« Épaves (Maupassant) » : différence entre les versions
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▲[[Catégorie:Contes et Nouvelles de Maupassant|Epaves]]
▲[[Catégorie:1881|Epaves]]
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|[[Auteur :Guy de Maupassant|Guy de Maupassant]] ▼
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|[[Histoire corse]]|
|[[Pétition d’un viveur malgré lui]] }}
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J'aime la mer en décembre, quand les étrangers sont partis ; mais je l'aime sobrement, bien entendu. Je viens de demeurer trois jours dans ce qu'on appelle une station d'été.▼
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Le village, si plein de Parisiennes naguère, si bruyant et si gai, n'a plus que ses pêcheurs qui passent par groupes, marchant lourdement avec leurs grandes bottes marines, le cou enveloppe de laine, portant d'une main un litre d'eau-de-vie et, de l'autre, la lanterne du bateau. Les nuages viennent du Nord et courent affolés dans un ciel sombre ; le vent souffle. Les vastes filets bruns sont étendus sur le sable, couvert de débris rejetés par la vague. Et la plage semble lamentable, car les fines bottines des femmes n'y laissent plus les trous profonds de leurs hauts talons. La mer, grise et froide, avec sa frange d'écume, monte et descend sur cette grève déserte, illimitée et sinistre.▼
▲Le village, si plein de Parisiennes naguère, si bruyant et si gai,
Quand le soir vient, tous les pêcheurs arrivent à la même heure. Longtemps ils tournent autour des grosses barques échouées, pareilles à de lourds poissons morts ; ils mettent dedans leurs filets, un pain, un pot de beurre, un verre, puis ils poussent vers l'eau la masse redressée qui bientôt se balance, ouvre ses ailes brunes et disparaît dans la nuit, avec un petit feu au bout du mât. Des groupes de femmes, restées jusqu'au départ du dernier pêcheur, rentrent dans le village assoupi, et leurs voix troublent le lourd silence des rues mornes.▼
▲Quand le soir vient, tous les pêcheurs arrivent à la même heure. Longtemps ils tournent autour des grosses barques échouées, pareilles à de lourds poissons morts ; ils mettent dedans leurs filets, un pain, un pot de beurre, un verre, puis ils poussent vers
Et j'allais rentrer aussi quand j'aperçus un homme ; il était seul, enveloppé d'un manteau sombre ; il marchait vite et parcourait de l'oeil la vaste solitude de la grève, fouillant l'horizon du regard, cherchant un autre être.▼
▲Et
Il me vit, s'approcha, me salua ; et je le reconnus avec épouvante. Il allait me parler sans doute, quand d'autres humains apparurent. Ils venaient en tas pour avoir moins froid. Le père, la mère, trois filles, le tout roulé dans des pardessus, des imperméables antiques, des châles ne laissant passer que le nez et les yeux. Le père était embobiné dans une couverture de voyage qui lui montait jusque sur la tête.▼
▲Il me vit,
Alors le promeneur solitaire se précipita vers eux ; de fortes poignées de main furent échangées, et on se mit à marcher de long en large sur la terrasse du Casino, fermé maintenant.
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Quels sont ces gens restés ainsi quand tout le monde est parti ?
Ce sont les épaves de
Le premier est un grand homme. Entendons-nous : un grand homme de bains de mer. La race en est nombreuse.
Quel est celui de nous qui, arrivant en plein été dans ce
On fait ensemble un tour de plage. Soudain on rencontre un monsieur sur le passage duquel les autres baigneurs se retournent pour le contempler de dos. Il a
Votre compagnon vous serre le bras :
Vous demandez naïvement :
Brusquement votre ami
On se tait, légèrement humilié.
Cinq minutes après,
Vous rencontrez encore deux peintres ; un homme de lettres, rédacteur
Voilà les grands hommes ; et leur renommée est due seulement à la régularité de leurs retours. Depuis douze ans ils apparaissent régulièrement à la même date ; et, comme tous les ans quelques baigneurs de
Une seule espèce
On est toujours préparé à la venue
Celui-là
Quand les baigneurs sont partis, le grand homme reste ; il reste tant
Et toujours une famille reste également, une pauvre famille de la ville voisine avec trois filles à marier. Elle vient tous les étés ; et les demoiselles Bautané sont aussi connues dans ce lieu que le grand homme. Depuis dix ans, elles font leur saison de pêche au mari (sans rien prendre,
Et voilà
Il
Mais un matelot, qui
Et
Et, chaque année, des unions pareilles ont lieu après la saison finie, dans les villes de bains abandonnées.
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Allez, allez, ô jeunes filles,
Chercher maris auprès des
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disait le poète.
Ils disparurent dans
La lune se levait toute rouge
Le bruit monotone du flot engourdissait la pensée, et une tristesse démesurée me venait de la solitude infinie de la terre, de la mer et du ciel.
Soudain, des voix jeunes me réveillèrent et deux grandes filles démesurément hautes
Je reconnus des Anglaises.
Car, de toutes les épaves, celles-là sont les plus ballottées.
Elles riaient, de leur rire grave, parlaient fort, de leurs voix
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