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il recommandait à la princesse doña Juana de prendre des mesures afin que, si leurs auteurs, qui étaient avancés en âge, venaient à mourir avant qu’elles eussent vu le jour, elles fussent recueillies avec soin et livrées à l’impression[1]. C’était sous son inspiration, il n’est guère permis d’en douter, que don Luis d’Avila avait retracé l’histoire de la guerre d’Allemagne de 1546 et 1547. Lui-même, à l’exemple de César, dont l’admirable livre faisait sa lecture favorite, il voulut écrire ses Commentaires. Il commença de donner exécution à ce dessein dans les longues journées pendant lesquelles il remonta le Rhin, de Cologne à Mayence, au mois de juin 1550. Il était alors au faîte de la gloire et de la prospérité. Il allait tenir la seconde diète d’Augsbourg, où il se flattait de voir consolider sa puissance en Allemagne, et sa maison s’agrandir encore par la succession de son fils à l’empire. Guillaume van Male, de Bruges, l’un de ses aides de chambre (ayúdas de cámara), lui servait de secrétaire. A Augsbourg il contribua cet ouvrage et le conduisit jusque vers la fin de la diète de 1548. Lorsque, à Innspruck, il se trouva dans la situation critique que nous avons fait connaître, il craignit que ses Commentaires, avec sa propre personne, ne tombassent au pouvoir de ses ennemis; il les envoya, par un serviteur fidèle, au prince son fils, en Espagne. Il en avait vraisemblablement gardé copie, et l’on est fondé à croire, d’après les documents qui ont été publiés il y a une vingtaine d’années, que, durant les loisirs de son séjour au château de Jarandilla et au couvent de Yuste, il s’occupa de les revoir, d’y donner les développements nécessaires, de les compléter[2], toujours avec l’aide de Guillaume van Male; un fait consigné dans une lettre du seigneur de la Chaulx sert à corroborer cette opinion : « L’empereur, écrit-il, avait congédié van Maie pour certaines choses dont il était mécontent, mais il lui a pardonné bientôt après et rendu toute sa faveur[3]. » Il est connu qu’à la mort de Charles-Quint ses papiers furent cachetés par Quijada, pour être remis au roi Philippe, et que la même destination fut donnée a ceux qui étaient en la possession de van Male; mais on ne sait pas encore aujourd’hui ce que les uns et les autres sont devenus. Nous avons ailleurs énoncé cette conjecture, que Philippe II les fit brûler[4]. Nous le pensons toujours.. Si ce monarque les avait conservés, comment ne les aurait-on trouvés, en Espagne, ni dans les archives, ni dans les bibliothèques, où ils ont été l’objet de tant d’investigations?

Jusque dans ces derniers temps on avait ignoré l’envoi fait par Charles-Quint à son fils, en 1552, de la première rédaction de ses Commentaires, de même qu’on ignorait le contenu de ceux-ci; cette double découverte est due à M. le baron Kervyn de Lettenhove, à qui l’histoire de Belgique a de si nombreuses obligations. Occupé, il y a une dizaine d’années, à la Bibliothèque nationale, à Paris, de recherches concernant les anciens auteurs belges, M, Kervyn compulsait le grand catalogue du fond français. Il ne fut pas peu surpris d’y voir figurer une Historia del invictissimo emperador Carlos Quinto, composta por Sua Majestade Cesarea; il se fit produire le volume : ce n’était rien moins qu’une traduction portugaise, faite à Madrid, en 1620, du propre manuscrit envoyé d’Innspruck, avec la lettre d’accompagnement de l’empereur en espagnol, langue dont il avait l’habitude de se servir lorsqu’il écrivait à son fils. On possédait donc enfin l’ouvrage dont l’existence avait été signalée, il y a trois siècles, en Espagne par Ambrosio de Morales, en Italie par Luigi Dolce et Girolamo Ruscelli, en France par Brantôme, et confirmée de nos jours en Belgique par la mise en lumière des lettres de Guillaume van Male à Louis de Flandre, seigneur de Praet. Comprenant le devoir que dans cette circonstance il avait à remplir envers les lettres, M. Kervyn s’empressa de

  1. Retraite et mort, etc., t. I, p. 310.
  2. Dans sa lettre d’envoi an prince Philippe, Charles-Quint annonçait formellement l’intention de revoir et de compléter son travail.
  3. Lettre du 28 novembre 1556 au secrétaire Vazquez, dans Retraite et mort, etc., t. I, p. 55.
  4. Retraite et mort, etc., t. II, p. CLII.