« Poésie d’Antony Deschamps » : différence entre les versions

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{{journal|Poésie d'Antony Deschamps]]|[[Revue des Deux Mondes]], tome T.1, janv. - mars 1833|Anonyme|Poésie d'Antony Deschamps}}
 
 
 
<div style="text-align:center;">POESIE</div>
 
<div style="text-align:center;">D'ANTONY DESCHAMPS.</div>
 
 
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Voici un fragment du ''Miserere à la chapelle Sixtine : ''
 
<poem>
 
C'était une musique à nulle autre pareille,
 
Et par de là les monts inconnue à l'oreille :
 
De vingt bouches sorti, le son faible en naissant
 
S'enflait et grandissait comme un fleuve puissant,
 
Qui, jaillissant ruisseau des flancs de la montagne,
 
S'épand majestueux à travers la campagne.
 
Donc, j'entendais grossir l'harmonieuse mer,
 
Et ses flots isolés en vagues se former ;
 
Et me laissant bercer à la rumeur sublime,
 
Pareil au voyageur penché sur un abîme,
 
Qui lorsque le soleil au fond du gouffre a lui,
 
Regarde les rochers tourner autour de lui ;
 
Les genoux frémissans et la tête troublée,
 
Je n'apercevais plus la pieuse assemblée,
 
Mes esprits s'envolaient dans le vague emportés,
 
Et les illusions dansaient à mes côtés
 
Puis sous les lambris peints d'une couleur étrange,
 
Je croyais voir passer l'âme de Michel-Ange,
 
Que ce saint vendredi, jour de la Passion,
 
Venait se réjouir en sa création,
 
Et donnant une vie aux voûtes immobiles,
 
Balançait sur mon front prophètes et sibyles ;
 
Tandis que sur le mur, son divin monument,
 
Montaient et descendaient les morts du jugement.
 
Tout ce que dans mes vers ma plume ici rappelle,
 
Je l'éprouvais alors en l'antique chapelle ;
 
Mais lorsque revenait le verset récité,
 
Semblable au cri plaintif de notre humanité,
 
Je sentais aussitôt mon extase finie,
 
La vision cessait quand cessait l'harmonie;
 
Alors reparaissaient encore à mes regards,
 
Et les fronts tonsurés levés de toutes parts,
 
Et les dames de Rome, et sous leurs sombres voiles,
 
Leurs yeux étincelans comme font les étoiles;
 
Les hommes noirs, debout, et sans cesse ondulant,
 
Comme des flots poussés par un vent faible et lent,
 
Les sénateurs, les clercs, en longs habits de fête ;
 
Les prélats violets, et puis le casque en tête,
 
La pertuisane au poing, dans les angles obscurs,
 
Les Suisses bigarrés rangés le long des murs,
 
Et plus loin, dans le chœur, qu'une grille protège,
 
Les pères des couvens, et le sacré collège,
 
Les cierges de l'autel, et leur éclat tremblant,
 
Et sous un grand dais rouge un vieillard seul et blanc.
</poem>
 
 
En transcrivant ces vers qui respirent quelque chose de la grandeur du Vatican, nous regrettons vivement que cette suite de tableaux, qui devaient nous montrer dans leur vérité poétique les campagnes et les villes d'Italie, n'ait point été achevée;- nous le regrettons pour l'auteur et pour l'Italie elle-même. Puisque cette mère de notre civilisation, cette mère de Dante, de Raphaël, de Galilée, de Machiavel, de Christophe Colomb, de mille autres, ne peut plus faire entendre sa voix, opprimée qu'elle est par la force matérielle et brutale, il faudrait qu'une voix étrangère et généreuse, en rappelant sa fécondité passée, nous apprît quelle noble famille de penseurs et d'artistes, cette terre inépuisable tire encore de son sein, d'artistes comme Cimarosa, Canova, qui viennent de mourir, comme Rossini, Bartholini, qui tiennent en Europe le sceptre de leur art ; de jeunesse dévouée, comme celle qui se fait tuer à Bologne, ou meurt longuement et sans apostasier au fond des cachots. Alors finiraient ces vanteries de gens qui n'ont vu qu'eux-mêmes et s'admirent, ou les risées barbares de ces voyageurs qui vont profaner la beauté nue de cette Andromède enchaînée au bord des mers.