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la forme qui leur est donnée, s’ensuit-il que l’art soit absent et que la science seule se laisse voir ? Admettons, si l’on veut, que tous ces faits matériels ne puissent constituer un art. Est-ce là tout ? N’y a-t-il point dans ces constructions une idée ? Et cette idée est-elle un mystère impénétrable pour nous qui en sommes les enfants ? Les maîtres laïques ont les premiers tenté ce que nous faisons, sinon en architecture, si fort attardée par le gouvernement académique, du moins dans l’industrie, dans les constructions navales, dans nos grands travaux d’utilité publique ; ils voulaient soumettre la matière, l’assouplir de telle façon que tout devint possible. Sur des points d’appui grêles, ils voûtent de larges espaces. Dans ces grands vaisseaux, ils font pénétrer partout la lumière, et cette lumière c’est la décoration, c’est la peinture ; plus de murs, mais des tapisseries translucides. Contraints par les mœurs de leur temps à construire des habitations seigneuriales qui soient en même temps des forteresses, en soumettant la forme à ces deux nécessités distinctes, ils ont su trouver un art assez souple pour composer un tout homogène de ces éléments disparates. Leurs châteaux sont des forteresses et des habitations ; le programme est écrit sur leur front.
la forme qui leur est donnée, s’ensuit-il que l’art soit absent et que la science seule se laisse voir ? Admettons, si l’on veut, que tous ces faits matériels ne puissent constituer un art. Est-ce là tout ? N’y a-t-il point dans ces constructions une idée ? Et cette idée est-elle un mystère impénétrable pour nous qui en sommes les enfants ? Les maîtres laïques ont les premiers tenté ce que nous faisons, sinon en architecture, si fort attardée par le gouvernement académique, du moins dans l’industrie, dans les constructions navales, dans nos grands travaux d’utilité publique ; ils voulaient soumettre la matière, l’assouplir de telle façon que tout devint possible. Sur des points d’appui grêles, ils voûtent de larges espaces. Dans ces grands vaisseaux, ils font pénétrer partout la lumière, et cette lumière c’est la décoration, c’est la peinture ; plus de murs, mais des tapisseries translucides. Contraints par les mœurs de leur temps à construire des habitations seigneuriales qui soient en même temps des forteresses, en soumettant la forme à ces deux nécessités distinctes, ils ont su trouver un art assez souple pour composer un tout homogène de ces éléments disparates. Leurs châteaux sont des forteresses et des habitations ; le programme est écrit sur leur front.


Une des marques du style, c’est d’abord l’adoption de la forme convenable à chaque objet. Quand une œuvre d’architecture indique clairement l’usage auquel on la destine, elle est bien près de posséder le style ; mais quand, de plus, cette œuvre forme, avec celles qui l’environnent, un tout harmonieux, à coup sûr le style s’y trouve. Or, il est évident, pour ceux qui ont regardé des monuments appartenant à une même période du moyen âge, qu’il existe entre ces diverses expressions un accord, une harmonie. L’église ne ressemble pas à l’hôtel de ville ; celui-ci ne peut se confondre avec un hospice, ni l’hospice avec un château, ni le château avec un palais, ni le palais avec la maison du bourgeois ; et cependant, entre ces œuvres diverses dont la destination est écrite clairement, un lien subsiste. Ce sont bien les produits divers d’un état social maître de son expression d’art, et qui n’hésite jamais dans le choix de son langage. Dans cette harmonie, quelle variété cependant ! L’artiste conserve sa personnalité. Tous parlent la même langue, mais quelle fécondité dans le tour ! C’est que leurs lois ne sont pas établies sur des formes admises, mais sur des principes. Pour eux, une colonne n’est point un style qui, de par la tradition, doit avoir en hauteur un certain nombre de fois son diamètre, mais un cylindre dont la forme doit être calculée en raison de ce qu’il porte. Un chapiteau n’est pas un ornement qui termine le fût d’une colonne, mais une assise en encorbellement posée pour recevoir les divers membres que la colonne doit soutenir. Une porte n’est pas une baie dont la hauteur est proportionnelle â la largeur, mais une ouverture faite pour le nombre de personnes qui à la fois passent sous son linteau… Mais pourquoi insister sur l’application de principes tant de fois développés dans le le ''Dictionnaire'' ? Ces principes ne sont autre chose que la sincérité dans l’emploi de la forme. Le style se développe d’autant
Une des marques du style, c’est d’abord l’adoption de la forme convenable à chaque objet. Quand une œuvre d’architecture indique clairement l’usage auquel on la destine, elle est bien près de posséder le style ; mais quand, de plus, cette œuvre forme, avec celles qui l’environnent, un tout harmonieux, à coup sûr le style s’y trouve. Or, il est évident, pour ceux qui ont regardé des monuments appartenant à une même période du moyen âge, qu’il existe entre ces diverses expressions un accord, une harmonie. L’église ne ressemble pas à l’hôtel de ville ; celui-ci ne peut se confondre avec un hospice, ni l’hospice avec un château, ni le château avec un palais, ni le palais avec la maison du bourgeois ; et cependant, entre ces œuvres diverses dont la destination est écrite clairement, un lien subsiste. Ce sont bien les produits divers d’un état social maître de son expression d’art, et qui n’hésite jamais dans le choix de son langage. Dans cette harmonie, quelle variété cependant ! L’artiste conserve sa personnalité. Tous parlent la même langue, mais quelle fécondité dans le tour ! C’est que leurs lois ne sont pas établies sur des formes admises, mais sur des principes. Pour eux, une colonne n’est point un style qui, de par la tradition, doit avoir en hauteur un certain nombre de fois son diamètre, mais un cylindre dont la forme doit être calculée en raison de ce qu’il porte. Un chapiteau n’est pas un ornement qui termine le fût d’une colonne, mais une assise en encorbellement posée pour recevoir les divers membres que la colonne doit soutenir. Une porte n’est pas une baie dont la hauteur est proportionnelle â la largeur, mais une ouverture faite pour le nombre de personnes qui à la fois passent sous son linteau… Mais pourquoi insister sur l’application de principes tant de fois développés dans le ''Dictionnaire'' ? Ces principes ne sont autre chose que la sincérité dans l’emploi de la forme. Le style se développe d’autant