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On a plus d’und’une fois tracé le tableau de cette industrie presque féerique qui occupe toute une ville laborieuse, posée au flanc d’une montagne comme une ruche ensoleillée. On a dit les magnifiques charretées de roses déversées au seuil des fumantes usines, les vastes salles où les trieuses nagent littéralement dans le flot des pétales, l’arrivée moins encombrante mais plus précieuse des violettes, des tubéreuses, de la cassie, du jasmin, en de larges corbeilles que les paysannes portent noblement sur la tête. On a enfin décrit les procédés divers par lesquelles on arrache aux fleurs, selon leur caractère, pour les fixer dans le cristal les secrets merveilleux de leur cœur. On sait que les unes, les roses par exemple, sont pleines de complaisances et de bonne volonté et livrent leur arome avec simplicité. On les entasse en d’énormes chaudières, aussi hautes que celles de nos locomotives, où passe de la vapeur d’eau. Peu à peu leur huile essentielle, plus coûteuse qu’une gelée de perles, suinte goutte à goutte en un tube de verre étroit comme une plume d’oie, au bas de l’alambic pareil à quelque monstre qui donnerait péniblement naissance à une larme d’ambre.
 
Mais la plupart des fleurs laissent moins facilement emprisonner leur âme. Je ne parlerai pas ici, après tant d’autres, des tortures infiniment variées qu’on leur inflige pour les forcer d’abandonner enfin le trésor qu’elles cachent désespérément au fond de leur corolle. Il suffira, pour donner une idée de la ruse du bourreau et de l’obstination de certaines victimes, de rappeler le supplice de l’« enfleurage » à froid que subissent, avant de rompre le silence, la jonquille, le réséda, la tubéreuse et le jasmin. — Remarquons en passant que le parfum du jasmin est le seul qui soit inimitable, le seul qu’on ne puisse obtenir par le savant mélange d’autres odeurs.