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Cook et l’astronome Green étaient allés à Taïti, l’abbé Chappe d’Auteroche en Californie, Pingré à Saint-Domingue. Le roi de Danemark avait emprunté à Marie-Thérèse le père Hell pour l’envoyer à Wardhus, en Laponie. En combinant les diverses observations obtenues dans des lieux si éloignés, on trouva pour la distance du soleil des valeurs déjà très rapprochées de celles que les astronomes adoptent aujourd’hui.
Cook et l’astronome Green étaient allés à Taïti, l’abbé Chappe d’Auteroche
en Californie, Pingré à Saint-Domingue. Le roi de Danemark
avait emprunté à Marie-Thérèse le père Hell pour l’envoyer à
Wardhus, en Laponie. En combinant les diverses observations obtenues
dans des lieux si éloignés, on trouva pour la distance du soleil
des valeurs déjà très rapprochées de celles que les astronomes
adoptent aujourd’hui.


Parmi les observateurs qui prirent part à ces travaux, il en est un qui est devenu célèbre par ses malheurs. Son voyage fut une odyssée, et le guignon fut son pilote. Le Gentil de La Galaisière avait reçu la mission d’observer le passage de 1761 à Pondichéry. Il s’était embarqué au mois de mars 1760, et il atterrit à l’Île-de-France le 10 juillet suivant ; mais dans l’intervalle, la guerre avait éclaté entre la France et l’Angleterre, et il dut attendre cinq mois qu’une frégate française pût se risquer dans les mers de l’Inde. Lorsqu’il arriva en vue de Pondichéry le 24 mai 1761, il trouva cette ville au pouvoir des Anglais, et le 6 juin il était encore en mer quand le passage eut lieu. Il vit le soleil briller dans un ciel pur et sans nuages, mais il fut impossible d’y pointer les lourds télescopes qu’il avait à bord et qui eussent exigé une installation fixe. Le Gentil prit alors un parti héroïque. « J’y suis, dit-il, j’y reste. » Et il attendit huit ans sur la côte de Coromandel le passage de 1769. Il employa ce temps à étudier le climat de l’Inde, les courans maritimes, l’astronomie des brahmanes, et à déterminer des positions géographiques. Enfin le grand jour arriva. La saison avait été excellente, le mois de mai notamment splendide ; Le Gentil était plein de confiance et de courage. Le passage devait avoir lieu le 4 juin, de trois heures à sept heures du matin. La journée du 3 resta belle ; à dix heures, Le Gentil se couche après avoir disposé ses instrumens. À deux heures, il s’éveille, et il croit entendre la brise du sud-est. « J’en tirai un bon augure, dit-il, parce que je savais que le vent du sud-est est le balai de la côte, et qu’il amène toujours la sérénité ; mais, la curiosité m’ayant porté à me lever un moment après, je vis avec le plus grand étonnement que le ciel était pris partout, surtout dans le nord et le nord-est, où il éclairait ; avec cela, il faisait un calme profond. Dès cet instant, je me suis condamné ; je me jetai sur mon lit sans pouvoir fermer l’œil. » À cinq heures et demie, la tempête se déchaîne, l’air est obscurci par des tourbillons de poussière ; vers six heures, le vent tombe, mais les nuages restent. À sept heures moins trois minutes, moment où devait avoir lieu la sortie de la planète, on aperçoit bien au ciel une légère blancheur qui fait soupçonner où est le soleil, mais dans la lunette on ne voit rien. « Peu à peu les vents passèrent à l’est et au sud-est, les
Parmi les observateurs qui prirent part à ces travaux, il en est un
qui est devenu célèbre par ses malheurs. Son voyage fut une odyssée,
et le guignon fut son pilote. Le Gentil de La Galaisière avait
reçu la mission d’observer le passage de 1761 à Pondichéry. Il s’était
embarqué au mois de mars 1760, et il atterrit à l’Île-de-France le
10 juillet suivant ; mais dans l’intervalle, la guerre avait éclaté entre
la France et l’Angleterre, et il dut attendre cinq mois qu’une frégate
française pût se risquer dans les mers de l’Inde. Lorsqu’il arriva en
vue de Pondichéry le 24 mai 1761, il trouva cette ville au pouvoir
des Anglais, et le 6 juin il était encore en mer quand le passage eut
lieu. Il vit le soleil briller dans un ciel pur et sans nuages, mais il
fut impossible d’y pointer les lourds télescopes qu’il avait à bord et
qui eussent exigé une installation fixe. Le Gentil prit alors un parti
héroïque. « J’y suis, dit-il, j’y reste. » Et il attendit huit ans sur la
côte de Coromandel le passage de 1769. Il employa ce temps à étudier
le climat de l’Inde, les courans maritimes , l’astronomie des
brahmanes, et à déterminer des positions géographiques. Enfin le
grand jour arriva. La saison avait été excellente, le mois de mai
notamment splendide ; Le Gentil était plein de confiance et de courage.
Le passage devait avoir lieu le 4 juin, de trois heures à sept
heures du matin. La journée du 3 resta belle ; à dix heures, Le
Gentil se couche après avoir disposé ses instrumens. À deux heures,
il s’éveille, et il croit entendre la brise du sud-est. « J’en tirai un
bon augure, dit -il, parce que je savais que le vent du sud -est
est le balai de la côte, et qu’il amène toujours la sérénité ; mais,
la curiosité m’ ayant porté à me lever un moment après, je vis
avec le plus grand étonnement que le ciel était pris partout, surtout
dans le nord et le nord-est, où il éclairait ; avec cela, il faisait
un calme profond. Dès cet instant, je me suis condamné ; je
me jetai sur mon lit sans pouvoir fermer l’œil. » À cinq heures et
demie, la tempête se déchaîne, l’air est obscurci par des tourbillons
de poussière ; vers six heures, le vent tombe, mais les nuages restent.
À sept heures moins trois minutes, moment où devait avoir
lieu la sortie de la planète, on aperçoit bien au ciel une légère blancheur
qui fait soupçonner où est le soleil, mais dans la lunette on ne
voit rien. « Peu à peu les vents passèrent à l’est et au sud-est, les