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Cet état de choses dura sept ans, et finit par prendre des proportions qui créaient une sorte de danger public ; lorsque l’on chercha sérieusement le remède, on n’en trouva qu’un seul, le rétablissement de l’octroi. Toutes les villes, Paris même, le réclamaient. L’expérience avait été dure, mais elle n’avait pas été inutile ; en présence, de la mendicité encombrant nos voies publiques devenues impraticables, on alla demander des ressources à ce qui en a toujours produit, à là taxation des denrées alimentaires. C’était le seul moyen d’éviter que les villes ne restassent à la charge de l’état, qui avait déjà grand’peine à subvenir à ses propres exigences. L’état était intervenu, mais selon ses moyens et non pas selon les besoins qu’il fallait satisfaire. Le 2 fructidor an VI, le rapporteur de la commission des finances reconnaît que Paris est dans une situation intolérable : les services de voirie, déjà si singulièrement négligés, vont cesser tout à fait ; depuis longtemps, on ne paie plus personne ; les entrepreneurs menacent d’arrêter tout travail ; on doit 410,000 livres pour l’enlèvement des boues, 450,000 pour le pavage, 420,000 pour l’éclairage ; enfin la ville ne peut même pas solder une misérable somme de 16,000 livres qui est due aux balayeurs. Il était temps d’aviser, on se hâta. Le 24 vendémiaire an VII, le conseil des cinq-cents déclara l’urgence sur le rétablissement d’une taxe d’''octroi municipal et de bienfaisance'' dont le produit intégral appartiendrait à la ville de Paris ; le 27 du même mois (18 octobre 1798), la loi est votée. La première année, du 22 octobre 1798 au 23 octobre 1799, les perceptions fournirent la somme de 7,613,232 francs.


Cet état de choses dura sept ans, et finit par prendre des proportions qui créaient une sorte de danger public ; lorsque l’on chercha sérieusement le remède, on n’en trouva qu’un seul, le rétablissement de l’octroi. Toutes les villes, Paris même, le réclamaient. L’expérience avait été dure, mais elle n’avait pas été inutile ; en présence de la mendicité encombrant nos voies publiques devenues impraticables, on alla demander des ressources à ce qui en a toujours produit, à là taxation des denrées alimentaires. C’était le seul moyen d’éviter que les villes ne restassent à la charge de l’état, qui avait déjà grand’peine à subvenir à ses propres exigences. L’état était intervenu, mais selon ses moyens et non pas selon les besoins qu’il fallait satisfaire. Le 2 fructidor an {{rom|VI|6}}, le rapporteur de la commission des finances reconnaît que Paris est dans une situation intolérable : les services de voirie, déjà si singulièrement négligés, vont cesser tout à fait ; depuis longtemps, on ne paie plus personne ; les entrepreneurs menacent d’arrêter tout travail ; on doit {{formatnum:410000}} livres pour l’enlèvement des boues, {{formatnum:450000}} pour le pavage, {{formatnum:420000}} pour l’éclairage ; enfin la ville ne peut même pas solder une misérable somme de {{formatnum:16000}} livres qui est due aux balayeurs. Il était temps d’aviser, on se hâta. Le 24 vendémiaire an {{rom|VII|7}}, le conseil des cinq-cents déclara l’urgence sur le rétablissement d’une taxe d’''octroi municipal et de bienfaisance'' dont le produit intégral appartiendrait à la ville de Paris ; le 27 du même mois (18 octobre 1798), la loi est votée. La première année, du 22 octobre 1798 au 23 octobre 1799, les perceptions fournirent la somme de {{formatnum:7613232}} francs.
Si l’établissement des taxes d’octroi soulageait l’état, enfin débarrassé de la ville de Paris, si celle-ci y trouvait les ressources qui lui manquaient et la liberté d’action qui lui était nécessaire, une telle mesure ne faisait point l’affaire des cabaretiers et des débitans de liqueurs, dont elle aggravait les charges. Ce fut parmi ces âpres industriels une indignation générale, et promptement ils s’organisèrent pour éluder les prescriptions nouvelles. Ce n’était point difficile en ce temps où une police vénale laissait volontiers toute liberté d’allure à ceux qui la soudoyaient ; de plus la surveillance du périmètre de Paris et des barrières était confiée, en vertu de l’arrêté du 29 frimaire an VII, à un nombre d’agens dérisoire : 393 préposés devaient suffire à tout ; c’était là une économie fort mal entendue, et le trésor municipal pouvait s’en apercevoir. Dès que la nuit était tombée, la ville était littéralement prise d’assaut ; les cabaretiers des villages de la banlieue dressaient leurs échelles contre le mur d’enceinte, et les barils de vin, les bouteilles d’eau-de-vie, la viande, la charcuterie, le vinaigre, étaient descendus, à l’aide de cordes, aux complices qui attendaient dans le chemin de ronde.

Si l’établissement des taxes d’octroi soulageait l’état, enfin débarrassé de la ville de Paris, si celle-ci y trouvait les ressources qui lui manquaient et la liberté d’action qui lui était nécessaire, une telle mesure ne faisait point l’affaire des cabaretiers et des débitans de liqueurs, dont elle aggravait les charges. Ce fut parmi ces âpres industriels une indignation générale, et promptement ils s’organisèrent pour éluder les prescriptions nouvelles. Ce n’était point difficile en ce temps où une police vénale laissait volontiers toute liberté d’allure à ceux qui la soudoyaient ; de plus la surveillance du périmètre de Paris et des barrières était confiée, en vertu de l’arrêté du 29 frimaire an {{rom|VII|7}}, à un nombre d’agens dérisoire : 393 préposés devaient suffire à tout ; c’était là une économie fort mal entendue, et le trésor municipal pouvait s’en apercevoir. Dès que la nuit était tombée, la ville était littéralement prise d’assaut ; les cabaretiers des villages de la banlieue dressaient leurs échelles contre le mur d’enceinte, et les barils de vin, les bouteilles d’eau-de-vie, la viande, la charcuterie, le vinaigre, étaient descendus, à l’aide de cordes, aux complices qui attendaient dans le chemin de ronde.