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{{journal|L’Espagne au XIXe siècle|[[Louis de Carné]]|[[Revue des Deux Mondes]], tomet. 8, 1836|[[Louis de Carné]]|L'Espagne au XIXe siècle}}
 
===Première partie===
 
===La guerre de l’indépendance et la constitution de Cadix===
 
L'Espagne a fini par nous contraindre à nous occuper sérieusement de son sort. Il a fallu que les convulsions de son agonie exerçassent, à Paris, un contrecoup qui déterminât un changement ministériel, pour amener le pays à comprendre que le drame joué au-delà des Pyrénées avec des péripéties si brusques et si sanglantes, n'était pas étranger à ses destinées elles-mêmes. Alors seulement notre solidarité dans un conflit qui décidera de la vitalité des idées que l'Europe entière appelle à bon droit les idées françaises, s'est révélée éclatante à tous les yeux.
 
Il a pu sembler commode, pendant trois années, de ne prêter aux affaires de la Péninsule qu'une attention distraite et secondaire, et d’en remettre la solution au hasard des événemens; on a pu prendre ses me¬suresmesures pour s'arranger tour à tour avec MM. de Zea-Bermudez, Martinez de la Rosa, de Toreno, Mendizabal, peut-être même pour accueillir une combinaison toute différente si elle venait jamais à prévaloir; mais cette politique, qui fut long-temps funeste à l'Espagne avant que la France comprit qu'elle pouvait lui devenir funeste à elle-même, semble près de toucher à son terme; et quelles que puissent être les impossibilités actuelles de l'intervention, j'ose dire qu'il est peu de bons esprits qui ne déplorent comme un malheur et comme une faute le refus opposé en 1835 aux vœux du ministère espagnol. J'ajouterai qu'il n'est pas un homme de pénétration qui, sans prétendre déterminer aujourd'hui ou l'époque ou les conditions de notre concours, ne considère la coopération française comme inévitable dans la crise péninsulaire.
 
L'Espagne ne sortira du chaos où elle se débat entre deux principes également stériles, que par la prépondérance de la France venant en aide à un ordre politique analogue au sien : telle fut toujours notre inaltérable conviction; et ceux qui ont pu garder quelque souvenir des vues émises par nous sur cette matière, pourront attester qu'à nos yeux, cette idée, long-temps avant les complications actuelles, s'était produite avec une autorité qui domine les résolutions les mieux concertées, les volontés les plus énergiques.
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Quand une idée est devenue mot d'ordre, et lorsque le peuple répète sans comprendre, le triomphe en est infaillible et prochain. Tant que les provinces méridionales ne furent pas envahies, la junte centrale eut assez de crédit pour différer une convocation qui devait marquer le terme de sa vie politique. Mais au jour où la paix conclue avec l'Autriche, après la campagne de 1809, permit à Napoléon de rejeter sur la Péninsule ses légions victorieuses, on comprit que, pour résister à ce torrent nouveau, il fallait une nouvelle et immense force morale, et les cortès furent comme une dernière armée de réserve qu'en abdiquant ses pouvoirs, la junte lança contre l'ennemi.
 
« Espagnols, s'écriait-elle en ordonnant la convocation des cortès extraordinaires constituantes pour le 1er mars 1810 la Providence a voulu que, dans notre terrible crise, vous ne fissiez point un seul pas vers l'indépendance sans avancer aussi vers la liberté.... Le premier soin du gouvernement central, à son installation, a été de vous annoncer que si l'expulsion de l'ennemi fut le premier objet de son attention, la prospérité intérieure et permanente de la nation était le principe important. La laisser plongée dans le déluge d'abus consacrés par le pouvoir arbitraire, ç'aurait été, aux yeux de notre gouvernement actuel, un crime aussi énorme que de vous livrer entre les mains de Bonaparte. C'est pourquoi, quand les troubles de la guerre le permirent, il fit retentir à vos oreilles le nom de vos cortès, qui a toujours été pour vous le boulevartboulevard de la liberté civile et le trône de la majesté nationale : nom jusqu'à présent prononcé avec mystère par les savans, avec défiance par les hommes d'état, avec horreur par les despotes; mais qui signifiera désormais, en Espagne, la base indestructible de la monarchie... Cette auguste assemblée va devenir un immense et inextinguible volcan, d'où couleront des torrens de patriotisme pour revivifier toutes les parties de ces vastes royaumes, enflammant tous les esprits de l'enthousiasme sublime qui fait le salut des nations et le désespoir des tyrans (11). »
 
Ce ne sont pas ici des banalités de tribuns enflammés par l'ivresse révolutionnaire. Ce manifeste descend d'un corps où dominent l'esprit des classes privilégiées et les anciennes traditions politiques; ce sont des archevêques et des grands, des généraux et des hommes de cour, libres de toute coërcition matérielle, dominés seulement par d'urgentes nécessités morales, qui poussent ce cri passionné auquel il sera bientôt répondu par la constitution de Cadix.
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Ces opérations, irrévocablement fixées aux 1er octobre, 1er novembre et 1er décembre, concorderaient mal avec notre vivacité et le repoussement qu'a toujours rencontré en France l'élection indirecte ; mais ce n'est pas un motif pour condamner ce mode en Espagne, où quelques modifications pourraient peut-être permettre de l'appliquer heureusement.
 
Les sessions des cortès s'ouvrent de droit, et sans convocation préalable, au 1er mars de chaque année (106). La législature se renouvelle tous les deux ans (108), le droit de la dissoudre est refusé au roi; celui de faire partie de la législature suivante est interdit aux députés (1l0110).
 
Les ministres, conseillers d'état, employés de la maison royale, ne peuvent siéger au corps législatif; les ministres, avec l'agrément des cortès, y obtiennent la parole, mais sans pouvoir assister aux délibérations (125). Les députés ne peuvent obtenir aucun emploi public pendant la durée de leur mandat et un an après sa cessation (130).
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<small> (1) Nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos lecteurs, sur une question qui préoccupe aussi vivement l'attention publique, l'opinion développée d'un homme que ses études et sa haute sagacité ont mis à même d'en porter un jugement calme et approfondi. On ne saurait admettre trop de témoignages impartiaux et éclairés sur un sujet aussi compliqué. Dans deux articles insérés également dans cette ''Revue'', un autre de nos collaborateurs a traité la question espagnole d'une façon non moins curieuse. Il est remarquable que, tout en différant sur certains détails, malgré quelques dissidences partielles, MM. de Carné et Viardot se soient rencontrés sur tous les points fondamentaux : la vérité ne peut que gagner à cette confrontation d'opinions consciencieuses. (N. du D.)</small><br />
<small>(2) Voyez notre article sur l'ouvrage de M. Mignet, n° du 15 juillet 1836. </small><br />
<small>(3) Nommé par Joseph directeur-général de l'instruction publique, Melendez mourut à Montpellier en 1817. </small><br />
<small>(4) ''De l'Espagne. Considérations sur son passé, son présent et son avenir'', par M. le baron d'Eckstein. 1 vol, in-8°. Chez Paulin. rue de Seine. </small><br />
<small> (5) Historiographe d'Aragon. Zurita fut nommé à ce poste, en 1594, par les états du royaume.</small><br />
<small>(6) « Cette variété dans l'origine des provinces explique l'esprit des juntes, qui se réveille dans ce pays sous des formes facilement indépendantes. A cet égard, pour comprendre l'état présent de cette nation destinée à confondre plus d'une fois toutes les prévisions de la sagesse européenne, il faut constamment en interroger le passé. » (''De l'Espagne'', etc, Première partie.) </small><br />
<small>(7) ''Mémorial de Sainte-Hélène''. Juin 1816. </small><br />
<small>(8) Rapport du 22 avril, communiqué au sénat le 4 septembre. </small><br />
<small>(9) Mémorial, Ibid. </small><br />
<small> (10) ''Histoire du soulèvement, de la guerre et de la révolution d'Espagne'', par le comte de Toreno, liv. III.</small><br />
<small> (11) Manifeste à la nation espagnole, 28 octobre 1809. ''Annual Register''.</small><br />
<small> (12) Décret de Séville du 18 avril 1810. ''Moniteur'' du 28 mai.</small><br />
<small> (13) Décrets de Napoléon, datés du camp de Madrid, supprimant l'inquisition, les droits féodaux, les justices seigneuriales, les douanes intérieures des provinces, organisant l'ordre judiciaire, réduisant le nombre des couverts, défendant l'admission des novices, etc. (4, 12 décembre 1808). Décrets de Joseph, supprimant les ordres religieux et militaires, les juridictions ecclésiastiques, le vœu de saint Jacques, l'un des impôts les plus onéreux pour l'agriculture, etc., etc. (18 août, 18 septembre, 16 décembre 1809.)</small><br />
<small> (14) On voit des députés des villes aux cortès de Léon dès le XIIe siècle. A celles de Castille, tenues en 1188, le serment fut prêté par les députés de quarante-huit bourgs. ''Théorie des cortès'', par M. Martinez Marina. Cadix, 1812.</small><br />
<small> (15) Exposition à sa majesté la reine-régente du 21 août 1836.</small><br />
 
(1) Nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos lecteurs, sur une question qui préoccupe aussi vivement l'attention publique, l'opinion développée d'un homme que ses études et sa haute sagacité ont mis à même d'en porter un jugement calme et approfondi. On ne saurait admettre trop de témoignages impartiaux et éclairés sur un sujet aussi compliqué. Dans deux articles insérés également dans cette ''Revue'', un autre de nos colla¬borateurs a traité la question espagnole d'une façon non moins curieuse. Il est remarquable que, tout en différant sur certains détails, malgré quelques dissidences partielles, MM. de Carné et Viardot se soient rencontrés sur tous les points fondamentaux : la vérité ne peut que gagner à cette confrontation d'opinions consciencieuses. (N. du D.)
 
(2) Voyez notre article sur l'ouvrage de M. Mignet, n° du 15 juillet 1836.
 
(3) Nommé par Joseph directeur-générali de l'instruction publique, Melendez mourut à Montpellier en 1817.
 
(4) ''De l'Espagne. Considérations sur son passé, son présent et son avenir'', par M. le baron d'Eckstein. 1 vol, in-8°. Chez Paulin. rue de Seine.
 
(5) Historiographe d'Aragon. Zurita fut nommé à ce poste, en 1594, par les états du royaume.
 
(6) « Cette variété dans l'origine des provinces explique l'esprit des juntes, qui se réveille dans ce pays sous des formes facilement indépendantes. A cet égard, pour comprendre l'état présent de cette nation destinée à confondre plus d'une fois toutes les prévisions de la sagesse européenne, il faut constamment en interroger le passé. » (''De l'Espagne'', etc, Première partie.)
 
(7) ''Mémorial de Sainte-Hélène''. Juin 1816.
 
(8) Rapport du 22 avril, communiqué au sénat le 4 septembre.
 
(9) Mémorial, Ibid.
 
(10) ''Histoire du soulèvement, de la guerre et de la révolution d'Espagne'', par le comte de Toreno, liv. III.
 
(11) Manifeste à la nation espagnole, 28 octobre 1809. ''Annual Register''.
 
(12) Décret de Séville du 18 avril 1810. ''Moniteur'' du 28 mai.
 
(13) Décrets de Napoléon, datés du camp de Madrid, supprimant l'inquisition, les droits féodaux, les justices seigneuriales, les douanes intérieures des provinces, organisant l'ordre judiciaire, réduisant le nombre des couverts, défendant l'admission des novices, etc. (4, 12 décembre 1808). Décrets de Joseph, supprimant les ordres religieux et militaires, les juridictions ecclésiastiques, le vœu de saint Jacques, l'un des impôts les plus onéreux pour l'agriculture, etc., etc. (18 août, 18 septembre, 16 décembre 1809.)
 
(14) On voit des députés des villes aux cortès de Léon dès le XIIe siècle. A celles de Castille, tenues en 1188, le serment fut prêté par les députés de quarante-huit bourgs. ''Théorie des cortès'', par M. Martinez Marina. Cadix, 1812.
 
(15) Exposition à sa majesté la reine-régente du 21 août 1836.
 
 
===Deuxième partie===
 
===Le règne de Ferdinand VII===
 
Quand un souverain régnant par l'hérédité ou par la conquête, use, pour se maintenir, des plombs de Venise ou des cachots du Spielberg, on peut déplorer des rigueurs que l'humanité réprouve, sans contester qu'elles ne soient autorisées par le droit de la défense et de la guerre. Mais qu'un prince porté par l'insurrection au trône d'où venait de tomber son père, et dont la vie s'écoula loin du théâtre d'une résistance héroïque, sans qu'il ambitionnât jamais l'honneur de la partager, expose aux fers et au soleil des présides africains ceux dont le principal tort fut d'avoir subi l'empire d'irrésistibles circonstances, c'est là un de ces actes d'immoralité qui altèrent à leur source tous les sentimens d'un peuple et appellent pour l'avenir de redoutables expiations.
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Le gouvernement rendit aux cortès une part de l'énergie qu'il avait puisée dans cette lutte. Quelques bonnes lois de police furent votées dans les derniers jours d'une législature à laquelle les lumières manquèrent moins que le courage. Mais l'Espagne allait aussi voir succéder sa législative à sa constituante. Des hommes nouveaux, sans aucune solidarité avec leurs prédécesseurs, et possédés du désir de faire mieux qu'eux, ce qui en révolution veut dire faire autrement, choisis pour la plupart sous l'influence de la faction militaire et des sociétés maçonniques, arrivaient avec des dispositions qui rendaient la crise plus prochaine et l'invasion étrangère plus imminente. Le premier acte de l'assemblée fut de porter à la présidence l'homme, plus étourdi que coupable, qui avait laissé faire du nom d'un soldat un symbole de désordre; le second fut de valider l'élection du magistrat que les précédentes cortès avaient mis en cause comme le principal auteur des évènemens de Séville (19). Le congrès, tout entier aux émotions du temps, aborda rarement les questions d'intérêt positif, et les résolut presque toujours dans un esprit étroit et passionné.
 
Ce fut ainsi qu'on le vit, presque au début de la session, renvoyer avec hauteur à la couronne, sans consentir même à discuter les amendemens proposés par les ministres, un projet de loi sur les droits seigneuriaux voté dans la précédente législature, projet auquel le roi, selon sa prérogative constitutionnelle, avait refusé sa sanction, dans un intérêt d'ordre public et d'équité, parce qu'il prescrivait des recherches dangereuses et le plus souvent impossibles. Chaque jour, les membres du premier ministère si soudainement congédié par le monarque venaient demander compte aux dépositaires de sa chancelante autorité d'une situation que d'autres avaient compromise avant eux. Par une adresse solennellement discutée (20), on lui notifia que les cortès renvoyaient au ministère la responsabilité des évènemensévénemens qui semblaient menacer l'Espagne. Si des insurrections absolutistes éclataient sur tous les points, c'était aux ministres qu'il fallait s'en prendre, car ils ne les réprimaient qu'avec mollesse; si des désordres d'une autre nature venaient à se manifester, leur culpabilité devenait plus manifeste encore, car leur système de répression, en poussant les patriotes au désespoir, ne leur laissait d'autre ressource qu'une violence déplorable sans doute dans ses résultats, mais peut-être justifiée dans son principe. Raisonnement dont notre longue expérience laisse facilement deviner le reste.
 
Que pouvait au sein d'une assemblée où pénétraient toutes les clameurs du dehors la voix pure de ce Martinez de la Rosa, orateur-poète que sa nature appelait à faire l'ornement d'une société florissante et calme, et dont la vie s'est usée contre toutes les passions aveugles ou brutales? Que pouvaient alors les hommes de la même école, habiles et nombreux sans doute, mais auxquels manquaient également et un centre où se rallier, et une force organisée pour s'appuyer, en attendant qu'ils se comptassent et crussent en eux-mêmes? Où pouvaient enfin aboutir des projets mal liés qu'on n'osait avouer ni à la cour ni devant le peuple, et dont ceux-là même qui les avaient conçus se défendaient comme d'une injure?
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C'est qu'évidemment ces idées perdent leur sève, et qu'un autre mouvement d'esprit se prépare. Les hommes destinés à en être les instrumens se groupent d'instinct autour d'une jeune reine qui vient ranimer les derniers momens d'une existence flétrie. Des espérances de paternité rattachent pour la première fois le triste monarque à l’avenir ; bientôt il faut défendre ce berceau sur lequel sa main défaillante a jeté son sceptre, faiblesse de père et de roi que les absolutistes de profession se sont ôté d’avance le droit de condamner, car ce parti, comme tous les autres, a succombé par l’abus de ses propres principes. Alors on dut s’attacher à constituer, comme une force politique, des hommes qui jusqu’alors n’avaient paru qu’isolément dans les affaires, et une révolution s’opéra parce qu’une occasion surgit, et que le nom de don Carlos était une menace aux seules idées et aux seuls hommes qui puissent quelque chose pour l'avenir de l'Espagne : révolution qui, sans doute pour son début, a eu l'inconvénient de s'accoler à une intrigue domestique, mais qui au fond la domina toujours, comme les idées dominent les accidens à la suite desquels elles se produisent.
 
Nous avons dû faire précéder l'appréciation de l'état politique de la Péninsule de l'étude d'évènemensévénemens qui seuls peuvent l'éclairer. Ce n'est pas sans quelque difficulté qu'il nous a été donné de rassembler dans un cadre aussi étroit des faits aussi multipliés et si divers; ce ne sera pas non plus, nous le craignons, sans quelque embarras, que les lecteurs pourront les embrasser et les suivre. Mais il suffit que l'esprit ne leur en échappe pas, et qu'ils connaissent les antécédens avec lesquels chaque parti s'est produit dans la lutte actuelle. C'est, en effet, sur leur passé que sont jugés les partis, et rien ne les dégage de cette solidarité rigoureuse. Il reste maintenant à observer l'Espagne se débattant tout à la fois contre les hommes de 1820 et ceux de 1814, et à montrer quelles causes la rendent impuissante à fixer elle-même ses destinées. Il reste surtout à rechercher s'il n'y avait pas un rôle obligé pour le gouvernement français dans une crise non moins grave que celles où l'on s'est trouvé engagé.
 
 
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<small>(1) Décret du 16 mai 1816. </small><br />
<small> (2) Décret du 30 mai 1814</small><br />
<small>(3) Le fragment qui nous a été laissé par M. de Martignac, de l'Essai ''sur la révolution d'Espagne et l'intervention de 1823'', présente un tableau fidèle de cette époque. Malgré l'extrême réserve que son système politique et sa position personnelle imposent à l'auteur, l’ame de l'honnête homme déborde en cris éloquens au récit de ces proscriptions sauvages; et la situation de l'Espagne sous un régime où « l'imprudence le disputait à la cruauté, '' a été rarement appréciée avec un tact politique plus sûr et une plus haute moralité. De telles doctrines sont froides et ternes au jour brillant des révolutions; toutefois, dans la situation de l'Espagne, on serait heureux de pouvoir y recourir pour les terminer. </small><br />
<small> (4) Décret du 21 mai 1814.</small><br />
<small> (5) Décret du 14 juillet 1814.</small><br />
<small> (6) Décrets du 29 mai 1815 et du 6 juillet 1816.</small><br />
<small> (7) Déjà, en 1814, une immense dette étrangère pesait sur l'Espagne, et la bonne foi fut loin de présider à sa liquidation. La Hollande avait fait, en 1807, au ministère de Godoy un prêt de 72,000,000 qu'on hésita long-temps à reconnaître. Les réclamations françaises, dont le règlement dut s'opérer en vertu de la convention du 25 avril 1818, suscitèrent mille difficultés entre les deux cabinets. Enfin, le gouvernement espagnol ne sut rien trouver de mieux, pour diminuer la masse de ses engagemens, que de déclarer déchus de leurs droits à une liquidation, tous les porteurs de titres par possession ancienne ou par acquisition qui les auraient présentés à ''l'intrus'', et en auraient obtenu la liquidation en reconnaissance ou inscription sur les livres de ce gouvernement.</small><br />
<small> (8) Bulle du 26 juin 1818, qui permet d'appliquer, pendant deux ans, les revenus et produits des prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques de nomination royale qui viendraient à vaquer, à l'extinction de la dette publique, ordonne la vacance des bénéfices de, libre collation, pendant six années, et l'application de leurs revenus et du produit des annates à la même destination. </small><br />
<small> (9) Janvier 1819.</small><br />
<small> (10) Le général Elio, étranglé à Valence en 1822, après une captivité de deux années.</small><br />
<small>(11) Melchior fut exécuté à Madrid le 5 février 1820. </small><br />
<small> (12) Loi du 12 octobre 1820.</small><br />
<small> (13) Les membres les plus importans de ce cabinet étaient les frères Argüelles et Garcia Herreros.</small><br />
<small>(14) Après sa première apparition à Madrid, le général Riego, destitué de la capitainerie-générale de la Galice, qui lui avait été conférée après la révolution, reçut ordre de se rendre en exil à Oviedo, sa patrie. Il y resta jusqu'à sa nomination à la capitainerie-générale d'Aragon. Dans un nouveau jour de courage, le gouvernement le révoqua plus tard de ce poste important; mais alors Riego, chef des exaltés, était plus puissant que le ministère et le roi, les cortès et la constitution. </small><br />
<small> (15) Il fut d'abord composé de don Eusebio Bardaxi, don Ramon Feliu, don Vicente Cano Manuel, don Antonio Barata, don Francisco de Paula Escudero et du général Moreno y Daoïx. Plus tard, à la suite des évènemens d'Andalousie et de la formation des juntes insurrectionnelles, le roi dut accepter la démission de plusieurs ministres dont les portefeuilles furent tenus provisoirement. Sitôt que la fin de la législature le lui permit, il appela au conseil Martinez de la Rosa, Gareli, Moscoso et Bodeja, dont la majorité avait souvent suivi les directions calmes et honorables. Néanmoins, malgré divers remaniemens de personnes, le système continua sans interruption, et l'on doit faire remonter au 1er mars 1821 l'établissement du ministère de résistance en Espagne. Ce cabinet ne succomba qu'à la fatale crise du 7 juillet, après seize mois d'une existence orageuse.</small><br />
<small> (16) Environ cinquante députés américains, la plupart du Mexique, assistèrent à la seconde session des cortès.</small><br />
<small> (17) Déclaration de la junte de Cadix du 17 décembre 1821.</small><br />
<small> (18) Rapport de Calatrava du 23 décembre.</small><br />
<small>(19) Le chef politique Escovedo. Il fut décidé, après une longue discussion, à la majorité de 76 voix contre 54, qu'il siégerait aux cortès, nonobstant l'accusation de haute trahison portée contre lui, laquelle devait suivre son cours. Peu après, Escovedo fut solennellement acquitté. </small><br />
<small>(20) 24 mai 1822. </small><br />
<small> <(21) Ainsi nommés du journal ''el Zurriago'' (le fouet)./small><br />
<small> (22) Adresse à son altesse royale le prince généralissime à son entrée à Madrid.</small><br />
<small> (23) Lettre du comte de l'Abisbal au comte de Montijo; 11 mai Proclamation de Morillo, 26 juin. Capitulation de Ballesteros, 4 août, etc.</small><br />
<small>(24) Lettre du duc d'Angoulême au roi d'Espagne, 17 août. Ordonnance d'Andujar qui interdit aux autorités espagnoles de faire aucune arrestation pour cause d'opinions politiques sans l'autorisation préalable des commandans des troupes françaises; place sous la surveillance de ceux-ci tous les journaux et journalistes, etc. </small><br />
<small>(25) Ce ministère dut succomber sous les instances du corps diplomatique, et le 2 décembre il se trouva remplacé par un cabinet où entrèrent le marquis de Casa-Irujo, le comte d'Ofalia, le général Cruz, don Luis Ballesteros et don Luis Maria Salazar, hommes plus ou moins engagés dans les voies de modération </small><br />
<small> (26). Proclamation à l'occasion de l'établissement de la charte brésilienne en Portugal, juillet 1826.</small><br />
<small> (27) Les évêques de Tarragonne et d'Orihuela.</small><br />
 
(1) Décret du 16 mai 1816.
 
=== La Régence de Marie-Christine et la Guerre civile ===
(2) Décret du 30 mai 1814
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(3) Le fragment qui nous a été laissé par M. de Martignac, de l'Essai ''sur la révolution d'Espagne et l'intervention de 1823'', présente un tableau fidèle de cette époque. Malgré l'extrême réserve que son système politique et sa position personnelle imposent à l'auteur, l’ame de l'honnête homme déborde en cris éloquens au récit de ces proscriptions sauvages; et la situation de l'Espagne sous un régime où « l'imprudence le disputait à la cruauté, '' a été rarement appréciée avec un tact politique plus sûr et une plus haute moralité. De telles doctrines sont froides et ternes au jour brillant des révolutions; toutefois, dans la situation de l'Espagne, on serait heureux de pouvoir y recourir pour les terminer.
 
(4) Décret du 21 mai 3814.
 
(5) Décret du 14 juillet 1814.
 
(6) Décrets du 29 mai 1815 et du 6 juillet 1816.
 
(7) Déjà, en 1814, une immense dette étrangère pesait sur l'Espagne, et la bonne foi fut loin de présider à sa liquidation. La Hollande avait fait, en 1807, au ministère de Godoy un prêt de 72,000,000 qu'on hésita long-temps à reconnaître. Les réclamations françaises, dont le règlement dut s'opérer en vertu de la convention du 25 avril 1818, suscitèrent mille difficultés entre les deux cabinets. Enfin, le gouvernement espagnol ne sut rien trouver de mieux, pour diminuer la masse de ses engagemens, que de déclarer déchus de leurs droits à une liquidation, tous les porteurs de titres par possession ancienne ou par acquisition qui les auraient présentés à ''l'intrus'', et en auraient obtenu la liquidation en reconnaissance ou inscription sur les livres de ce gouvernement.
 
(8) Bulle du 26 juin 1818, qui permet d'appliquer, pendant deux ans, les revenus et produits des prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques de nomination royale qui viendraient à vaquer, à l'extinction de la dette publique, ordonne la vacance des bénéfices de, libre collation, pendant six années, et l'application de leurs revenus et du produit des annates à la même destination.
 
(9) Janvier 1819.
 
(10) Le général Elio, étranglé à Valence en 1822, après une captivité de deux années.
 
(11) Melchior fut exécuté à Madrid le 5 février 1820.
 
(12) Loi du 12 octobre 1820.
 
(13) Les membres les plus importans de ce cabinet étaient les frères Argüelles et Garcia Herreros.
 
(14) Après sa première apparition à Madrid, le général Riego, destitué de la capitainerie-générale de la Galice, qui lui avait été conférée après la révolution, reçut ordre de se rendre en exil à Oviedo, sa patrie. Il y resta jusqu'à sa nomination à la capitainerie-générale d'Aragon. Dans un nouveau jour de courage, le gouvernement le révoqua plus tard de ce poste important; mais alors Riego, chef des exaltés, était plus puissant que le ministère et le roi, les cortès et la constitution.
 
(15) Il fut d'abord composé de don Eusebio Bardaxi, don Ramon Feliu, don Vicente Cano Manuel, don Antonio Barata, don Francisco de Paula Escudero et du général Moreno y Daoïx. Plus tard, à la suite des évènemens d'Andalousie et de la formation des juntes insurrectionnelles, le roi dut accepter la démission de plusieurs ministres dont les portefeuilles furent tenus provisoirement. Sitôt que la fin de la législature le lui permit, il appela au conseil Martinez de la Rosa, Gareli, Moscoso et Bodeja, dont la majorité avait souvent suivi les directions calmes et honorables. Néanmoins, malgré divers remaniemens de personnes, le système continua sans interruption, et l'on doit faire remonter au 1er mars 1821 l'établissement du ministère de résistance en Espagne. Ce cabinet ne succomba qu'à la fatale crise du 7 juillet, après seize mois d'une existence orageuse.
 
(16) Environ cinquante députés américains, la plupart du Mexique, assistèrent à la seconde session des cortès.
 
(17) Déclaration de la junte de Cadix du 17 décembre 1821.
 
(18) Rapport de Calatrava du 23 décembre.
 
(19) Le chef politique Escovedo. Il fut décidé, après une longue discussion, à la majorité de 76 voix contre 54, qu'il siégerait aux cortès, nonobstant l'accusation de haute trahison portée contre lui, laquelle devait suivre son cours. Peu après, Escovedo fut solennellement acquitté.
 
(20) 24 mai 1822.
 
(21) Ainsi nommés du journal ''el Zurriago (le fouet).
 
(22) Adresse à son altesse royale le prince généralissime à son entrée à Madrid.
 
(23) Lettre du comte de l'Abisbal au comte de Montijo; 11 mai Proclamation de Morillo, 26 juin. Capitulation de Ballesteros, 4 août, etc.
 
(24) Lettre du duc d'Angoulême au roi d'Espagne, 17 août. Ordonnance d'Andujar qui interdit aux autorités espagnoles de faire aucune arrestation pour cause d'opinions politiques sans l'autorisation préalable des commandans des troupes françaises; place sous la surveillance de ceux-ci tous les journaux et journalistes, etc.
 
(25) Ce ministère dut succomber sous les instances du corps diplomatique, et le 2 décembre il se trouva remplacé par un cabinet où entrèrent le marquis de Casa-Irujo, le comte d'Ofalia, le général Cruz, don Luis Ballesteros et don Luis Maria Salazar, hommes plus ou moins engagés dans les voies de modération
 
(26). Proclamation à l'occasion de l'établissement de la charte brésilienne en Portugal, juillet 1826.
 
(27) Les évêques de Tarragonne et d'Orihuela.
 
 
 
===Dernière partie===
 
 
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Ce parti ne s'arrêta point à la discussion théorique des droits plus ou moins fondés du prétendant; en octobre 1833, à la mort de Ferdinand VII, il se groupa spontanément autour de son chef; et dans ce jour décisif qui pouvait lui assurer la couronne, don Carlos manqua à ses partisans beaucoup plus que ceux-ci ne lui manquèrent. Cette opinion, à laquelle adhérait la majorité des populations rurales, disposait alors de trois cent mille volontaires royalistes, dont la moitié avait des armes; la plus grande partie du corps diplomatique lui prêtait sa force morale. Sur quels élémens s'appuya d'abord la reine-gouvernante pour lui résister; qu'opposa-t-elle à la coalition de tant d'intérêts, de tant de passions, de tant de hautes influences?
 
Marie-Christine avait compris, en mettant le pied dans la Péninsule, qu'il était aussi impossible de ranimer le vieux génie castillan que de restaurer la splendide monarchie d'Espagne et des Indes; elle jugea que ce pays, contraint de remplacer par l'ordre et la production ses richesses d'Amérique et, sa puissance continentale, inclinait forcément vers le système français; cette tendance, dans l'Europe moderne, domine à la fois et les antécédens historiques et les vieilles antipathies nationales. Elle s'entoura donc des hommes de l'école française auxquels l'avènement de don Carlos eût préparé une inévitable disgrace. Elle les appela au ministère, en remplit les principales administrations; et, chose remarquable, ce fût entre les mains d'un magistrat de Joseph que les grands corps de l 'état vinrent promettre foi et hommage à la royauté d'Isabelle (1) !
 
Mais une scission profonde existait entre ces hommes : les uns sympathisaient à la fois avec les méthodes et avec les idées françaises; les autres entendaient appliquer celles-là; tout en répudiant celles-ci. On sait qu'à la tête de ces derniers était M. de Zéa-Bermudez, esprit fort éclairé, sans nul doute, mais qui avait eu le malheur d'étudier la France en Russie, et croyait pouvoir employer les puissans véhicules de notre centralisation administrative, sans l'impulsion morale qui les fait fonctionner chez nous.
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Ce fut, sans doute, une étonnante création que cette armée de Navarre, qui, formée de quelques centaines d'hommes à la fin de 1833, comptait à la mort de Zumalacarregui, en juin 1835, trente-six bataillons d'infanterie, douze escadrons de cavalerie, un parc d'artillerie de siège et de campagne (6) ; insurrection de paysans qui désarma quarante mille hommes, guerre à coups de bâton (''a palos'') qui fit successivement échouer la réputation de Saarsfield et de Quesada, de Valdez et de Rodil, de Mina et de Cordova. Mais y a-t-il dans tout cela quelque chose qui constate la vitalité de la cause au nom de laquelle s'opérèrent ces prodiges? Nous ne le croyons pas, et l'attitude réservée de don Carlos semble attester qu'il partage sur ce point nos convictions.
 
Ne nous bornons pas à dire, pour les défendre, que les quatre provinces basques combattent pour leurs fueros menacés par le régime administratif et l'unité constitutionnelle; assertion qui, toute fondée qu'elle soit dans un certain sens, pourrait être contestée dans un autre, car il est certain qu'on ne trouverait guère d'allusion aux ''fueros'' des provinces dans les proclamations navarraises, et que, dès son début, cette insurrection respirait un esprit de fidélité monarchique dans un sens tout vendéen. Mais tel était le drapeau sans que tel fût le mobile; et si les Basques résistèrent comme royalistes, ce fut évidemment dans leurs institutions spéciales qu'ils puisèrent des forces pour rendre leur résistance efficace. Sa puissance fut tout entière dans les habitudes martiales et libres de ces populations de guérillas, dans leur organisation élective qui se trouva toute prête pour diriger le mouvement, dans l'absence de toute force armée pour s'opposer à la première tentative des volontaires royalistes (7); elle résulta surtout de l'exemption des charges publiques et du recrutement militaire qui avaient laissé sur le sol de ces provinces et leur jeunesse et leurs capitaux. L'insurrection n'a pas eu à renverser dans le nord le gouvernement espagnol : celui-ci n'était guère représenté dans ces provinces que par les agens du service des postes; elle a trouvé sous la main des juntes, des députations, des administrations civiles et financières formées depuis des siècles, et qui sont restées les siennes. Ce fut ainsi que cette guerre prit, dès l'origine, le caractère d'une simple résistance contre l'invasion étrangère, sans affecter celui d'une lutte de parti avec ses espérances passionnées et conquérantes. Un grand tacticien, enfant de ces montagnes est venu en aide à cette cause ; et quoique dans son orgueil triste et sauvage ZumalacarreguiZumalacarre gui ambitionnât l'insigne honneur d'entrer à Madrid le béret rouge sur la tête, la ''zamarra'' sur le corps et la cravache à la main, accompagné de ses guides de Navarre aux brodequins de chanvre et aux uniformes pris sur l'ennemi, quoiqu'il fût incontestablement royaliste dans le sens européen de ce mot, il dut subordonner tous ses plans militaires au génie du peuple dont il conduisait la résistance nationale. C'est pour cela qu'au lieu de s'ouvrir la route de Madrid, il périt sous les murs de Bilbao, le Madrid de l'insurrection vascongade, place que les ministres de don Carlos désirent si vivement posséder pour se procurer des ressources financières, et ses soldats pour constater leur victoire par l'occupation de leur véritable capitale. Il fut toujours dans l'esprit de cette guerre de se circonscrire sans s'étendre. Elle eut la sage ambition de chasser l'ennemi, non l'aventureuse ambition de le poursuivre. L'Espagne déclarerait renoncer à ses droits sur les quatre provinces, que la guerre finirait ''ipso facto'', malgré la résistance du parti castillan : ceci ne semble pas avoir besoin de preuves.
 
Une simple observation établit, d'ailleurs, tout ce qu'il y eut de spécial dans l'insurrection basque, et ne permet point à l'opinion carliste de s'en prévaloir comme d'un indice de sa force. Au moment où Ferdinand ferma les yeux, les tentatives insurrectionnelles ne furent pas circonscrites au nord du royaume. Pendant que la Navarre courait aux armes sans s'émouvoir du coup de foudre qui venait de frapper son chef (8), Mérino avait soulevé les volontaires royalistes entre l'Ebre et le Guadarrama. En Catalogne, des mouvemens avaient eu lieu sur divers points, et aux confins des royaumes d'Aragon et de Valence, les insurgés s'établirent d'abord dans le château de Morella d'où ils appelèrent aux armes les nombreux bataillons de volontaires. Néanmoins, dès le commencement de 1834, tous ces mouvemens étaient étouffés, toutes ces tentatives étaient reconnues impuissantes, et la guerre ne se maintenait qu'au-delà de l'Ebre, parce qu'ailleurs elle était guerre de parti, et que là seulement elle était guerre nationale. Du moment où les diversions tentées par don Carlos sur la Catalogne restaient sans succès, où cette terre des bandes de la foi, n'armait plus ses vieux ''somatènes'' et les restes épuisés de ses ''aggraviados'', il était démontré que l'insurrection carliste, livrée à elle-même, viendrait échouer ou contre l'opposition ou contre l'apathie de l'Espagne.
 
Ces prévisions que tout homme connaissant la Péninsule pouvait former dès les premiers mois de 1834, n'ont point été infirmées par les évènemensévénemens. En vain l'anarchie a-t-elle massacré les moines, exercé ses proscriptions, proscrit les gens de bien, porté l'épouvante au cœur des hommes timides : aucun vengeur n'est sorti de ce sang qui crie encore, et les armées du prétendant n'ont pas plus recueilli les fugitifs de Madrid, que celles de l'émigration ne recevaient les proscrits de la Gironde. Le seul résultat qu'ait amené pour don Carlos cette complète dissolution du pouvoir qui suivit les évènemensévénemens du mois d'août, c'est l'expédition de Gomez, audacieuse maraude dont le caractère politique est assez vaguement indiqué.
 
Cette marche de quatre cents lieues n'a été signalée par aucun soulèvement populaire; aucune junte locale ne s'est organisée sous la protection de ce chef, qui semble avoir moins eu pour but de tenter un appel à des sympathies comprimées, que de faire des fonds pour le quartier-général, en quoi ce fourrageur en grand a merveilleusement réussi. On en est arrivé en Espagne à ce point de lassitude qu'amis et ennemis ont mieux aimé lui livrer leur or que de prendre les armes soit pour le repousser, soit pour le défendre. La marche de Gomez a eu le résultat de constater en même temps et l'impuissance de la révolution et la faiblesse du parti carliste; ou, pour parler plus vrai, ce fut une soudaine révélation que ce pays sembla donner au monde de toutes ses misères à la fois.
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Le pouvoir est la pierre de touche des partis; c'est au pouvoir seulement qu'ils donnent leur mesure. Il était donc difficile, en 1833, d'apprécier les ressources et l'avenir du parti qui se posait pour la première fois devant les deux autres, car l'opinion bicamériste n'avait eu jusqu'alors en Espagne ni corps de doctrines, ni organes avoués. Mais le parti de la constitution de Cadix avait possédé tout cela. Nous l’avons étudié en 1812 dans son orgueilleuse inexpérience, en 1820 dans sa brusque transformation militaire; nous avons vu les théoriciens céder presque sans résistance la place aux hommes d'épée, l'intelligence s'abaisser devant la force, Arguelles devant Riégo. C'est à ce point que se trouvait amené, au moment de l'invasion française, le parti démocratique, et c'est à ce point qu'on le retrouve à sa rentrée en Espagne sous Marie-Christine; et peut-être est-il digne de remarque que l'acte par lequel le ministère Mendizabal scella son alliance avec lui, fut la réhabilitation solennelle d'un homme dans lequel ce parti honorait moins la triste victime d'une réaction politique que le fougueux représentant de ses vœux et de ses rêves (9). Pour apprécier la force réelle de l'opinion de 1820, n'oublions pas avec quelle promptitude elle laissa choir sans le défendre le code immortel de 1812, à l'apparition des premiers bataillons français; reportons-nous surtout à l'universel enthousiasme qui sembla faire de l'invasion de 1823 une délivrance. Ce n'était pas en effet parmi les populations rurales seulement qu'éclatèrent ces témoignages d'adhésion, et les acclamations au roi absolu n'en étaient pas l'accompagnement nécessaire. Les villes les plus notoirement connues pour leurs idées libérales ouvraient sans résistance leurs portes à l'étranger; elles contemplaient avec une ambition triste et jalouse ces soldats, heureux fils d'un pays où la liberté régnait sans violences : tous les vœux se tournaient vers la France, tous les regrets se reportaient vers l'Espagne. Les généraux en masse et la plus grande partie des officiers désiraient conserver des institutions libérales en modifiant leur action, en substituant des influences plus calmes et plus morales à celles qui avaient bouleversé le pays sans y exciter même un courage d'un jour. Les miliciens de Madrid, les insurgés de ''Las-Cabezas'', peu nombreux, mais fort compromis, prolongèrent seuls quelques mois derrière les remparts de Cadix une résistance sans concours et sans espoir. Du jour où le premier soldat français eut passé la frontière, on put dire avec vérité que la constitution de 1812 avait cessé d'être en cause, et que l'avenir de l'Espagne ne se débattait plus qu'entre le vieil absolutisme et une charte à la française.
 
On a déjà vu que toutes les tentatives des réfugiés avaient été frappées d'impuissance sous la restauration, époque durant laquelle se développèrent simultanément dans les classes éclairées une tendance chaque jour plus prononcée vers les réformes politiques, et un repoussement qui allait jusqu'à l'effroi au seul souvenir de 1820. C'est à ce sentiment, partagé par l'armée elle-même, qu'il faut attribuer l'inquiétude avec laquelle l'Espagne accueillit la nouvelle des évènemensévénemens de juillet, sur la portée desquels personne ne se faisait illusion. On sait comment échouèrent dans les provinces du midi aussi bien que dans celles du nord des entreprises essayées sur des points à peu près sans défense. Il était évident, rien qu'à voir l'attitude du pays, qu'il hésitait à recevoir la liberté de mains qui menaçaient de la lui rapporter folle encore et sanglante.
 
Cette atonie se maintint jusqu'en 1832 : alors une perspective nouvelle s'ouvrit devant l'Espagne; on la vit se précipiter avec autant d'ardeur dans la voie des réformes ouverte par la régente, qu'elle avait mis de réserve à y entrer lorsque les vétérans de la constitution de 1812 s'offraient à la conduire. C'est qu'une opinion nouvelle se produisait à cette époque pour la première fois, rappelant à divers égards ce juste-milieu qui l'emporte aujourd'hui en France, mais avec des différences qui ne sont pas moins manifestes que les analogies.
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Lorsqu'on affirme qu'il n'y a pas de juste-milieu dans la Péninsule, on a parfaitement raison, si l'on entend par là cette classe intermédiaire hostile à la vieille aristocratie terrienne en même temps qu'inquiète de la turbulence démocratique, redoutant les marquis à l'égal des prolétaires, et dont l'innocente ambition est de faire danser, une fois l'année, ses femmes et ses filles dans le grand salon du palais. Cette classe, représentée aux affaires par l'électorat à 200 fr., est fort loin sans doute, en Espagne, du degré d'importance qu'elle a chez nous; comment en serait-il autrement en un pays où la presque totalité de la propriété foncière est restée jusqu'à présent grevée de main-morte ou de substitution ? Aussi n'y a-t-il pas à s'étonner que la bourgeoisie proprement dite, à peine parvenue, en France, après quarante ans, à se défendre énergiquement elle-même, ait manqué au gouvernement de la reine dans les terribles crises qu'il a traversées. La garde nationale, cette compagnie d'assurance mutuelle contre toute violence, ne saurait être appliquée au-delà des Pyrénées avec les garanties que cette institution peut offrir ailleurs; et l'on comprend à merveille les hésitations qu'éprouva sur cette matière le ministère de 1834, et dont témoignent d'une manière si peu équivoque les décrets des 16 et 20 février et du 1er mars de cette année. Pour que le système français, vers lequel gravite l'Espagne, mais qu'elle est encore si loin d'atteindre, existe en ce royaume avec toutes les conditions de sa force, il faut que la révolution soit consommée dans ses effets civils, et que la sécurité publique ait imprimé à la richesse nationale un élan qui ne pourrait manquer d'être rapide; alors seulement on sera en position d'attendre de la classe moyenne un dévouement dont son intérêt seul est la mesure et le gage.
 
Quoique l'opinion générale des villes fût favorable au système représenté par M. Martinez de la Rosa, si ce n'est peut-être dans quelques cités maritimes du midi, il est certain que les intérêts bourgeois n'offraient pas par eux-mêmes une base large et solide pour le trône constitutionnel d'Isabelle, et qu'au rebours de ce qui se passe chez nous, il fallait chercher dans la noblesse la principale force du juste-milieu espagnol. Mais pour apprécier avec justesse l'état politique de ce pays, il faut se rappeler qu'en acceptant le statut royal et en se ralliant au gouvernement de la régente, la noblesse n'agit point dans un intérêt spécial, en tant que corps aristocratique. La noblesse espagnole, on le sait, était à peu près sans privilégeprivilège, et l'espèce d'égalité établie dans ce pays par les habitudes, si ce n'est par les institutions, la dérobait à la jalousie des autres classes, aussi bien qu'à la nécessité de se défendre contre elles. Si la noblesse a fourni de plus nombreux adhérens au système du statut royal, c'est que l’éducation politique était plus avancée dans ses rangs, et qu'encore une fois le juste-milieu espagnol, si l'on veut lui donner ce nom, est une affaire de progrès intellectuel beaucoup plus que de position sociale.
 
Là est le secret de sa force dans l'avenir, en même temps que de sa faiblesse dans le présent, faiblesse dont il serait néanmoins inexact d'arguer pour contester à ce parti une supériorité politique, au moins relative, sur les deux autres. S'il est moins nombreux que celui-ci, ou moins entreprenant que celui-là, seul, du moins, il est en mesure, hors certaines circonstances passagères, d'exercer dans le pays une action gouvernementale, interdite au parti carliste aussi bien qu'à la faction militaire. Quoiqu'il n'y ait en Espagne ni centre, ni point de ralliement pour les forces nationales ou pour les idées, quoique les provinces, les villes et les citoyens vivent à part les uns des autres et dans un état en quelque sorte passif en face des factions, il est certain que, depuis trois années, chaque fois que ce malheureux pays a pu exprimer sa pensée avec quelque liberté, il s'est instinctivement rapproché de cette opinion moyenne, qu'il sait désireuse de le défendre contre des violences qu'il redoute, sans avoir par lui-même le moyen de s'y dérober.
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Que le mauvais succès du vieux ''guerillero'' ait tenu à ces circonstances ou à la nature même de cette lutte, c'est ce que pour nous, Français, il est peu intéressant et très difficile de décider. Toujours est-il qu'après des désastres multipliés, dont l'effet fut de porter au plus haut degré l'irritation populaire, sans qu'il en sortit une énergique résistance; les choses en arrivèrent bientôt au point que les généraux de cette armée, réduite de quarante-trois mille hommes à moins de dix mille combattans, consultés officiellement par le général Valdez, successeur de Mina, sur les moyens de sortir d'une position aussi critique, reconnurent à la presque unanimité que le concours de la France était indispensable pour terminer la guerre de Navarre.
 
Le général Llauder, pendant le cours de son ministère, ne s'était pas dissimulé ce résultat, auquel l'apathie de l'opinion publique et l'épuisement de ses ressources ne donnaient à l'Espagne aucun moyen d'échapper. Mais comme il reste toujours quelque- chose du poète, dans l'homme d'état, M. Martinez de la Rosa avait repoussé avec une vive indignation cette idée, fort douloureuse sans doute au cœur d'un patriote, mais que le premier ministre d'un grand pays n'avait pas le droit de rejeter péremptoirement, si c'était désormais son seul moyen de salut. Malheureusement la ferme volonté de l'Espagne de terminer par ses propres efforts, et sans recourir à ses alliés, une lutte engagée contre un petit nombre de factieux, avait été pour M. Martinet de la Rosa un de ces lieux communs de tribune, que tous les orateurs tiennent en réserve. Celui-ci le servait d'autant mieux qu'il réduisait au silence l'opposition, dont la tactique était de prêter au gouvernement une arrière-pensée toute différente. L'intervention, en effet, était alors présentée, par la presse périodique de Madrid et de Paris, comme le vœu secret du cabinet du 11 octobre, pour contenir le mouvement révolutionnaire dans la Péninsule; et la plus complète impopularité s'attachait à une idée autour de laquelle on multipliait à plaisir des obstacles, qu'on n'est guère en droit de contester après avoir tant contribué à les faire naître. Le premier ministre espagnol se donnait donc beau champ, et s'assurait à bon marché les applaudissemens du journalisme, en protestant chaque jour contre la pensée d'appeler jamais les baïonnettes étrangères au secours de la plus glorieuse des régénérations.
 
Son opinion, passionnée sur ce point, avait été, entre lui et le ministre de la guerre Llauder, le motif d'une scission presque scandaleuse qui commença dans les journaux pour finir devant la reine. Cependant le capitaine-général de Catalogne avait à peine quitté le ministère, que M. Martinez de la Rosa, dominé par une triste évidence, en vint, dans les derniers jours de sa vie politique, à embrasser la distinction fameuse entre l'intervention et la coopération. Mais soit qu'elle répugnât à sa droiture, soit qu'il se sentit sans autorité pour solliciter de la France et faire agréer à l'Espagne une mesure qu'il avait trop légèrement condamnée, il dut céder à M. le comte de Toréno la pénible tâche de ramener la presse et l'opinion à une plus exacte appréciation des choses; et ce dernier reçut mission de fixer avec la France et l'Angleterre le sens d'un traité qui n'avait guère été jusqu'alors qu’un instrument sans valeur (13).
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L'intervention, qui jusqu'alors n'avait été qu'un thème de publiciste, se produisait donc en ce moment avec une haute autorité politique. Le ministère espagnol déclarait qu'à ses yeux l'avenir de la monarchie constitutionnelle reposait sur cette négociation, déclaration que les évènemens sont loin d'avoir infirmée. Arrivés à ce point, nous devons donc aborder une question qui, depuis, a dominé toutes les autres, et dont ces études ont eu pour but spécial d'éclairer la solution.
 
On n'avait pu manquer de voir avec faveur, à Paris, l'avènement au trône de la jeune reine. Il était évident, en effet, que l'infant don Carlos serait dominé par des influences anti-françaises; et ce danger, dans la situation de l'Europe, était plus grave, sans nul doute, que la préoccupation éventuelle de voir un archiduc régner un jour à Madrid. Personne n'ignorait que les affinités politiques ou l'identité des intérêts sont désormais les seules bases d'alliance; aussi, notre gouvernement, renonçant avec raison et sans hésiter au bénéfice des stipulations d'Utrecht, fit-il transmettre à la reine-régente des protestations solennelles et empressées. Elles parvinrent à Madrid au moment même où M. de Zéa y faisait l'essai de ce despotisme éclairé dont le premier tort fut d'être un anachronisme. Cette circonstance, jointe aux déclarations irréfléchies de la presse semi-officielle, fit penser en Espagne, et même en Europe, que la France prenait sous un même patronage et le trône de la reine et le système de son ministre, politique fort naturelle en temps de paix, mais qui devenait plus que hasardeuse en face d'une guerre civile. A Paris comme à Madrid, on semblait avoir négligé de tenir compte des obligations résultant de cette guerre, qui entraînaient forcément vers l'opinion libérale, et l'on aima mieux se mettre à la remorque des évènemensévénemens que d'essayer de les conduire. Aussi, par suite de la position qu'on s'était faite, et de la solidarité qu'on avait assumée, la chute du ministère Zéa parut-elle un coup des plus graves porté à l'influence française, et le traité du 22 avril ne put suffire à l'atténuer.
 
Ce traité, baptisé d'un nom pompeux, et dont les résultats ont été si modestes, fut conçu, on doit le croire, dans des vues hautes et précises. Penser autrement, ce serait admettre que la politique française, si clairvoyante dans la question belge, s'engageait à l'aventure, pour la stérile satisfaction d'inquiéter les puissances naguère représentées à München-Graëtz, dans de vagues stipulations dont elle laissait au hasard le soin de fixer le sens. Quoi qu'il en soit, à ne juger de cette alliance que par l'acte patent qui la consacre, elle semble d'abord avoir eu pour but exclusif de sanctionner, par l'adhésion à peu près inutile de la France, un fait déjà en cours d'exécution, la coopération d'une division espagnole en Portugal pour en chasser don Miguel et don Carlos, et y rétablir l'autorité de dona Maria.
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Ici la tâche du publiciste qui se respecte devient plus difficile; il n'entend pas, comme d'autres, tout ce qui se dit dans les conseils des rois; il ne lit pas, dans les portefeuilles des courriers, les correspondances les plus intimes, et se refuse à raisonner sur autre chose que sur les faits et les documens acquis à la publicité. Néanmoins il est un point de vue d'où l'on domine, à bien dire, les transactions les plus secrètes, et duquel il est licite, sinon de les juger en elles-mêmes, du moins d'apprécier leurs résultats avec quelque assurance. Ce point de vue est celui de la nature des choses.
 
L'école gouvernementale en fait trop souvent abstraction, disposée qu'elle est à se considérer comme le centre d'où partent et où viennent aboutir les évènemensévénemens. Peut-être la diplomatie ne voit-elle pas assez que, de notre temps, elle ne remplit guère dans la vie des peuples que l'office du notaire qui met en forme exécutoire des conventions arrêtées sans lui. Les arrangemens de cabinet, qui, au XVIIIe siècle, décidaient souverainement du sort des nations, sont désormais subordonnés à des intérêts avec lesquels il serait trop redoutable de se compromettre, là même où le contrôle de l'opinion ne s'exerce pas d'une manière légale. C'est pour cela que la perspicacité du publiciste peut, jusqu'à un certain point, suppléer aux notions précises de l'homme d'état.
 
Qui n'aurait pu deviner, en effet, en étudiant les tendances des idées ou les exigences des intérêts matériels, l'issue des principales transactions contemporaines? N'était-il pas probable, par exemple, dès 1821, à voir la vive et universelle émotion de l'Europe, la sympathie religieuse et politique de la Russie, que la Grèce ne retomberait pas sous le joug ottoman, quoique, sous des impressions habilement suscitées, Alexandre eût d'abord dévié des traditions de l'empire; et les cabinets, alors le plus hostiles à cette cause, n'ont-ils pas été conduits à signer, en 1827, l'émancipation de ce pays? Pouvait-on croire également, en pesant les intérêts commerciaux de l'Angleterre et la nécessité où elle était alors de maintenir la paix continentale, qu'en 1823, lors de l'expédition française en Espagne, le cabinet de Saint-James se compromit sérieusement avec celui des Tuileries et avec toutes les puissances signataires des actes de Vérone? N'était-il pas manifeste que, nonobstant les notes et les citations virgiliennes de M. Canning, l'intervention suivrait son cours sans obstacle? Enfin, lorsqu'en 1830 les cabinets furent froissés dans leurs plus profondes croyances, ne se sont-ils pas, avec une haute raison, empressés d'offrir une ratification que leur principale crainte fut de ne pas voir demandée; et lorsqu'à cette époque on a tremblé pour la paix du monde, ces appréhensions ne s'appuyaient-elles pas bien plus sur les exigences de la révolution que sur celles de la diplomatie européenne?
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Là gît toute la faiblesse d'un système qui n'est ni dans nos mœurs, ni dans nos traditions nationales. La France fut toujours assez grande, et l'Europe la sait assez modérée, pour avoir le droit d'agir à la face du monde, et pour couvrir tous ses enfans de l'ombre de son drapeau, lorsqu'ils combattent pour elle. La coopération, telle que l'a conçue le ministère du 11 octobre, telle même que l'administration du 22 février voulait l'étendre, ne pouvait avoir pour effet que d'atténuer l'irréparable faute commise en juin 1835, et d'en retarder les inévitables conséquences. A ce titre, elle avait sans doute encore une véritable importance politique; et l'on comprend qu'un cabinet, plutôt que de renoncer à cette dernière ressource, se soit dissous en face d'une telle responsabilité.
 
Cependant l'état des choses s'était compliqué à ce point, que la continuation du concours semblait nous compromettre désormais autant que l'avaient fait les refus antérieurs, et qu'il y eut peut-être sagesse à livrer au hasard des évènemensévénemens qu'on s'était rendu gratuitement incapable de maîtriser. Au fond, le ministère du 22 février et celui du 6 septembre restent en dehors de la véritable question espagnole; c'était avant qu'il fallait la résoudre; depuis on n'a guère eu qu'à choisir entre des fautes et des impossibilités.
 
Dissoudre le dépôt de la légion étrangère, abandonner l'Espagne à elle-même, était une marche fort dangereuse, car on semblait ouvrir la route de Madrid à don Carlos, et l'on acceptait aux yeux de la France la solidarité directe d'un tel évènement. Maintenir les enrôlemens, pousser nos soldats en Espagne, au moment où l'insurrection militaire y substituait les épaulettes de capitaine aux galons de sergent; tendre une main empressée au pouvoir sorti d'une nuit de désordre, c'était courir des chances également redoutables, et se compromettre plus sérieusement avec l'Europe qu'on ne l'eût fait par l'intervention antérieurement exercée.
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Les prévisions qu'inspirait, il y a si peu de mois, l'état de la Péninsule, semblent, à certains égards, il est vrai, avoir été trompées. Mais si don Carlos, au lieu de profiter des épreuves de l'Espagne et de notre tolérance, s'est maintenu dans ses lignes, revenant à Bilbao sans rien tenter sur Burgos, c'est là un dernier témoignage de prudence ou de faiblesse, sur lequel il est juste de reconnaître qu'on était fort loin de compter. D'un autre côté, si le mouvement révolutionnaire avorte, comme une traînée faisant long feu, si cette assemblée joue son rôle de convention nationale avec un sang-froid fort édifiant, ce n'est là ni ce qu'on croyait, ni ce qu'on annonçait chaque jour à la France; or, en politique, les miracles ne dispensent pas de prévoyance.
 
D'ailleurs, soit que le prétendant gagne du terrain ou qu'il se borne à se maintenir; soit que l'ardeur révolutionnaire, un instant contenue, reprenne son cours ou qu'elle s'éteigne, une question se reproduira toujours incessante, toujours sûre de triompher des hésitations et des retards. L'intervention deviendra une nécessité finale, à laquelle les évènemensévénemens acculeront les plus récalcitrantes volontés.
 
Si l'on ne reconnaît pas la convenance de prêter secours à Madrid à un système politique réclamant un ''tuteur'', comme ces, jeunes plants qui chassent sur leurs racines avant de les enfoncer dans le sol, un jour viendra où il faudra bien finir cette guerre de Navarre, si désastreuse pour nos provinces limitrophes. On a renoncé, je pense, à regarder l'Espagne comme étant en mesure de la terminer elle-même; il est démontré qu'à cet égard le mouvement peut encore un peu moins que la résistance, et nul n'ignore que son gouvernement songe bien plus désormais à protéger son territoire qu'à reconquérir celui que l'insurrection parait s'être irrévocablement acquis. N'est-il pas manifeste que si les provinces basques laissaient aujourd'hui de côté la question de parti, pour s'en tenir au fait consommé pour elles, leur indépendance serait presque aussi solidement fondée que le fut celle du Portugal au XVIIe siècle?
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Je suis fort loin de partager les vues de séparation politique émises dans ce recueil par un écrivain, du reste, fort compétent et fort éclairé; un tel projet susciterait d'insolubles objections dans l'intérêt même des quatre provinces, outre que le mouvement européen incline bien plus à réunir les peuples qu'à les fractionner. Cependant, comment nier qu'il n'y ait là des droits historiques tout pleins de sève, avec lesquels la victoire oblige d'ailleurs à composer? Le moment ne peut être éloigné où l'Europe elle-même comprendra l'urgence de maintenir à la fois, par une intervention diplomatique probablement inefficace sans une occupation militaire, et l'intégrité de la monarchie espagnole et une position exceptionnelle que le temps seul fera cesser.
 
Quant à l'avenir du pays dont on vient de s'occuper longuement, il serait problématique sans doute, si un peuple chrétien pouvait disparaître sous le ciel, sans invasion, sans catastrophe, et par le seul effet d'une irrémédiable décrépitude. Mais un tel exemple de la rigueur divine sur les nations ne s'est pas encore vu dans le monde. Que l'Espagne souffre donc pour tant de maux versés sur les cieux continens, pour l'orgueil barbare de ses pères auquel le ''deposuit potentes'' est si sévèrement appliqué; qu'elle expie le crime de s'être placée à part du mouvement du monde, et d'avoir mis l'héritage de la vérité sous l'exclusive protection du bras de chair; qu'elle souffre, mais qu'elle espère, car déjà, malgré l'incertitude des évènemensévénemens politiques, ses idées se transforment et ses mœurs avec elles; qu'elle espère surtout en la France, car la France la sauvera : c'est encore là l'une des fatalités glorieuses de sa destinée.
 
 
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(1) Don Francisco-Fernando del Pino, ministre de grace et justice.
 
(2) Circulaire du 5 décembre 1832 à tous les agens de sa majesté catholique près les cours étrangères, pour leur exposer les principes conservateurs du ministère formé par la régente.
 
(3) Voyez le manifeste de la régente, 4 octobre 1833.
 
(4) 16 janvier 1834.
 
(5) ''De l’Espagne, Considérations sur son passé, son présent et son avenir. Chez Paulin? 1 vol. In-8°.
 
(6) ''Essai sur les provinces basques et la guerre dont elles sont le théâtre''. Bordeaux, 1836. – ''Mémoires sur Zumalacarregui et les premières campagnes de Navarre, par C.F. Heningsen; 2 vol. In 8°. Fourier à Paris.
 
Nous recommandons vivement ces deux ouvrages aux personnes qui veulent étudier avec quelque soin les affaires de la Péninsule. L'ouvrage du capitaine Henningsen est jeune d'esprit et court de vues politiques; mais les impressions en sont vraies, l'histoire y est sincère, et le drame s'y déroule, dans sa grandeur confuse, sans prétention et sans recherche. Je doute que l'auteur soit capable d'écrire le moindre article de journal; mais à coup sûr la plupart des journalistes se tourmenteraient en vain pour atteindre à cette naïveté pittoresque.
 
''L'Essai sur les provinces basques'' est une œuvre de haute portée. Cet ouvrage, avec les fragmens publiés à diverses reprises dans la ''Revue de la Gironde'', offre, sans contredit, ce qui s'est écrit de plus substantiel sur la question espagnole, que la presse périodique de Madrid est plus propre à embrouiller qu'à éclaircir.
 
(7) Au commencement d'octobre 1833, lorsque les bataillons de volontaires proclamèrent l'infant don Carlos à Vittoria et à Bilbao, il n'y avait pas, d'après les documens publiés par le gouvernement espagnol, un soldat dans ces places. De l'Ebre aux Pyrénées, on comptait deux régimens seulement, l'un à Saint-Sébastien, l'autre à Pampelune. Il y en avait quatre ou cinq dans les places de guerre de la Catalogne, et un seulement dans la Vieille-Castille.
 
(8) Santos-Ladron, ancien vice-roi de Navarre, et l'un des officiers de l'armée de la foi, fut arrêté près de Los-Arcos de la main même de Lorenzo, colonel du 12me, sorti de Pampelune avec cent hommes. Il fut conduit dans cette ville, et fusillé 1e 13 octobre.
 
(9) Un décret du 30 octobre 1833 a prononcé la réhabilitation de don Raphaël Riego, en disposant : 1° que ce général était réintégré dans sa réputation et dans son honneur; 2° que sa famille jouirait de la pension et des droits à lui appartenant; 3° que cette famille était placée sous la protection spéciale de la reine, et sous celle de la régente durant la minorité.
 
(10) Exposé du conseil des ministres à sa majesté la reine-régente, 4 avril 1834.
 
(11) 1er septembre 1834.
 
(12) Débarqué à Portsmouth le 18 juin 1834, don Carlos passait à paris le 6 juillet, et se trouvait en Espagne le 10 du même mois.
 
(13) M. Martinez de la Rosa donna sa démission le 7 juin 1835; le ministère de M. de Toréno fut formé par décret royal du 13 du même mois.
 
(14) Articles additionnels du 18 août au traité du 22 avril 1834.
 
<small>xxxxxxxxxx</small><br />
(15) L’auteur a peut-être le droit de faire remarquer qu’ayant eu occasion, dans le cours de l’année dernière, de traiter incidemment cette question dans ce même recueil, il la résolut dans les mêmes termes, en laissant prévoir des chances qui se sont trop tristement réalisées. Il est loin d’attacher de l’importance à ses idées ; mais il met quelque prix à établir qu’elles ont toujours été fixées sur un sujet qui a été pour la presse périodique le sujet des plus étranges et des plus déplorables variations. (''Des parties et des écoles politiques en France'', troisième article, ''Revue des Deux Mondes'', n° du 1er novembre 1835.)
<small>(1) Don Francisco-Fernando del Pino, ministre de grace et justice. </small><br />
<small>(2) Circulaire du 5 décembre 1832 à tous les agens de sa majesté catholique près les cours étrangères, pour leur exposer les principes conservateurs du ministère formé par la régente. </small><br />
<small> (3) Voyez le manifeste de la régente, 4 octobre 1833.</small><br />
<small> (4) 16 janvier 1834.</small><br />
<small> (5) ''De l’Espagne, Considérations sur son passé, son présent et son avenir. Chez Paulin? 1 vol. In-8°.</small><br />
<small>(6) ''Essai sur les provinces basques et la guerre dont elles sont le théâtre''. Bordeaux, 1836. – ''Mémoires sur Zumalacarregui et les premières campagnes de Navarre, par C.F. Heningsen; 2 vol. In 8°. Fourier à Paris. </small><br />
<small> Nous recommandons vivement ces deux ouvrages aux personnes qui veulent étudier avec quelque soin les affaires de la Péninsule. L'ouvrage du capitaine Henningsen est jeune d'esprit et court de vues politiques; mais les impressions en sont vraies, l'histoire y est sincère, et le drame s'y déroule, dans sa grandeur confuse, sans prétention et sans recherche. Je doute que l'auteur soit capable d'écrire le moindre article de journal; mais à coup sûr la plupart des journalistes se tourmenteraient en vain pour atteindre à cette naïveté pittoresque.</small><br />
<small> ''L'Essai sur les provinces basques'' est une œuvre de haute portée. Cet ouvrage, avec les fragmens publiés à diverses reprises dans la ''Revue de la Gironde'', offre, sans contredit, ce qui s'est écrit de plus substantiel sur la question espagnole, que la presse périodique de Madrid est plus propre à embrouiller qu'à éclaircir.</small><br />
<small>(7) Au commencement d'octobre 1833, lorsque les bataillons de volontaires proclamèrent l'infant don Carlos à Vittoria et à Bilbao, il n'y avait pas, d'après les documens publiés par le gouvernement espagnol, un soldat dans ces places. De l'Ebre aux Pyrénées, on comptait deux régimens seulement, l'un à Saint-Sébastien, l'autre à Pampelune. Il y en avait quatre ou cinq dans les places de guerre de la Catalogne, et un seulement dans la Vieille-Castille. </small><br />
<small> (8) Santos-Ladron, ancien vice-roi de Navarre, et l'un des officiers de l'armée de la foi, fut arrêté près de Los-Arcos de la main même de Lorenzo, colonel du 12me, sorti de Pampelune avec cent hommes. Il fut conduit dans cette ville, et fusillé 1e 13 octobre.</small><br />
<small>(9) Un décret du 30 octobre 1833 a prononcé la réhabilitation de don Raphaël Riego, en disposant : 1° que ce général était réintégré dans sa réputation et dans son honneur; 2° que sa famille jouirait de la pension et des droits à lui appartenant; 3° que cette famille était placée sous la protection spéciale de la reine, et sous celle de la régente durant la minorité. </small><br />
<small>(10) Exposé du conseil des ministres à sa majesté la reine-régente, 4 avril 1834. </small><br />
<small> (11) 1er septembre 1834.</small><br />
<small>(12) Débarqué à Portsmouth le 18 juin 1834, don Carlos passait à paris le 6 juillet, et se trouvait en Espagne le 10 du même mois. </small><br />
<small>(13) M. Martinez de la Rosa donna sa démission le 7 juin 1835; le ministère de M. de Toréno fut formé par décret royal du 13 du même mois. </small><br />
<small> (14) Articles additionnels du 18 août au traité du 22 avril 1834.</small><br />
<small> (15) L’auteur a peut-être le droit de faire remarquer qu’ayant eu occasion, dans le cours de l’année dernière, de traiter incidemment cette question dans ce même recueil, il la résolut dans les mêmes termes, en laissant prévoir des chances qui se sont trop tristement réalisées. Il est loin d’attacher de l’importance à ses idées ; mais il met quelque prix à établir qu’elles ont toujours été fixées sur un sujet qui a été pour la presse périodique le sujet des plus étranges et des plus déplorables variations. (''Des parties et des écoles politiques en France'', troisième article, ''Revue des Deux Mondes'', n° du 1er novembre 1835.)</small><br />