« Œuvres de Florian/Théâtre/Avant-propos » : différence entre les versions

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Je n'ai voulu copier ni Marivaux ni Delisle. Cela ne m'aurait pas été facile : l'un avait plus de finesse, l'autre plus de profondeur que moi. J'ai voulu peindre un Arlequin bon, doux, ingénu, simple sans être bête, parlant purement, et exprimant avec naïveté les sentiments d'un cœur très-tendre. Une fois ce caractère établi, non d'après les auteurs qui s'en étaient servis avant moi, mais d'après mes idées particulières, j'ai cherché des intrigues qui pussent m'aider à le développer. J'étais presque sûr que mon héros était intéressant ; son masque et son habit le rendaient comique ; il ne fallait plus que trouver des situations attachantes, et je devais faire rire et pleurer. Il reste à savoir si j'y suis parvenu.
 
Lorsque j'osai risquer pour la première fois au théâtre l'Arlequin que je m'étais créé, il y avait plus de vingt ans que la comédie italienne avait abandonné les pièces de Marivaux et rteDelisiede Delisle, pour des canevas italiens que les acteurs remplissaient à leur gré. J'essayai de rappeler un genre oublié. Je lisfis représenter par des acteurs italiens une pièce toute francaisefrançaise : ''les Deux Billets''. Elle réussit, quoiqu'elle ne fût pas iouéejouée par le célèbre Carlin, acteur à jamais recommandable par ses grâces, par son naturel, et à qui peut-être il n'a manqué que de la mémoire pour être le premier des acteurs comiques.
 
D'après ce succès qui m'encouragea, d'après une chute qui m'éclaira <ref>''Arlequin roi, dame et valet'', tombé le 5 novembre 1779, et jeté au fenfeu le 6 du même mois.</ref>, je voulus donner à mes comédies un hut de morale et d'utilité. Cette idée n'avait rieri de neuf, car toutes les bonnes comédies sont ou doivent être morales. Mais, avec le personnage que j'avais choisi, je ne pouvais pas développer de grands sujets, ni prétendre à corriger les hommes en attaquant de grands vices : j'essayai du moins de les exciter à la vertu, en leur rappelant combien elle donne de vrais plaisirs. Je voulus surtout présenter le tableau de ces vertus familières, de ces vertus de tous les jours, les plus utiles peut- être, les plus nécessaires au bonheur : car ce ne sont pas, ce me semble, les grands préceptes de la morale et de la philosophie que l'on trouve à mettre en pratique le plus souvent. On est rarement dans le cas de sacrifier à son devoir, à la patrie, à l'honneur, à son repos, sa fortune et sa vie; mais on est obligé à tous les instants d'être un bon fils, un bon époux, un bon père.
 
Voilà les modèles que je résolus de tracer. J'avais déjà peint le désintéressement du véritable amour; je tentai de peindre le bonheur de deux époux bien unis, et de prouver qu'il ne faut jamais soupçonner un cœur que l'on connait vertueux. Je voulus ensuite esquisser le tableau d'un père qui adore sa fille, et qui voit sa tendresse récompensée par une confiance entière ; celui d'une mère sage qui se sacrifie elle- même pour rendre sa fille au bonheur ; enfin celui d'un fils vertueux et sensible qui immole sa passion à sa mère.