« Appel à la justice de l’État/Première lettre à milord Sidney » : différence entre les versions
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Milord, ces variations, ces délais, ne sont pas mal assortis à l'esprit de la tyrannie, qui ne m'a captivé dans les fers, durant 928 jours, que sous la ferme espérance, qu'un si long esclavage, en minant sourdement les ressources de ma fortune et les principes de mon existence, consommerait le triomphe de ses injustices en les dévouant à l'impunité. Car, Milord, les pauvres et les morts ont toujours tort au tribunal des hommes et surtout du vulgaire des hommes. Les preuves de cette triste vérité sont consignées sur les tombeaux ou dans ces cabanes lugubres d'une foule d'infortunés qui, écrasés par la tyrannie du despotisme à Québec, ou ne sont plus pour se plaindre, ou n'ont plus dans le sein de la plus horrible indigence que des voix trop faibles pour faire retentir au loin leurs larmes et leur soupirs. Mais moi, Milord, au moins j'existe encore; et quoique bien affaibli à tous égards je suis à Londres où je puis expliquer librement mes gémissements et mes plaintes et émouvoir, par un langage si affectif, les entrailles de toute la nation: j'en appelle donc hautement au tribunal de Sa Majesté contre ces délais affectés qui ne sont évidemment complotés que pour soustraire le crime et le criminel au châtiment des lois. Ma constitution, ébranlée jusques dans les fondements par les cruautés accumulées d'un long emprisonnement ne se soutient qu'à peine et en chancelant; attendrait-on, Milord, que je n'existasse plus pour m'ouvrir le chemin de la justice; et serait-il
à mes cendres froides et inanimées, qu'on viserait à laisser le soin de poursuivre légalement mon persécuteur? Lâches! mon ombre plaintive pourrait tout au plus articuler des soupirs; et il faut plus que des soupirs pour frapper et abattre les tyrans: mai je n'ai déjà dit, Milord, les morts ne savent ni attaquer ni se défendre; et c'est renverser l'ordre de la nature et les lois de la raison que les charger d'un office qui n'est que du ressort des vivants. On a abusé du nom sacré de la justice
Ah! Milord, cette tache imprimée à la gloire de l'Angleterre, en suspendant le cours de la justice, en faveur d'un bourreau masqué en gouverneur, je la pressentissais quand je prenais la liberté de représenter sans façon à votre seigneurie l'élévation de ce gouverneur travesti, sa fortune, ses protections, contre lesquelles avait à lutter la modicité de mes circonstances; je l'annonçais d'avance, en termes bien intelligibles quoique voilés, quand je particularisais, sans nuage, ses liaisons puissantes, ses amitiés accréditées qui pourraient bien se consoler des écarts d'un coupable chéri et protégé, en s'essayant à le divertir du châtiment.
Quoi? Milord, je ne me ferais donc point mépris dans mon premier calcul! Londres serait-il devenu un autre Québec? Près de trois ans se sont écoulés pour moi
Tel est, Milord, notre auguste souverain, tel le proclame avec admiration toute l'Europe, tel le chérit avec transport l'Angleterre entière: c'est sur cette estime universelle que je fonde le succès des nouvelles demandes que j'ai l'honneur d'adresser à votre seigneurie. Le général Haldimand est donc détenu à Québec jusques vers le
Quelle différence, cependant, de circonstances! Le plaintif n'alléguait point, en faveur de ses plaintes, des châtiments légaux à sa personne; mais moi, milord, on a commencé à décharger sur ma tête, toutes les vengeances, tous les anathèmes, que les lois violées et en courroux peuvent fulminer contre les plus coupables scélérats; et on a ouvert la scène de ma persécution, par un préliminaire si tragique, sans consulter même les lois, qui seules pouvaient l
Au reste, milord, je demande formellement ici votre approbation, pour rendre publiques les deux lettres que j'ai l'honneur d'adresser à votre seigneurie, et celle que j'écris au général Haldimand. Voici la raison de ma demande: les instances que je ne serais auprès de votre seigneurie, que par un commerce épistolaire, seraient scellées du sceau du secret; et la loi demande la légalité de la publicité dans mes procédés, pour me ménager, à tout évènement, une ressource légale, pour une satisfaction que tout me fait une loi de poursuivre, et d'obtenir, partout où les lois pourront me l'offrir.
Dans notre conversation du 5e du courant, votre seigneurie eut la bonté de nous faire part, que la loi de l'''habeas corpus'' avait été, depuis mon départ, rétablie à Québec. Tant mieux; voilà mon premier triomphe: c'est une espèce d'amende honorable, que me fait le général Haldimand, pour l,avoir si longtemps suspendue et violée contre ma personne
Votre seigneurie ajouta, que tout était paisible et content à Québec. Je ne balance pas de déclarer hardiment, que ce contentement prétendu est une nouvelle imposition, fait à la bonne foi de votre seigneurie: je laisse à mes braves compatriotes, de faire parvenir incessamment jusqu'aux pieds du trône, et du parlement, leurs véritables sentiments; mais au moins suis-je assez au fait de l'esprit qui les anime, pour pouvoir assurer à la face de toute l'Angleterre, qu'ils ne seront jamais contents, que quand ils seront aussi libres à Québec que les Anglais le sont à Londres, et qu'un premier acte d'affranchissement, délivré sous l'autorité du général Haldimand, c'est-à-dire, révocable à ses caprices, ne satisfera jamais leur noble façon de penser et d'agir; en se montrant en véritables Anglais par leur fidélité et leur bravoure, ils ont mérité de l'être par les privilèges et les droits.
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