« Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social » : différence entre les versions

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{{Titre|Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social|[[Louis-Gabriel de Bonald]]|1800}}
 
Toute société est composée de trois personnes distinctes l'une de l'autre, qu'on peut appeller personnes sociales, pouvoir, ministre, sujet, qui reçoivent différens noms des divers états de société : père, mère, enfans, dans la société domestique ; dieu, prêtres, fidèles, dans la société religieuse ; rois ou chefs suprêmes, nobles ou fonctionnaires publics, féaux ou peuple dans la société politique ; raison métaphysique de la première, seconde et troisième personne de tous les temps du verbe dans toutes les langues : de ce mot, disent les grammairiens, appellé verbe ou parole par excellence, parce qu' il exprime l'action, c'est-à-dire l'être intelligent, seul être qui agisse
puisqu'il est le seul qui fasse sa propre volonté. Or, l'être intelligent étant l'être social, il est naturel qu'on trouve dans la société la raison des règles fondamentales de son expression ou du discours, comme l'on y trouve la raison essentielle de son être. Un homme qui n'a écrit et parlé que
dans des circonstances remarquables, demandoit en 1789 : qu' est-ce que le tiers ? expression qui désignoit alors en France la personne du sujet. je demande aujourd'hui : qu'est-ce que le pouvoir et
le ministère, appellés alors en France et encore aujourd'hui dans d'autres états royauté et noblesse ? et comme la question proposée par cet écrivain annonçoit qu' une révolution alloit commencer, la question que je traite annonce qu'une révolution va finir ; car le sujet commence
toute révolution, et le pouvoir la termine ; et c'est là la pensée de Montesquieu, lorsqu' il dit : " les troubles en " France ont toujours affermi le pouvoir " . L'auteur de la question qu'est-ce que
le tiers ? parloit du peuple, et devant le peuple : il calculoit le nombre des hommes plutôt qu'il n' observoit leurs rapports respectifs dans la société. Les passions entendirent ce qu' il ne disoit pas, et même ce qu' il ne vouloit pas dire. Son ouvrage eut une vogue rapide, et accrut l'effervescence.
Je parle du petit nombre, et j'en parle au petit nombre. Je considère les rapports sociaux, et non les proportions arithmétiques ; j'attends le succès de mes idées de la raison et du temps. " il faudra du temps", dit quelque part Duclos, "parce que cela est raisonnable " .
 
Je considère donc le pouvoir dans la société comme l'être qui a le vouloir et le faire pour la conservation de la société, être public dont la volonté publique s'appelle loi, quand elle est connue de tous, et dont l'action publique, exécution de cette volonté, s'appelle culte dans la religion, gouvernement dans l'état, quand elle est exercée sur tous.
 
Cette action sociale s'accomplit par deux devoirs ou fonctions, celle de juger et celle de combattre ;
fonctions publiques ou générales sous lesquelles sont comprises toutes les fonctions particulières, puisque tout se réduit, pour la société, à découvrir ce que veut la loi, ce que j'appelle juger, et
à écarter les obstacles qui s' opposent, au dedans comme au dehors, à l'exécution de la loi connue : ce que j'appelle combattre.
 
Ces fonctions, étant générales et devant être exercées sur un grand nombre d'individus, et dans une infinité de lieux et de circonstances, ne peuvent être remplies que par un nombre proportionné d'agens, fonctionnaires publics, ministres du pouvoir, c' est-à-dire serviteurs, suivant la force du mot latin ministrare.
 
Je n'entends donc pas par ministres, les hommes chargés de diriger une partie quelconque de l'administration publique, guerre, police, finance, etc. : ce ne sont, à proprement parler, que des secrétaires d' état, et c'est ce titre qu' ils portoient en France et qu'ils portent encore dans
d'autres états. Je n'entends pas non plus, comme dans les anciennes cours de justice,
par ministère public les fonctions censoriales, exercées près les tribunaux par les procureurs-généraux, solliciteurs-généraux, et encore par les accusateurs publics ; mais j'entends l'ensemble, le
corps des hommes qui jugent et qui combattent par les ordres du pouvoir, pour accomplir sur le sujet l'action conservatrice de la société ; et c'est dans ce sens que l'on dit les ministres de la religion ; ministère public, institution ou plutôt établissement naturel, puisqu'on le retrouve sous différens noms dans toute société, et à toute époque de la société ; établissement nécessaire, parce
que le pouvoir dans la société ne peut pas plus exister sans ministres que la société exister sans pouvoir.