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défense des frontières et des côtes de l’Espagne, ainsi que pour l’envoi de secours aux Pays-Bas, mais ce fut en évitant avec soin de donner à ses conseils la forme de commandements : il s’en remettait, au contraire, à ce que décideraient les ministres de la princesse et aux ordres que donnerait le roi[1],

Depuis son débarquement à Laredo, la santé de Charles-Quint avait été excellente; ceux qui l’entouraient ne se rappelaient pas, en interrogeant, leurs souvenirs des cinq ou six dernières années, qu’il se fût porté aussi bien[2]. Le 27 décembre il eut une attaque de goutte au poignet droit, laquelle, les jours suivants, s’étendit aux bras, aux épaules, aux genoux, et fut accompagnée de plusieurs accès de fièvre. Le mal, très-violent tout d’abord, n’eut pas une longue durée; dix jours après l’assaut qu’il venait d’éprouver, Charles se trouvait rétabli : toutefois il lui restait une démangeaison aux jambes dont il souffrait depuis longtemps déjà et qui, se faisant surtout sentir la nuit, l’incommodait beaucoup; afin de se soulager, il lavait ses jambes avec du vinaigre et dé l’eau de rose; il mettait des bas de fil de fin trempés dans cette eau. Pour quelqu’un sujet à la goutte, ce n’était pas là des remèdes que la prudence conseillât : mais Charles disait qu’il ne pouvait faire autrement que d’en user[3]. Le 24 novembre il était allé visiter le monastère de Yuste; il avait été très-satisfait de l’habitation qu’on y avait construite pour lui[4]. Cette satisfaction, les personnes de sa suite étaient loin de la partager. La température du pays était froide et humide; les brouillards étaient fréquents; il pleuvait presque continuellement, et, selon l’expression de Quijada, il tombait plus d’eau en une heure qu’en un jour à Valladolid : aussi, parmi les serviteurs de l’empereur, n’en était-il aucun qui ne fût persuadé qu’un tel climat lui serait contraire. Interprète des sentiments de tous, Quijada lui fit des représentations pour l’engager à se choisir une autre résidence; la reine Marie elle-même lui écrivit afin de le détourner d’entrer à Yuste : il dit à Quijada que dans toutes les parties de l’Espagne il avait vu pleuvoir et faire froid l’hiver; à sa sœur il répondit, en empruntant un proverbe espagnol, que le lion n’était pas, aussi terrible qu’on le représentait. Sa résolution était inébranlable : il n’aurait pas abandonné le dessein qu’il avait conçu, « quand même le ciel se serait joint avec la terre » [5].

Si Charles-Quint différa pendant trois mois d’entrer au monastère de Yuste, cene fut donc pas qu’il eût hésite an instant : mais il désirait d’abord que le roi son fils eût assuré le sort de ceux de ses serviteurs qui s’y enfermeraient avec lui; ensuite il eut à payer les personnes attachées à sa maison, et on lui fit attendre jusqu’au 11 janvier une somme de vingt-six mille ducats qu’il avait demandée pour cet objet; lorsqu’il l’eut reçue, il calcula qu’il lui resterait à peine cinq cents ducats; il jugea qu’il ne pouvait convenablement s’établir au monastère avec si peu d’argent : il pria donc la princesse doña Juana de lui envoyer quatre mille ducats encore[6]. Cette nouvelle somme lui étant parvenue le 25 janvier, il se disposa à quitter Jarandilla. Il avait réglé avec Quijada la composition future de sa maison : dans le principe il entendait retenir un nombre de serviteurs si restreint qu’ils n’auraient évidemment pas suffi aux exigences de son service : sur les instances réitérées de Quijada, il se décida, quoique avec peine, à en garder quelques-uns de plus[7]. Le secrétaire Gaztelú, le docteur Mathys, un chapelain, un confesseur, un maître de la garde-robe, quatre aides de chambre (ayúdas de cámara), un garde-joyaux, quatre barbiers, deux pharmaciens, deux fourriers, deux horlogers, dont l’un était le savant Gio-

  1. Lettres des 31 janvier et 2 février, dans Retraite et mort, etc., pp. 150 et 157.
  2. Retraite et mort, etc., t. I, pp. 28, 55, 58, 68; t. II. pp. 120, 143.
  3. Ibid., t. I, pp. 76, 77, 79, 81, 82, 86, 89, 93; t. II, p. 146.
  4. Retraite et mort, etc., t. I. pp. 55, 58.
  5. Ibid., t. I, pp. 44, 45, 49, 50, 51, 53, 64; t. II, p. 120.
  6. Retraite et mort. etc., t. I, pp. 55, 58, 66, 71, 89, 94; t. II, pp 142, 143.
  7. Ibid., t. I, p. 68; t. II, p. 144.