïve, d’une ironie douce, inoffensive, qui marque bien ce léger désabusement du poète. Il vient de partir, il va entrer en France. Est-ce la France qui possède le plus de liberté? est-ce l’Allemagne? A cette question, le poète, si je le comprends bien, n’est pas très empressé de répondre, et il se distrait par ses doutes malicieux. C’est un '' rheinlied'', un chant du Rhin. Le ''rheinlied'' est chez les Allemands un sujet fort en vogue, une matière à dithyrambes; depuis M. Freiligrath jusqu’à M. Nicolas Becker, chacun a fait le sien; que de strophes bruyantes, que d’emphase! Celui-ci par son originalité railleuse est à la fois une critique aimable et l’expression pensée sceptique du poète. Un jeune ouvrier compagnon passe sur le pont de Kehl; il s’arrête à voir couler l’eau, et c’est lui qui parle ainsi: